• 11 janvier '14 - Immigrée, j'ai été, immigrée je demeurerai

    Un-e Américain-e, un-e Australien, un-e Norvégien-ne est un-e expat.  Un-e Indien-ne, un-e Somalien-ne, un-e Congolais-e est un-e immigré-e...L'aviez-vous remarqué?

    Un homme ou une femme cultivée, venant de l'hémisphère nord, d'un pays industrialisé est un-e expatrié-e.  Un homme ou une femme, cultivé-e ou non, venant de l'hémisphère sud, du moins d'un pays dit "sous-développés", voire même "émergeants" est un-e immigré-e ici? 

    Alors, moi, je suis une immigrée. certaines personnes, je l'ai déjà écrit en son temps, prétendent même que je ne suis pas une immigrée mais une fille d'immigrée...(pas une réfugiée mais une fille de réfugiée).  Soit.

    Et ma soeur, née à Bruxelles, elle est quoi?  Elle n'est pas belge.  Non, ce serait trop facile.  Aux yeux des autres, elle est surtout fille d'un immigré et une immigrée.

    Elle et moi, comme mes parents, avons la nationalité belge. Pourtant, nous resterons à jamais, de par notre faciès des immigré-es.  Mais parce que mes parents connaissaient un peu le code social occidental, parce qu'il et elle avaient un certain niveau de conscience (et de culture occidentale), parce qu'il et elle ont rencontré des personnes aidantes, et surtout parce qu'il et elle, parce ma soeur et moi, n'avons pas connu le racisme permanent et ostensiblement méchant et assumé, nous avons pu franchir les obstacles. 

    Mais que serais-je devenue si, à longueur de temps, je m'étais vue refuser l'entrée d'un magasin, d'une boîte de nuit, d'un job, d'un appartement à louer, d'un prêt immobilier parce que je suis une immigrée?   J'ai vécu ce stigmate toute mon enfance dans mon école bien-pensante, blanche et fréquentée par des filles et fils de notables.  Que serais-je devenue, moi qui suis déjà encline à emmagasiner la haine et la rancœur des injustices subies, s'il m'était constamment rappelé que je suis immigrée, et que, ce faisant, mon seul avenir était de supporter mon sort d'immigrée ?

    Enfant, je voulais être blanche, avoir un nez qui ne soit pas un nez asiatique.  Je voulais être blonde, avoir des yeux bleus.  Adulte, je réalise le chemin parcouru, je reconnais l'enfant blessé en moi, et je sais la chance que j'ai eue d'avoir des parents qui nous ont martelé que le seul héritage, la seule issue pour nous, était les études.  Mais ce discours vient aussi du fait que mes parents connaissaient un peu comment cela marchait en Occident, s'explique aussi parce que, en tant qu'Asiatiques, le racisme se traduit autrement, moins directement, moins méchamment qu'envers d'autres communautés. 

    Où que je sois, je n'oublie pas que je suis et reste une immigrée.  Que j'étais une immigrée pauvre sans le sous.  Ne parlant pas la langue d'ici.  Ne connaissant pas le code social de la bourgeoisie ou des bien-pensant-es d'ici.  Alors, quand j'entends s'exprimer des peurs envers les immigré-es, je ne peux m'empêcher de penser que les préjugés sont bien tenaces.  Que j'ai été moi aussi la cible de cette peur.  Que je le suis sans doute encore...

    Certaines personnes rétorqueront que "non, pas toi".  Que je suis des leurs.  Au Chant des Cailles, je suis des leurs par exemple.  Mais, les peurs envers les allocataires sociales-aux immigré-es...elles me transpercent le cœur.  Parce que j'ai été une immigrée pauvre à mon arrivée en Belgique.  Et qu'aujourd'hui, bien que de nationalité belge, on ne cesse de me demander d'où je viens.  Je suis et demeure à vie une immigrée ici: une belge d'origine étrangère.  Au Cambodge, je suis, et serai à vie, une étrangère d'origine cambodgienne.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 13 Janvier 2015 à 21:36

    Je n'avais jamais pensé à tout cela... Pour moi, les amis ou connaissances venant d'Asie, d'Afrique, du Moyen Orient ou des Etats-Unis, dans une famille d'adoption ou non, sont juste à mes yeux des êtres humains remplis d'histoire et de richesse, qui font leur forces... Les gens sont parfois maladroits avec leur paroles...

    Bien à toi, Den...^^

    2
    Mardi 13 Janvier 2015 à 22:07

    Merci Céline pour ton message.  

    Le fait est que, avec le temps, la méfiance s'éteint envers les ami-e-s et connaissances mais que lorsque certaines, pour ne pas dire la plupart des personnes, parlent de celles et ceux qu'elles ne connaissent pas et qui viennent d'ailleurs, des peurs peuvent (re)surgir.  Et c'est là que je préviens de ne pas se laisser envahir par la peur ni les préjugés...

    3
    Mardi 13 Janvier 2015 à 22:15

    Ton billet donne à réfléchir... Je ne m'étais jamais rendu compte de cela, n'étant pas concernée directement. Je suis suissesse avec des origines allemandes et mon mari est franco-suisse... nous n'avons jamais été confrontés à tout cela...

    Merci de nous ouvrir les yeux...

    4
    Mercredi 14 Janvier 2015 à 01:19
    • Merci à toi pour ton message.  Il ouvre sur de l'espoir!
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