• Lorsque cette lettre décide de s'éclipser, c'est toute une prose fluide et douce qui souffre de cette rébellion.

    Toutefois, en ce qui me concerne, je redécouvre le bonheur de l'écriture.  Cette consigne que je m'impose libère mon esprit et me conduit vers un sentiment de détente.


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  • Elle est jolie, la photo, du titre du blog?  Elle vient de mon quartier.  Après avoir égayé les arbres, les pétales tapissent les trottoirs et pelouses des deux cités-jardins:

    20 mai '13 - Cité-jardin rose

    Il ne passe pas un jour où mon homme et moi ne soupirons pas de plaisir de vivre dans notre quartier.


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  • Nostalgie...C'était il y a un an (à quelques jours près).

    L'accouchement, dans la chambre des enfants.  Je suis couchée, entourée de mes deux sages-femmes.  Qui peut se targuer de ce luxe à l'hôpital?  Deux sages-femmes rien que pour moi!  Marloes vient d'arriver.  Après, elle redescendra s'allonger sur le canapé, pendant qu'Aline restera près de moi (voy. mon récit de naissance: Tu enfanteras dans la douceur).  Je me rappelle encore la surprise d'Aline et de Marloes quand j'ai demandé à mon chéri de prendre une photo.  J'avais envie d'immortaliser ce moment.  N'en déplaise à Odent.

    19 mai '13 - Preque un an...Nostalgie

    Ma fille est là. Le soir-même, ma mère fait connaissance avec notre Noisette, comme nous la surnommons parfois, son père et moi.

    Dès le lendemain, je suis au jardin, à profiter du climat estival.  Hé oui, il y a un an, c'était l'été à cette période-ci.

    Frère et soeur font connaissance, plus le frère que la soeur, d'ailleurs. Ma fille dort beaucoup. 

    Quand elle est posée sur moi et que je bouge un petit peu, elle se réveille légèrement, pour se rendormir de si tôt.  Son frère, parfois, lui caresse fortement la joue, la "malmène", et quand c'est lui, elle ne bouge pas d'un iota, ses manipulations ne la réveillent nullement.  Marloes me l'avait fait remarquer, cette faculté des bébés à accueillir les gestes d'autres enfants sans broncher.

    Fiston tient absolument à la porter.
    Le lendemain de la naissance de notre princesse, elle pose sur les genoux de son grand frère.

    Après la pesée du jour J, quelques jours après, vérification du poids. Ma fille aura perdu plus de 10% de son poids. Heureusement que nous n'étions pas en maternité.  Il paraît que là, on ne m'aurait pas lâchée tant que mon enfant n'aurait pas retrouvé son poids de naissance (souvent, si la reprise est trop lente au goût du personnel hospitalier, on conseille le lait artificiel ). 

    Or, ici, le babyblues vient de débarquer.  Une telle nouvelle m'aurait fait perdre pied.  Heureusement, Aline me connaît.  Elle nous connaît.  Notre côté anxieux, à certains moments-clé, peut complètement nous faire chavirer.  Alors, lorsque je m'exclame: "Elle a perdu du poids", elle répond: "oui, c'est normal", en choeur avec ma mère, présente lors de la pesée.  Ce qu'elle ne me dit pas à ce moment-là, c'est que 10%, c'est quand même une certaine perte.  Plusieurs jours après, elle m'expliquera avoir téléphoné à Marloes à la sortie de notre maison pour que cette dernière ne fasse aucun commentaire sur la perte de poids importante.  Les autres signes étaient positifs.  Ma Princesse était rose, en bonne santé, buvait, urinait, déféquait bien.  Elle était vive quand elle était éveillée.  Bref, elle pétait la forme.  Et effectivement, 2 jours plus tard, elle avait récupéré son poids de naissance. 

     

    La pesée se fait tout en douceur, dans un tissu doux, cousu par Aline (elle est passionnée de couture).  Rien à voir avec la balance du médecin en plastique, dur et froid.  Ma fille peut même rester endormie.

