• [2012-01-27] Comment éduquer sans punir?

    J'ai eu une conversation hier avec un collègue sur l'éducation.  Ce père d'un petit d'un an me confiait être en pleine lecture d'un livre très chouette, Dolto expliqué aux parents. J'imagine que c'est celui-ci:

      

     
     
     
     
     

    Dolto expliquée aux parents

     

    Je lui ai partagé mon enthousiasme pour le livre Les chemins de l'éducation dont je parle dans ce billet: [2012-01-12] Heureuse année 2012...!

    En évoquant les difficultés et les questions rencontrées pour l'éducation, nous en venons à parler de l'enfant-roi.  C'est moi qui amène le sujet car j'ai commencé (et terminé ce matin) la lecture de:

    ta_enfant_roi.jpg
     
    On peut télécharger ce livre, épuisé en version papier, sur le site de yapaka.be (ici exactement).  [Soit dit en passant, ce site regorge de petits recueils très intéressants que l'on peut commander gratuitement auprès de la Communauté française (ou Fédération Wallonie Bruxelles - voy. sur le site). J'en ai lu quelques-uns dont Les dangers de la télé pour les bébés de Serge TISSERON, Le jeu des trois figures en classes maternelles, du même auteur, etc.]
     
    C'est effectivement une question qui me préoccupe beaucoup, que cette frontière entre une éducation permissive, car celle que nous donnons peut être qualifiée de telle, et une éducation insécurisante pour l'enfant, celle que l'on accuse communément et d'une manière très critique de générer des "enfants-rois".
     
    C'est, de nouveau (le thème m'est donc très cher, vous l'aurez saisi), la relation à l'ordre et l'obéissance qui, pour moi, est sous-jacente.  Comment éduquer, donner une sécurité affective et environnementale, amener l'enfant à faire (voire être) ce que, moi parent, je souhaite, tout en lui inculquant le sens critique de l'ordre, de l'autorité?
     
    Bref...vaste débat.
     
    Au détour de la conversation, ce papa partage sa difficulté par rapport à son enfant lorsque ce dernier "désobéit" ou "fait une bêtise".  Il m'explique qu'il lui arrive de le mettre dans sans chambre pour que son petit, 1 an, se calme.
     
    Là-dessus, je pense à Dolto qui considère que dans "le petit âge", la mise au coin est bannir.  J'assimile la mise au coin avec le "time out" comme disent les Anglosaxons, ou le fait d'exclure un moment [A ce propos, je recommande cet article d'Aletha SOLTER http://www.wmaker.net/maisonenfant/Les-desavantages-du-Time-Out_a173.html]. 
     
    Je raconte à mon collègue, qui a l'air d'apprécier Dolto, comme moi d'ailleurs, que cette dernière s'oppose aux punitions.  Pour rappel, voici ce qu'elle en pense:
    « Les ‘’punitions’’ : ce terme devrait être banni du langage de l’éducation, il devrait être remplacé par celui de ‘’réparation’’ ou ‘’annulation’’ de la faute et correction de comportement ‘’».

    J'explique d'ailleurs que Dolto classe certaines punitions comme néfastes, devant être proscrites absolumement, et ce, en fonction des âges.  Evidemment, la nuance, en fonction de l'âge est essentielle!  Cela va sans dire, mais c'est encore mieux en le disant.

    Mon interlocuteur me demande de citer le genre de punitions que la psychanalyste range dans cette catégorie.  Du coup, je lui cite la "mise au coin".  Et le voilà tout surpris.  L'homme est, je le sens, grâce au fil de nos discussions sur l'éducation, très ouvert et, je dois dire, assez proche de certaines de mes idées.

    S'ensuit la fameuse question: 

    "Mais alors, on fait comment sans punition?"

    Je me suis trouvée assez démunie face à cette interrogation. Je lui répondu qu'en tout cas, chez nous, on ne punissait jamais. 

    Certes, c'est arrivé une fois ou deux fois. La première fois, j'ai laissé mon enfant à l'étage pour descendre me calmer. Je ne l'ai pas vu comme une punition mais ma soeur bien...Comme quoi, tout est interprétation.  Une autre fois, mon chéri a décidé d'exclure le Petit Prince dans la véranda quelques minutes.  Les deux événements ont été provoqué pendant la même période où mon fils, dans certains moments d'excitation, ne pouvait s'empêcher de me mordre (ce qu'il ne faisait plus sur son père).  Une autre fois, mon cher et tendre a voulu priver le petit de gâteau.  Ce jour-là, nous avions la visite de la famille et un gâteau avait été prévu.  Mon fiston, 20 mois plus ou moins à l'époque, s'en réjouissait depuis le matin, moment où nous avions été l'acheter.  Il n'a pas réagi lorsque son père a proféré la menace.  Mais il s'est mis pleurer, quand quelques heures plus tard, il a vu arriver le gâteau.  Le franc venait de tomber.  Evidemment, on n'a pas exécuté la menace, avec laquelle je n'étais pas d'accord.  Et mon homme a reconnu ses torts...Toujours est-il que depuis la mise au coin dans la véranda, mon enfant ne m'a plus jamais mordu (la fonction behavouriste du time out a donc fonctionné ; voy. ici à quoi je fais allusion; j'assume pleinement car je profite pleinement des câlins, accolades et jeux de chatouillis depuis que je n'ai plus peur d'être mordue par mon fils).

