• [2012-09-18] La solidarité éducative...

    Apprendre aux enfants à jouer dehors, tel est le titre d'un article du Soir du 8 septembre 2012, de la plume de Fabrice VOOGT.

    Voici ce qu'on peut notamment y lire:

    Selon une des formatrices du centre, si les jeunes ne sortent plus autant qu’avant, ce n’est pas par manque d’envie, mais « car les parents préfèrent les savoir à l’intérieur ».

    Pédopsychiatre au CHR de Liège et professeur à l’ULg, Jean-Marie Gauthier voit quatre raisons, au moins, qui peuvent expliquer la désertion de l’espace public en général par les jeunes générations. « D’abord, explique-t-il, l’urbanisation a changé. Il y a moins d’espaces libres jadis exploités par les enfants pour jouer et la voiture a, dans le même temps, pris énormément de place. On a certes aménagé certains lieux pour en faire des terrains de sport notamment, mais cela reste insuffisant, surtout dans des quartiers populaires fortement urbanisés. »

    Le succès du scoutisme

    Deuxièmement, les comportements sociaux ont évolué, explique-t-il : « Il y a 50 ou 60 ans, tout le monde s’occupait des enfants. N’importe quel adulte se sentait responsable des enfants qu’il croisait dehors. Cette implication était aussi une manière de prévenir certaines formes de délinquance. Ensuite, les loisirs se sont déplacés à la maison, via l’ordinateur, internet et les jeux qui en sont dérivés. On devient plus citadin. »

    Et Jean-Marie Gauthier de pointer un dernier facteur : « l’effet Dutroux ». « On peut dire que c’est irrationnel, mais, en même temps, cela s’est passé. » Une étude récente menée au Canada montre que c’est plus général : elle révèle que 60 % des parents invoquent la sécurité, notamment la présence possible de prédateurs, pour restreindre le jeu libre en plein air.

     

    J'ai été très interpellée par cette phrase: Il y a 50 ou 60 ans, tout le monde s’occupait des enfants. N’importe quel adulte se sentait responsable des enfants qu’il croisait dehors.

    Elle m'a rappelée une anecdote qui m'a énormément frappée, à laquelle je pense souvent et qui me fait toujours beaucoup réfléchir.

    C'était un mercredi.  Je me rendais à la station de métro Kraainem pour prendre la dernière navette de bus pour Louvain-la-neuve, histoire de rencontrer mon amoureux de l'époque.  C'était il y a 11 ou 10 ans.  Il était près de 18h30.

    Je rentre dans la rame à Roodebeek.  Je suis tout de suite interpellée par cette petite fille,  à peine 10 ans, qui pleure, assise en face de son père.  Du moins, ai-je cru que c'était son paternel.  Ne le voit-il pas qu'il se lève à la station suivante et qu'il descend.  Là, je ne comprends pas.  Et cette petite de pleurer de plus belle.  Je suis assise à côté d'elle.  Je l'interroge.

    - Qu'est-ce qui se passe?  Pourquoi tu pleures?

    La réponse est hachée, peu compréhensible mais rapidement, je capte le problème.  Cette fillette est perdue.  Elle a pris son tram habituel à la sortie des cours, c'est-à-dire, à midi (pour rappel, on est mercredi).  Mais le tram n'a pas suivi son itinéraire habituel.  Sans doute à cause de travaux.  La fillette s'est retrouvée à un endroit complètement inconnu, dans un coin de Bruxelles qu'elle ne connaissait pas du tout.  Elle l'avait signalé au chauffeur mais ce dernier n'en avait eu cure.  Perdue.  Elle a pris un autre tram.  Puis, de fil en aiguille, s'est retrouvée dans le métro.  Je ne me souviens plus où l'avait déposée le tram, mais je me rappelle m'être dit que c'était vraiment loin, style le nord de Bruxelles, et qu'elle habitait dans une autre partie de Bruxelles, ni le nord, ni du côté de Stockel.  Bref, elle était très très loin.

    Cette fillette avait traversé Bruxelles de long en large, en pleur, toute l'après-midi (de 12h à 18h30)  Et AUCUN adulte ne s'en était intéressée.  Je lui ai demandé de sortir à mon arrêt de station. Heureusement, elle connaissait le numéro de téléphone de sa mère.  Que j'ai appelée aussitôt. Cette dernière m'a très mal accueillie au téléphone.  Son agressivité cachait sans doute son inquiétude?  Bref, j'ai laissé l'enfant parler à sa mère.  Elle arrivait.  A Kraainem, il y avait un gars de la stib au guichet (à cette époque, il y avait des guichets, et il y avait des gars au guichet, même à 18h30.  Bon, j'arrête de faire ma mamy). 

    J'allais rater ma dernière chance de voir mon flirt de l'époque..  Je confie la petite au guichetier après lui avoir expliqué la situation.  Il avertit la police qui allait arriver sur place. Comme la maman, j'imagine.  Je fais part de mon souhait de prendre le bus.  Le gars m'assure qu'il prend le relais...Je pars, l'esprit encore marqué par l'aventure qu'a subie la petite.