     Et tandis que la petite est petite, l'aîné acquiert une stature de grand: sac à dos pour la prochaine rentrée à l'école...

    et cuisine des gauffres avec sa maman:

    C'était il y a un an...Aujourd'hui, ma fille regarde des livres:

    19 mai '13 - Preque un an...Nostalgie

    se déplace, telle un crabe:

    19 mai '13 - Preque un an...Nostalgie

    participe comme elle peut aux jeux de son frère:

    19 mai '13 - Preque un an...Nostalgie

    Avec son frère, c'est toujours l'amour fou:

    19 mai '13 - Preque un an...Nostalgie

    Aujourd'hui, elle a reçu son premier cadeau pour son anniversaire, la poupée qui a appartenu à sa tante.  La poupée doit avoir 30 ans (elle ne les fait pas) et ma fille l'adore!

    19 mai '13 - Preque un an...Nostalgie

     

     


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  • Quel ton vous parle?  Quand j'ai découvert le blog Les Questions composent, j'ai admiré le militantisme affiché.  Il m'a rappelé celui de Raffa.  Comme j'aime le ton de Bruxelles en mouvement

    Mais mon homme, qui, malgré lui, est un bon baromètre de ce que pense le citoyen lambda, m'a surprise.  Il a lu plusieurs articles de l'elfe, dont celui qui l'a remué sur la consommation de la viande (il ne m'a pas dit lequel, je le lui demanderai pour le lire) et qui le décide sérieusement à réduire, voire à devenir quasi végétarien.  Cependant, il m'a avoué qu'au bout de quelques articles, il s'était lassé de ce style revendicatif, percutant et accusateur.  

    Il m'a assimilé ce ton à celui qui est courant dans le milieu altermondialiste, Attac et autre, très aiguisé, très franc-parler.  Moi, aussi, ce style, par moment, me court sur le haricot. 

    Mais quel ton adopter?  Trop gentillet, cela donne la Revue Imagine qui, clairement, manque de mordant.  Il m'arrive aussi de trouver ma prose quelque peu gentillette.  Que j'aimerais manier l'humour avec talent afin de vous amener à rire, voire rire jaune... Thomas Gunzig, dans ses cafés serrés, y parvient admirablement bien. 

    En tout cas, jusqu'à ce jour, c'est la revue S!lence qui recueille mon adhésion.  Bien que je sois abonnée à Imagine et, depuis deux jours, à Ka!ros, parce que ce sont tous deux des journaux belges, je trouve que S!lence condense le mieux mes idées, en apportant matière à mes réflexions, le tout, sur un ton plaisant (pour les quelques n° téléchargés sur son site). 

    Si vous cherchez un magazine intéressant qui parle éducation et citoyenneté (en fait, les sujets de mon blog), lisez ce mag'! (oui, cela ressemble à de la pub -une fois n'est pas coutume - et non, je n'ai aucune action là-bas et je n'y connais personne).

    Pour en revenir au ton de mon blog, si vous avez des commentaires, n'hésitez pas à m'en faire part!  Vos retours me permettent de réfléchir.  Préférez-vous un style satirique, un brin mordant, ou relativement neutre (neutre?  est-ce possible?)?

     


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  • Un bébé de presque 1 an, et une arrière-grand-mère qui ne l'a jamais vue.  Un samedi presque pluvieux, presqu'ensoleillé, un vent terrible...et la décision de cette visite familiale reportée depuis si trop longtemps.  Une visite qui ne peut qu'être brève, vu le grand âge de la dame.  Alors, histoire de ne pas nous être déplacés pour 10 minutes de rencontre, nous avons flâné dans la ville de Namur.  Et là...je découvre des "bio", des "naturels", du vert à tous les coins de rue.  Le bio est tendance, cela se voit, cela se sent.  Tout pousse à consommer, consommer plus, mais bio.  Biffer l'erreur: consommer ou bio? 

    Alors, j'ai pensé au vert de mon blog...Bigre!  Je fais du greenwashing aussi. Je veux laver plus vert que vert.  D'où ma décision de modifier les couleurs de mon carnet virtuel.  Peut-être qu'elles changeront encore...En tout cas, je ne pouvais pas laisser le vert, devenu tellement tendance.

     


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  • "Le masculin l'emporte sur le féminin".
    Règle grammaticale.  Simple convention de langage.
    Vraiment?

    J'ai toujours été révoltée contre la masculanisation des mots, tout en l'acceptant comme acquise, comme définitive, même si elle me paraît à tout égard injuste. 

    Puis, sur les conseils de M'fi, j'ai lu : J'ai tout essayé, la 1ère mise au point du livre, d'entrée de jeu, vise la parité :

    "Garçon et fille alterneront pour respecter la parité.  Cette parité sera aussi respectée dans l'alternance des pronoms il ou elle  Ce choix peut dérouter le lecteur français, habitué à al dominance du masculin.  Mais la langue n'est pas neutre, elle imprime notre inconscients et entérine les stéréotypes."

    La référence citée est le site du CEME'Action: http://www.cemeaction.be/?p=461

    Dernièrement, c'est ce document qui recense les stéréotypes de genre dans les manuels scolaires en Belgique francophone qui a retenu mon attention.  Veillez donc à accompagner la lecture des manuels que votre chérubin ramène de l'école.  Je vous encourage à saisir l'école en cas de stéréotype.

    Mais l'école sera-t-elle réceptive?

    Dans celle de mon fils, j'ai entendu, sur même pas une heure de temps, assez de stéréotypes pour me donner envie de hurler: "ah, oui, Juliette, les garçons, ça fait du bruit quand ils jouent".  Puis, se ravisant comme si elle avait pris conscience qu'elle parlait en présence d'un adulte: "ah, les garçons et Agathe.  Agathe joue aussi au jeu de garçon, les chevaliers".

    Bref.

    Moi qui suis attentive aux stéréotypes de genre, j'avais été vexée lorsque, discutant avec une maman à la Maison Verte, celle-ci m'avait dit que, mine de rien, on influence quand même les enfants même si on y est hyper vigilent.  Je m'étonnais du fait que mon fils jouait essentiellement avec des voitures et des motos, alors que nous ne l'y encouragions nullement (au contraire, mon homme souhaite pendre par leurs couilles, les motards...).

    Ceci dit, mon fiston, avec ses jolies boucles, a souvent été pris pour une fille, quand il était plus petit.  Surtout lorsqu'il portait son 1er casque de vélo, à l'effigie de Barbie.  Oui, je sais, c'est honteux, vu mon horreur pour cette figure, mais bon, le magasin où mon homme accomplissait cette besogne offrait la peste ou le choléra: Barbie ou Cars.  Et Cars n'était plus de stock. 

    L'autre jour, après avoir découvert un sac de vêtements donnés par ma cousine, habits portés par sa fille, mon petit garçon a joué à la princesse, en revêtant legging rose à froufrou et autres fioritures. 

    Il choisit parfois des vêtements peu ordinaires pour un petit mec, style, un pull affichant un énorme "G power".  Ou ce joli polar, hérité également de la petite cousine:

    29 avril '13 -

    Je me demande ce que les instit' se sont échangé comme commentaires à ce propos. 

    De manière générale, l'image dans la société, qui se veut égalitaire, paritaire, me paraît excessivement machiste. 

    Mais qu'espérer?  Lorsque je me suis inquiétée de ce sexisme lors de la rencontre entre les citoyens et les futurs élus écolo de la commune, celle qui est devenue l'échevine de la petite enfance me raconta qu'à l'issue du dernier conseil communal avant les élections, le secrétaire communal distribua une bouteille de vin aux hommes et une rose aux femmes...L'alcool aux mecs, le romantisme aux nanas...ouai...

    En Belgique, la féminisation des noms de métier est de règle.  Je ne comprends dès lors pas les avocates qui s'échinent à écrire "avocat" sur leur carte de visite, comme si être un avocat était plus gratifiant qu'une avocate...

    La TV, les séries, la publicité sont également des vecteurs puissants de ce machisme (d'où une de mes raisons pour combattre la publicité, et pour dénoncer la schizophrénie dans laquelle se complaît Badinter, cette "féministe".  voy.  [2011-12-07] Badinter, Publicis, les pubs sexistes, Nestlé et Pampers).  Des vecteurs d'autant plus efficaces qu'ils sont quasi incontournables, à moins de ne plus sortir de chez soi*, ne plus surfer sur la toile, ni regarder la TV ni écouter la radio.

    Je vous recommande chaudement la lecture de l'article de CEME'Action, cité par Filliozat.  Voici la conclusion:

    "La féminisation des mots s’inscrit dans la lutte pour l’égalité desgenres.La règle grammaticale qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin est une convention désuète, symbole d’une société patriarcale dépassée et non une propriété grammaticale issue de l’évolution de la langue française. Le langage est vivant et n’est pas neutre.

    L’article que vous êtes en train de lire a été réfléchi et rédigé en prenant en compte cette dimension de construction sociétale du langage. La démarche consiste à ne pas appliquer la règle systématique d’accord du féminin: les noms de fonctions y sont notés deux fois, au féminin et au masculin en alternance et les adjectifs ou participes passés sont féminisés avec des tirets…"

    Voici un exemple de l'importance des mots:

    "« Vous avez peut-être remarqué que le pouvoir fait un travail considérable sur les mots. (…) Il y a des mots qui disparaissent et il y a des mots qui apparaissent. » (Lepage, 2006) Dans son spectacle « Inculture(s) », Franck Lepage illustre son propos par un exemple:Dans les années 1960-1970, les pauvres, on les appelait « des exploités ». Mais « exploité », c’est un mot très, très embêtant pour le pouvoir. Parce que c’est un mot qui vous permet de penser la situation de la personne non pas comme un état de fait, mais comme le résultat d’un processus qui s’appelle « l’exploitation ». Or, en suivant ce raisonnement, s’il y a des exploités, c’est qu’il y a un exploiteur potentiel quelque part! Que l’on a envie de chercher et de trouver… pour qu’il rende des comptes."

    "Les mots nous permettent de penser la réalité, de lui donner corps. Les mots influencent notre façon de concevoir le monde.

    Et qui a le pouvoir sur les mots a entre ses mains le Pouvoir…"

    En littérature, Orwell avait bien saisi l'importance des mots sur la pensée avec son Novlangue, dans 1984.

    Pour ceux qui trouveraient encore à redire sur la parité dans les textes, voici les contre-arguments pafaitement résumés en trois mots, dont voici le plus courant: le ralentissement et la lourdeur du texte:

    "L’argument le plus souvent utilisé pour freiner, voire empêcher, la féminisation des mots est celui qui prétend que ces incises (barres, tirets, parenthèses, etc.) freineraient et compliqueraient la lecture. Les résultats d’une intéressante étude réalisée par Pascal Gygax et Noelia Gesto (2007), du département de psychologie de l’Université de Fribourg (Suisse) démontrent que la lecture de textes comprenant des noms de fonctions, métiers, titres écrits sous une forme féminisée ou épicène n’est ralentie qu’en début de texte, mais que le rythme de la lecture redevient normal ensuite, indiquant un effet d’habituation"(source: CEME'Action).

    Alors, je vais prendre le pli d'être plus attentive dans mes écrits à la parité des mots. 

    Vous voilà prévenu-e-s.

     


    * Vu la pub en rue, ce pourquoi je soutiens les casseurs de pub ou les initiatives comme l'asbl Respire, qui visent à libérer l'espace public de la publicité commerciale. C'est une des raisons pour lesquelles les décroissants sont tellement critiques vis-à-vis de Villo (l'équivalent de Vélib et autres initiatives de cette espèce).  En effet, je vous invite à ne pas entrer dans le panneau.  Vous croyez que l'objectif 1er est de promouvoir l'usage du vélo en ville.  Oh, si c'était si simple!  Petite démonstration en images)

     


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  • Et pendant que je rédige des articles pour mon blog, je ne couds pas ni ne cuisine...  Mais retire beaucoup de plaisir à pianoter sur mon clavier pour partager mes idées. 


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  • Je parle peu de mon passé khmer (attention Khmer ≠ Khmer rouge; voy. ce dessin).  Envie de m'en extraire dans mon quotidien.  Cet environnement, et ce passé khmer rouge, j'y baigne depuis petite, depuis toujours en fait, puisque je suis née sous ce régime totalitaire (j'y fais allusion ici et le développe un peu ).  

    Pourtant une rencontre récente, celle avec l'Atelier des Façonneurs de mémoire (ici sur fb), est venue réveillée une colère.   Grâce ou à cause d'une entrevue avec les jeunes et moins jeunes des Façonneurs de mémoire, j'ai pu exprimer mon ire à être considérée comme une enfant de victime*.  Cet article m'a été inspiré par Claudio qui m'a confirmé que mes parents s'inscrivaient toujours dans cette logique...

    Le régime khmer rouge a duré, grosso modo, de 1976 à 1979.  Je suis née en 1978.  Autrement dit, j'ai été conçue pendant ce régime, suis née sous celui-ci et ai passé les 1ers mois de ma vie sous ce totalitarisme, puis les autres 1ers mois de ma vie à fuir les bombes lancées pour chasser ces communistes, enfin les 1ères années de ma vie dans un camp de réfugiés thaï, en attendant que la Belgique accepte mes parents et moi-même, réfugiés cambodgiens déracinés, reconnus comme tels par le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme.

    Mais à part ça, c'est sûr, je n'ai pas moi-même vécu le drame cambodgien.  Je n'en ai pas souffert.  Je ne suis qu'indirectement concernée.

    C'est le discours et la certitude qui m'ont collé depuis mon enfance.

    Jusqu'à ce que, jeune adulte, enfin émancipée de mes parents, je me mette à y réfléchir.  J'avais déjà 20 ans passés quand j'ai osé exprimer la 1ère fois ma colère envers une telle conception.  Mais nulle oreille.  Du moins, nulle réponse de personne.  Silence radio.  Non, chère toi, tu étais bébé, tu n'es donc pas concernée, tu n'as pas souffert, ta mère a eu du lait, tu n'as pas souffert de la faim, tu n'as subi aucun mauvais traitement.  Tu y étais mais tu n'y étais pas, puisque tu étais bébé.

    Wouah!  Quel déni!

    La période de ma gestation ainsi que les circonstances de ma naissance ne sont pas exemptes de stress.

    Mes premiers mois sur Terre sont également teintées d'angoisse, de faim, de peur, de morts, de tortures, de silences et de non-dits...La fuite dans la forêt vers la Thaïlande, les bombes, le silence imposé pour une question de vie...Tel fut mon lot quotidien les premiers mois.  Ensuite, l'angoisse de rester sur place, dans ce camp de réfugiés, de ne pas en sortir...

    J'avais l'âge de mon fils quand je suis arrivée en Belgique.  Et à l'âge actuelle de ma fille, cela faisait 4 mois que je fuyais dans la forêt, sans domicile fixe, accrochée à ma mère dans un krama qui servait de porte-bébé, passant entre les bombes, et échappant aux tigres et autre animal (à savoir: au Cambodge, il n'est pas de tradition de porter son bébé dans un porte-bébé, quel qu'il soit.  Le porte-bébé ne s'inscrit donc pas dans un héritage culturel mais s'est imposé face aux événements)

    Certes, je ne disposais pas du langage au moment des faits.  Est-ce dire que je n'ai pas vécu ce que mes parents, ma famille et leurs amis ont vécu parce que je n'avais pas conscience de ce qui se jouait, ni la parole pour exprimer le malaise?

    Depuis que je suis devenue mère, j'en ai lu des ouvrages sur la maternité et sur la grossesse. Je ne compte pas les écrits qui affirment l'influence sur l'enfant à naître et sur la mère du contexte et de l'environnement stressants pour la mère.  Je suis convaincue d'avoir été marquée par ce début de vie hanté par la mort. 

    Je pense aujourd'hui être en résilience par rapport à ces événements; et j'aspire à tourner cette page.  Tout en étant consciente de l'enjeu de transmettre cette histoire familiale à mes enfants. 

    Mon chéri et moi nous sommes déjà posés la question du moyen de communiquer ce passé à nos enfants.  Pas facile. 

    Si mes parents en parlaient souvent entre eux et avec la famille et les amis, je n'ai pas, moi, ce besoin d'exprimer et réexprimer ce récit lorsque je vois la famille et mes amis.  Ces dernier ne sont pas des ex-compagnons de cette infortune. 

    Mes parents, eux, ressentaient le besoin de discuter et de revenir sur leur vie pendant les Khmers rouges.  Aujourd'hui, alors que j'exhorte mon père à tourner la page, il ne peut s'empêcher de témoigner.  Tout comme ma mère.  Comme si leur survie ne pouvait trouver sens que dans l'acte de témoigner de ce qu'ils ont vécu. 

    C'est une des raisons pour lesquelles il est très dur de penser que certaines personnes peuvent soupçonner mes parents d'avoir collaboré d'une manière ou d'une autre avec les Khmers rouges.  Cette collaboration expliquerait, dans leur logique, la survie de mes parents.  Il est déjà pénible d'être survivants lorsque l'on pense à ceux qui n'ont pas survécu.  Dès lors, par la suite, quelle cruauté que d'affronter la suspicion des "autres" qui nous présument coupables de quelque chose parce que survivants.  Forcément coupables parce que survivants.  Coupables d'avoir survécu.  [je m'éloigne du sujet]

    Bref, tout cela pour dire que je conteste l'argument selon lequel je n'étais qu'une victime indirecte du régime khmer rouge.  Ne pas avoir la parole, ni la mémoire consciente pour "dire" dans quoi j'ai baigné ne signifie pas que je n'ai pas vécu l'environnement de guerre.  Personne ne peut dire que, finalement, je n'étais pas victime.  Affirmer mon statut de victime n'implique pas pour autant que je victimise, dans le sens de m'apitoyer sur mon sort. 

    Pendant des années, j'ai cherché cette reconnaissance de mon statut, lequel fut indéniablemement nié.  J'ai étudié le droit, puis me suis spécialisée en droit de l'homme.  Il m'aura fallu mon tout dernier travail d'étude à la fac pour me décider à revenir sur la période khmère rouge.  Jusque là, je m'étais toujours refusée de m'y intéresser.  Le récit de mes parents me suffisait.  Je n'avais rien lu, rien entendu...

    Grâce au droit, j'ai affronté l'Histoire de face.  Le droit m'a donné un outil "scientifique", le droit fut mon "média" pour plonger dans cette période noire de mon pays, pour y plonger tout en gardant la distance nécessire pour ne pas être happée par tant de violence et par mon réflexe de révolte.

    Aujourd'hui, je n'ai besoin d'aucune reconnaissance extérieure de mon statut de victime.  Je suis en paix avec cela.  J'ai tourné la page. 

     


    *Comme dans cet article où il est question des enfants des rescapés ("L’histoire récente du Cambodge a aussi donné lieu à nombre de témoignages de rescapés. Aujourd’hui, à leur tour, leurs enfants prennent la plume pour investir cette mémoire, cachée ou tue pendant de longues années. Ils s’appellent Tian, Navy Soth et Loo Hui Phang").  Comme si ces enfants, nés en 1974 et 1975 n'étaient pas eux-mêmes des rescapés.
    Ces jeunes sont :

    • L’Année du lièvre, Tian, Gallimard, tome 1 / 17 €
    • 100.000 journées de prières, Loo Hui Phang et Michaël Sterckeman, Futuropolis / 20 €
    • Larmes Interdites, Navy Soth et Sophie Ansel, Plon / 21 €.

     

     

     

     


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