    Bref, tout ça pour dire que même si, nous sommes empreints de la volonté de ne pas punir, des dérapages sont toujours possibles...et que l'important est de pouvoir revenir sur l'incident, et le cas échéant, reconnaître nos erreurs.  Et aussi pour dire que, donc, à la maison, on vit sans punition.

    Mon collègue me demandait comment faire si l'enfant n'obéit toujours pas...Là-desssus, je me suis montrée très démunie, et je lui ai traduit ma conception.  A savoir que l'on ne pouvait pas isoler le principe du "pas de punition" de l'ensemble d'une conception éducationnelle, ou pour m'exprimer autrement d'une vue d'ensemble (systémique, ai-je osé) d'une manière d'éduquer.

    Dans une famille où règnent beaucoup d'interdits (de monter sur les fauteuils, de manger avec les mains, de ne pas se salir les vêtements, etc.), il est clair que les désobéissances sont plus fréquentes, et donc les prises de bec aussi.  Je pense à cette phrase de Dolto (que je cite non parce c'est Dolto, mais parce qu'elle reflète ma conviction):

      « J’écrivais la semaine dernière que de même manière qu’il y a des manières d’exiger l’obéissance qui déterminent l’enfant à devenir désobéissant (...) ».

    Du coup, dans une famille où il y a peu d'interdits, ces derniers, en petit nombre, sont plus gérables.  Ils doivent être dits clairement et répétés autant que nécessaires.  Et s'il y en a peu, il me semble que les parents disposent du coup plus de temps et d'énergie à consacrer pour rappeler et pour parler a posteriori de la violation de la règle; au lieu d'en dépenser à rappeler foules d'interdits et d'injonctions qui, souvent, ne peuvent pas être respectés, ou si, mais au prix d'une certaine intériorisation de la docilité.

    Le reste est question de créativité (de temps et d'énergie aussi!  Je n'ai pas dit qu'éduquer un enfant était reposant).   Je suis certaine que mon collègue est contre la fessée ou tout acte de violence.  Il a sûrement imaginé toute sorte de solutions pour s'en passer.  Finallement, ma réaction n'aurait pas été différente que la sienne s'il s'était trouvé devant un autre parent qui lui aurait demandé:

    "Mais alors, on fait comment sans fessée?"

    Toujours est-il que je me rappelais d'un site où des solutions étaient proposées (c'est ici).

    Sur le blog de Catherine DUMONTEIL-KREMER (CDK), cette dernière propose 11 pistes pour oublier l'éducation répressive.  J'en relèverai ici quelques-unes que je commente.

    2
    Je vous propose une nouvelle définition du mot bêtise : nom féminin désignant une action inadaptée qui est généralement la conséquence d’un manque d’attention, le fruit d’une blessure ;  Peut aussi correspondre à une simple maladresse due au manque d'expérience de l'enfant. Cela modifiera peut-être votre regard sur les comportements que vous jugez inadaptés.
     

    J'ai souri en lisant cette proposition.  Il y a quelques mois, j'ai introduit le mot "bêtise" dans mon vocabulaire.  Mon but visait à ce que ce soit avec ma signification de ce terme que mon fils apprenne ce vocable, avec comme finalité de "dédramatiser" la notion de "bêtise".  Et ce justement, dans le sens proposé par CDK.  Dès que je faisais tomber quelque chose, je disais que je faisais une bêtise. Quand il me venait de prononcer une ineptie, je précisais tout de suite que je disais une bêtise.  De sorte que le mot "bêtise" signifiait une maladresse ou une action ou parole inadaptée.  Du coup, mon fils a également qualifié ces maladresses (renverser son verre d'eau, sa cuillère, etc.) de "bêtises".  Et comme je m'autorisais, moi, à faire des bêtises sans que je le vive comme le dernier des drames, je l'autorise, lui, à "faire des bêtises" sans que personne ne le vive comme le pire de tous les cauchemars. Par conséquent, mon fils n'hésite pas à venir me prévenir dès qu'il fait tomber un verre d'eau ou autres "bêtises" du genre.

    A la "bêtise" doit aussi correspondre une réponse appropriée.  Pour rappel, les propos de Dolto:

    « J’écrivais la semaine dernière que de même manière qu’il y a des manières d’exiger l’obéissance qui déterminent l’enfant à devenir désobéissant, il y a des façons d’exiger la vérité qui poussent l’enfant à devenir menteur. 

    Quand l’enfant sait parler suffisamment pour se faire comprendre et sait que telle bêtise entraînera telle réaction punitive ou grondeuse de l’adulte, il peut commencer à mentir.  Les réactions de l’adulte aux premiers mensonges en actes et en paroles des tout-petits sont très importantes. 