    Cette histoire me marque car je ne comprends pas comment AUCUN adulte ne se soit inquiété de voir une fillette en larme dans les bus, trams, métros, etc., et ce, tout une après-midi (de 12h à 18h30).  J'ai tout de suite pensé à ce drame en Angleterre: deux gamins de 10 ans qui ont torturé et tué un bébé de 2 ans.  Des adultes voient deux garçons entraîner un enfant qui pleure...Et aucun adulte ne réagit.  Incompréhensible.  Dans mon histoire, une fillette en âge de parler pleure et personne ne s'arrête.  Après qu'elle m'ait expliqué son problème, j'ai réalisé que les bribes de conversations que j'avais interceptées entre l'enfant et "son" père concernaient le fait que la fillette ne connaissait pas son chemin. Or l'adulte s'était contenté de lui poser une question puis de se lever arrivé à sa station de destination...!!!

    La question de l'éducation collective me travaille beaucoup.  Il est commun, de nos jours, de dire que seuls les parents sont responsables de l'éducation de leur enfant.  Les grands-parents, par exemple, peuvent prétendre à ne partager que les moments agréables avec leurs petits-enfants, les grandes leçons éducatives (associées à des tâches ingrates puisque le commun des mortels dissocie tâches éducatives et moments agréables) revenant aux parents.  C'est un constat qui m'a toujours choquée, et beaucoup travaillée. Et avec lequel je suis toujours en réflexion.  J'ai acheté un livre sur le rôle des grands-parents, d'ailleurs.

    Ce sujet de questionnement peut être étendu au-delà des membres de la famille.  Pour les amis, ou pour tout adulte.  Lorsque le pédopsychiatre interviewé explique que, par le passé, tout adulte se sentait concerné par tout enfant qu'il croisait.  Pour moi, je trouve cette attitude saine.

    Lorsque mon enfant s'est fait la malle au shopping l'autre jour, seule UNE femme s'est inquiétée de voir un petit môme de 2-3 ans marcher sans adulte dans l'allée centrale du shopping.  Il semblait déterminé, paraissait parfaitement savoir où il allait.  Mais il y allait SEUL, sur plusieurs mètres, il était tout simplement seul.  Pas du tout affolé, ni inquiet. Cependant, lorsque je vois un enfant marcher tout seul, je ne peux m'empêcher de tourner la tête à la recherche de l'adulte qui l'accompagne.  Sur toute la foule présente ce jour-là, SEULE UNE dame a eu le même réflexe que moi.   Elle rebroussait le chemin qu'avait emprunté mon enfant pour chercher l'adulte qui en était responsable.  Lorsqu'elle m'a vue et entendue crier le nom de mon fils dans le shopping, elle m'a devancée pour rattraper mon gaillard de fiston (j'allais moins vite, je tenais ma fille dans les bras).  Voilà des anecdotes qui appuient le triste constat du pédopsychiatre...

    Quelque part, c'est aussi cela qu'a instauré le projet des passiflores.  Insuffler une sorte de solidarité éducative...En confiant mon enfant à plusieurs adultes, je leur confie de prendre soin de mon bébé, de son intérêt, de prendre part à son éducation.  C'est autre chose qu'une relation avec des professionnels payés pour le faire, même si, dans l'absolu, on peut également se poser la question de savoir pourquoi les professionnels, à l'image de la société,  insistent tant pour dire que l'éducation est une mission exclusivement parentale.  Car c'est bien là, la question fondamentale qui me taraude.

    Toujours est-il que c'est cette solidarité éducative que j'ai voulu trouver dans le projet passiflorien... et qui me travaille souvent.   Je me demande si les autres parents ont également développé ce genre de réflexions ou si, pour eux, le projet de garde alternative s'est limité à un échange de services...A creuser, peut-être, auprès des personnes intéressées...

    En même temps, je ne pourrais pas admettre que d'autres adultes que mon homme et moi puissent poser certains choix pour mon enfant...Donc, quelque part, je suis aussi dans cette croyance que les parents sont, au final, les seuls responsables de l'éducation de leur enfant.  Ils sont les seuls à pouvoir déterminer quelle religion ils souhaitent transmettre à leur progéniture, par exemple.  J'aime être consultée avant qu'un adulte  ne donne des cochonneries à manger à mon enfant (autre exemple).  C'est ce tiraillement entre deux manières de concevoir le rôle de la société et des autres adultes qui explique que je sois toujours en réflexion à ce sujet. 

    Et vous, vous en pensez quoi?

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  • Commentaires

    1
    m'fi
    Mercredi 19 Septembre 2012 à 16:28

    "Porter secours, c'est défendu. Le monde est sourd, bien entendu!" Francis Cabrel

     

    Notre grand bonhomme nous a mis ce CD ces jours-ci. Ton histoire me fait penser à cette chanson... ou l'inverse? 

    http://www.dailymotion.com/video/x3x17_francis-cabrel-le-monde-est-sourd_news

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