    Il vaut mieux prévenir que guérir.  Vers seize mois, deux ans, un enfant qui a renversé un vase ou provoqué un accident, s’il est en confiance avec l’adulte qui s’occupe de lui, l’appellera ou viendra l’entraîner en lui montrant le désastre.

    Si l’adulte commence à se fâcher très fortement et à frapper l’enfant, celui-ci associera, au bout de deux ou trois expériences de ce genre, le fait d’avouer au fait d’être puni.  Il se cachera après avoir fait une maladresse.  Plus tard, si on le gronde d’une bêtise, il dira : « Ce n’est pas moi » pour se défendre des suites désagréables.  Elles en seront peut-être pires, mais ce réflexe du mensonge établi, qui équivaut à un manque de confiance en l’adulte, sera fixé »[1]

     

     

    3
    Faites de la prévention : annoncez-lui de quoi sera faite sa journée par exemple. Un grand nombre de problèmes surviennent parce que l’on n’a pas pris la peine d’informer notre enfant et qu’il se retrouve dans une situation nouvelle pour lui, parfois inquiétante, son comportement en est perturbé et il fait alors ce que l’on appelle des « bêtises ».

    4
    Faites  une liste de vos règles non négociables. Voici la mienne pour mes filles lorsqu'elles avaient entre 2 et 6 ans : Ne pas blesser des enfants, des adultes, des animaux, ne pas dégrader le matériel, le notre et celui d'autrui. Cela vous permettra de définir ce qui est vraiment important pour votre famille. 

    Admirez la liste sommaire des règles non négociables... J'en touchais un mot plus haut.  Il s'agit de définir les priorités sur lesquelles s'attarder.


    5
    Posez des limites sans menaces, chantage affectif, culpabilisations,  punitions-récompenses, coups, requiert toute votre intelligence aimante, cela prend du temps et beaucoup d'énergie. Révisez vos attentes à la baisse si cela est possible. Avant d'exiger quoique ce soit de votre enfant posez-vous les questions suivantes : D'ou provient cette idée, est-ce une simple reproduction des règles que mes parents m'ont imposées ? Cela a-t-il du sens pour lui ? Essayez de penser chaque situation comme si elle était entièrement nouvelle. Je me rappelle d'une famille où les enfants avaient demandé à déplacer le portique de jardin dans le salon. La première réponse automatique des parents avait été : « non, ça ne se fait pas ! ». Par la suite ils ont réfléchi : leur salon  était immense, meublé avec du mobilier de récupération. Ils ont fini par se demander pourquoi ils refusaient cette demande, et ils ont accepté de déplacer le portique en hiver seulement.

     9
    N'hésitez pas à dire non de façon claire et honnête, avec délicatesse, sans gêner votre enfant ou l'embarrasser publiquement. Après un « non », une déception plus ou moins grande se manifestera. Votre enfant sera triste ou en colère, il aura besoin d'être écouté à ce moment-là. C'est le fait de lui refuser cette écoute qui le blessera, bien plus que le non en lui-même. Respectez les non de vos enfants, ils ont aussi besoin de poser des limites à leurs parents, de leur faire savoir qu'ils existent en tant qu'individu.

    Eduquer dans le respect de l'autre ne signifie pas ne jamais dire "non".  Beaucoup ont mal compris Dolto.  Elle a résolument apporté un regard frais et salvateur avec sa phrase: l'enfant est une personne.  Mais, être une personne n'implique pas de ne jamais être frustré. Il me semble au contraire qu'éduquer passe notamment par l'accompagnement des frustrations inévitables.

    Pour éclairer le propos de Dolto, le livre L’enfant n’est pas une « personne » est intéressant.  De même que L'éducation est-elle possible sans le concours de la famille ? qui parle aussi de cette évolution de la famille qui deviendrait trop permissive.

    Et le conseil 9  n'est en rien contradictoire avec le suivant:

    10
    Et...Dites « oui » le plus souvent possible sans culpabiliser. Oui à ses demandes, oui à ses explorations, oui à son être vivant et enthousiaste. L'acceptation produit  confiance, sécurité, et une vision positive de la vie.

    11
    Partagez avec d'autres parents au sein de groupe de soutien. C'est un grand soulagement de voir que les autres rencontrent  les mêmes difficultés que nous et trouvent des solutions créatives qu'ils sont prêts à partager.

    J'aime beaucoup ce conseil plein de bon sens.  Enfin, sans doute mon préféré:

    Remettez en question tout ce que vous avez lu ci-dessus. Expérimentez, partagez avec d’autres parents, trouvez votre propre façon de faire.

     On ne le répétera jamais assez.  Il n'existe pas de recette miracle.  Chacun fait comme il peut, avec le bagage qui est le sien...Allez, courage!

    « [2012-01-18] Maman, il est où le papa de grand-père? Ou comment être prise au dépourvu devant des questions de son enfant de 2 ans[2012-01-27] Conférence d'André Stern, analphabète car jamais scolarisé? »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :