• [2012-01-12] Heureuse année 2012...!

    Ma dernière trace sur ce blog date de presqu’un mois.  Aujourd’hui, pour amorcer mon retour sur la toile, je me laisse séduire par un billet d’humeur quelque peu « vague à l’âme » pour partager avec vous mon état du moment.

    Les vacances, ce temps où le cerveau peut pense à d’autres questions que professionnelles, auraient pu être l’occasion rêvée pour me consacrer davantage à ce blog.  J’ai pris un choix différent.  Sans préavis.  Je me suis défendu bien souvent d’allumer mon PC les premiers jours de congé.  Au bout de quelques temps, l’envie s’est estompée, pour finalement presque disparaître.

    J’ai connu des moments d’ennui.  C’est un luxe inouï que de ressentir ce sentiment.  Louis Lourme, dans "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible" (Patrick Le Lay), distingue l’ennui de l’oisiveté.  La première serait subie tandis que la seconde serait assumée, comme un moment de méditation ou de simple état de bien-être.  Pour ma part, je suis moins catégorique à rejeter l’ennui parmi les états « négatifs ».  Ressentir de l’ennui m’a, notamment, permis de me confronter à moi-même sans faux semblant.  J’ai ainsi dû me rendre à l’évidence que certaines activités ou choses à faire que je remettais sans cesse à plus tard n’étaient pas postposées en raison d’un manque de temps ou d’énergie mais, plus honnêtement, parce que je n'en avais pas tant envie que cela de m’y consacrer du temps et de l’énergie.  Je pense à la cuisine, à la couture, mais même à la natation, au sport, aux arts créatifs.  Quand l’ennui surgit, il aurait été facile pour moi de commencer une telle activité que « le manque de temps » m’empêche habituellement.  Or, même avec le temps, l’envie de cuisiner, de coudre, de nager, a été très limitée, si pas nulle, pendant mon congé.  J’avais envie, la majeure partie du temps, de ne rien faire.  Même si parfois, ne rien faire me faisait tourner en rond.  De dépit, j’ouvrais un livre.  Ce que je fais déjà souvent quand je n’ai pas beaucoup de temps ni d’énergie… car c’est une activité facile, assez paresseuse, à quelques égards.  Si je n’ai pas terminé tonnes de livres, j’en ai par contre parcouru beaucoup dans les grandes lignes.

    Souvent, face à mon incertitude devant la journée qui s’annonçait, devant l’énervement de ne pas savoir ce que j’avais envie de faire, j’ai retrouvé ce sentiment de liberté que, j’imagine, tous les parents doivent avoir oublié.  J’ai goûté à cet état que j’ai connu le mois avant l’accouchement de mon fiston, période pendant laquelle ma seule préoccupation consistait à me reposer dans l’attente d’accoucher.  Du matin au soir, je pouvais faire absolument ce que je voulais.  Quelle volupté !  Quel luxe que cette impression de grands vides devant soi, à remplir selon sa bonne volonté !  Mon répit absolu a duré 1 semaine et demi.  Après, ce sont les vacances en famille qui ont commencé.  Le répit était déjà d’une autre nature…

    Pendant ces moments à m’occuper, j’ai achevé la lecture de 1Q84, de Haruki Murakami (voy. ici sur wiki).   Après Kafka sur le rivage,  je m’étais juré de ne plus lire cet auteur.  Autant j’aime son style, le récit, les thèmes abordés, autant je trouve ses fins, ses dénouements, la chute baclés.  J’avais déjà un sentiment mitigé après Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil.  Il m’a fallu des années après avoir reçu le livre Kafka pour me décider à le lire.  La fin avait éveillé en moi une certaine colère, une impression de fin gâchée.  Il m’aura fallu encore quelques années, et surtout l’ennui, conjugué au fait que les livres 1 et 2 de 1Q84 traînaient dans ma bibliothèque après y avoir été déposés par mon beau-père, parti 6 mois en Thaïlande et désireux, sans doute, de nous proposer quelques ouvrages qui lui avaient plu.  J’appréhendais la fin de la saga.  Ai cru un moment que le livre 2 achevait l’histoire, pour comprendre, comme il m’avait semblé l’avoir lu quelque part (j’avais donc bien lu) qu’un livre 3 devrait sortir dans quelques mois.  Je comprends mieux, donc, que la chute du livre 2 n’en était pas vraiment une. Ouf.  Le doute est encore permis. J’achèverai la trilogie…au moins par curiosité, même si, je dois avouer que la tournure du récit ne me paraît plus des plus intéressante.

    Avant, après, pendant la lecture de 1Q84, j’ai parcouru de longs passages de Les chemins de l’éducation qui collecte articles et textes de conférence de Françoise Dolto.  J’ai beau porter un regard critique vis-à-vis de la psychanalyse, la lecture de certains extraits de Dolto m’irrite au plus haut point (l’enfant ne doit pas dormir avec ses parents, en particulier avec sa mère, au risque de se perdre en elle. Pfff), il en est d’autres où je jubile littéralement.  Illustration.

    « J’écrivais la semaine dernière que de même manière qu’il y a des manières d’exiger l’obéissance qui déterminent l’enfant à devenir désobéissant, il y a des façons d’exiger la vérité qui poussent l’enfant à devenir menteur. 

    Quand l’enfant sait parler suffisamment pour se faire comprendre et sait que telle bêtise entraînera telle réaction punitive ou grondeuse de l’adulte, il peut commencer à mentir.  Les réactions de l’adulte aux premiers mensonges en actes et en paroles des tout-petits sont très importantes. 

    Il vaut mieux prévenir que guérir.  Vers seize mois, deux ans, un enfant qui a renversé un vase ou provoqué un accident, s’il est en confiance avec l’adulte qui s’occupe de lui, l’appellera ou viendra l’entraîner en lui montrant le désastre.

    Si l’adulte commence à se fâcher très fortement et à frapper l’enfant, celui-ci associera, au bout de deux ou trois expériences de ce genre, le fait d’avouer au fait d’être puni.  Il se cachera après avoir fait une maladresse.  Plus tard, si on le gronde d’une bêtise, il dira : « Ce n’est pas moi » pour se défendre des suites désagréables.  Elles en seront peut-être pires, mais ce réflexe du mensonge établi, qui équivaut à un manque de confiance en l’adulte, sera fixé »[1].

    S’ensuit la description d’une scène (un enfant de 4 ans coupe dans les rideaux du salon) et des différentes attitudes possibles de la part de la maman. 

    « Il ne faut pas punir l’enfant pour son initiative, mais seulement pour la mauvaise application de son envie.  Ainsi, dans l’exemple du rideau coupé, il eût été très mauvais que la maman dise : « Je te défends de te servir des ciseaux.  Tu es trop petit ».  Ce n’est plus vrai.  Il a envie de s’en servir, et il a pu le faire sans se blesser, il faut donc lui enseigner de s’en servir utilement. Et cet incident doit faire naître des jeux de découpage, au lieu d’une nouvelle interdiction de se servir des ciseaux qui entraînera, tôt ou tard, une nouvelle désobéissance agressive. »

     Ce texte est suivi d’un article intitulé « Les punitions ».  L’introduction mérite d’être connue :

    « Les ‘’punitions’’ : ce terme devrait être banni du langage de l’éducation, il devrait être remplacé par celui de ‘’réparation’’ ou ‘’annulation’’ de la faute et correction de comportement ‘’.

    Dans le langage courant, il s’y mêle l’idée d’un comportement de l’éducateur que nous devons exclure de notre conception.  Je garderai le mot cependant, mais en expliquant bien ce que devrait être une ‘’punition’’ pour entrer dans le cadre de l’éducation, et ce qu’elle ne doit jamais être ». 

     Je trouve cet article tellement important que, au diable les droits d’auteur.  Je vous en proposerai une version scannée sous peu, le temps de scanner les quelques pages (l’article n’est pas long).  Elles sont très instructives.  Isabelle Filliozat (et d’autres) n’a rien inventé à ce niveau-là.  En 1946, Dolto appelait déjà à respecter la liberté intérieure de l’enfant, « dans un cadre où chacun de ceux qui l’entourent a droit aussi à son sentiment de liberté ».   Certes, tout ne me plaît pas, comme cette proposition de taper la main qui a fait la bêtise (main à séparer, en quelque sorte, du corps, de la personne de l’enfant) mais excepté ce point, j’applaudis les propos de Dolto.

    « Pensez toujours que l’enfant doit être laissé libre.  S’il a trouvé en toute connaissance de cause que le risque valait le plaisir, c’est son droit.  Ne cherchez pas à ‘’mater’’ un enfant pour des choses inutiles.  Si ce qu’il fait lui réussit et n’est pas nuisible aux autres et que vos interdictions ne l’entravent pas, c’est lui qui a raison.  Il est en âge de surmonter les risques que vous craignez pour lui.  Décidez avec lui, au lieu de punir, que l’interdiction temporaire est dorénavant levée, mais exhortez-le à la prudence et à la réflexion ». 

    La psychanalyste énumère quelques procédés néfastes et pourtant courants à proscrire absolument (dixit Dolto). Parmi ceux-ci, « dans le petit âge : le ‘’raisonnement’’ de l’enfant, la ‘’mise au coin’’. »

    Ce point est venu rencontrer une réflexion avancée par E. lors d’une entrevue de « bilan » sur les premiers mois de Petit Prince en crèche.  Elle avait ainsi précisé que les petits enfants ne réagissaient pas comme nous par la pensée.  Si je résume, et si j’ai bien compris ce qu’E. disait…Les enfants n’analysent pas une situation par la pensée.  Avant la parole, et même avant l’émotion, ils sont par le mouvement.  Cela me rappelle la vidéo de Filliozat (Parent : savoir reconnaître les caprices de son enfant !)[2].  Face à un événement, leur compréhension va d’abord passer par le mouvement avant de s’arrêter éventuellement, de se laisser envahir par une émotion, le temps de la réflexion et du verbal ne venant qu’après. 

    A ce stade, j’ai ressenti le besoin de réfléchir à une discussion que j’ai eue, ces vacances-ci, avec une maman passiflorienne, qui « reprochait » à son mari de « trop parler » à son enfant.  Cette mère considérait que l’enfant n’a pas les capacités mentales pour comprendre ce qui était dit et que le flot de paroles lui était imposé : on le forçait à gérer des informations qu’il n’était pas capable de comprendre.

    J’ai pris la défense du papa (je parcourais de temps à autre un article de Dolto et étais donc fraîchement imprégnée de ses idées) en expliquant que son attitude était sûrement due au fait qu’en France/Belgique, nous étions fort influencés par Dolto qui avait eu la bonne idée de proclamer haut et fort que l’on pouvait parler à son enfant, qu’il comprenait.

    Et c’est vrai, depuis cette réflexion de cette maman, j’ai ressenti avec encore plus d’acuité, l’importance  la prédominance/le monopole du verbal sur l’émotionnel ou le toucher.  Et cette prise de conscience a suscité, chez moi, un besoin de prendre distance et de critiquer (critiquer dans le sens de remettre en cause, de questionner, de peser le pour et le contre, de procéder à un examen, une évaluation, une analyse de) mon axiome : la parole est essentielle/primordiale avec son enfant. 

    A côté de la lecture intermittente de Dolto, j’ai, de manière tout aussi intermittente, achevé la lecture de Vivre simplement pour vivre mieux ou la simplicité volontaire en 130 conseils de Philippe Lahille[3].  Je conseille la lecture de ce livre.  Il est plaisant.  Ici, je pointerai deux éléments.

    1.  « Le livre est le loisir le plus écologique dans tous les sens du terme.  […] 

    Parlons maintenant de la lecture : c’est l’activité la plus respectueuse de votre propre rythme. »  (p. 43).

    2.  Je regrette de ne pas avoir fait usage du certificat d’exemption de cadeau pour la période de Noël.  Il est téléchargeable ici. Il est des traditions familiales auxquelles il peut sembler impoli de se soustraire…

    En outre, dernièrement, j’ai (à quelques pages par ci, par là) achevé la lecture de Santé, mensonge et propagandes.  Arrêtons d’avaler n’importe quoi, de Thierry Souccar et Isabelle Robard.  Le ton est critique et peu modéré.  Du coup, je repris dans ma bibliothèque le livre Anticancer de Servan-Schreber et le seul livre de Taty dont je dispose pour en relire des passages, à titre de piqûres de rappel.

    Avec tout ça, j’ai peu lu et peu réfléchi à ma grossesse.  Celle-ci se déroule par elle-même.  Mon petit ou ma petite (le mystère reste entier) est très présent-e.  J’ai ressenti très tôt ses premiers coups de pieds ou de mains (au 3ème mois).  Et maintenant que je suis dans le 4ème mois (ou peut-être le 5ème, je ne suis pas très bien), il ou elle me fait savoir tous les jours qu’il ou elle est bien présent-e et qu’il ou elle compte faire partie intégrante de mon quotidien. 

    Enfin, dernièrement, en raison de la tournure des événements par rapport à la crèche d’E., s’est imposée une réflexion sur l’éducation, sur la somme à investir dans un mode de garde, sur l’équité d’un échange, sur les engagements ou les charges qu’implique l’investissement dans un projet hors des sentiers battus.  J’avais déjà été amenée à réfléchir à ces questions pour le mode de garde parental à la maison (Passiflores).  Cette expérience fut riche d’enseignements.  A côté des aspects éminemment positifs, des considérations beaucoup moins gaies, nées de la confrontation à la réalité de beaux principes théoriques, ont été épinglées par certains.  Une de celles-ci fut relevée à l’unanimité : une sorte d’insécurité face à la « flexibilité » du système qui fait qu’un ajustement quasi-quotidien devait avoir lieu.  Cette flexibilité, cette place à l’inattendu crée une insécurité qui s’accompagne d’une fatigue (mentale et, pour certains, physique) à devoir trouver des réponses rapides à des imprévus…Le fait de changer les règles ou ce qui était convenu (parfois, « simplement » le parent « de garde » ou son enfant était malade) en cours de route créait cette insécurité et cette fatigue latente…Quelle joie pour nous et quel soulagement, aussi, d’intégrer un cadre qui, en principe, ne devait pas être sujet à modifications unilatérales…Et donc, quelle surprise et quelle déconvenue de se rendre compte que théorie et réalité de terrain exigent des « ajustements », ce dont je pensais être dispensée depuis l’entrée en crèche de Fiston…  Décidément, dès lors que l’on sort des cadres conventionnels, que les liens personnels se tissent, une porte doit toujours rester ouverte aux « ajustements », n'en déplaise au droit et à nos réflexes individualistes.  Bon, je me rends compte que mes propos sont sibyllins pour toute personne ignorante du contexte, j’arrêterai donc ici ma réflexion.

    Pour conclure, il me paraît inconcevable de ne pas profiter de ce premier billet de l’année pour présenter mes vœux à tout lecteur qui passerait par ici.  Cette année, l’envie m’est venue de mettre l’accent sur l’oisiveté (pour ne pas utiliser le terme de l’ennui).  J’ai conscience que ne rien faire est un luxe pour la majorité d’entre nous...Il est courant de souhaiter plein de projets, plein de réalisation d’objectifs, le plein de santé, de joie, de bonheur.  Cette année, je vous souhaite la chance de prendre conscience et de déguster des rares « temps morts » qui se présenteront à vous, comme autant d’occasion de ralentir « juste » pour être et non pour faire, agir, réagir, intervenir, s’indigner, s’engager, communiquer, etc.  Oisive année 2012!

     


    [1] Françoise Dolto, « Comment guérir du mensonge », Femmes françaises, 1er et 9 mars 1946, repris dans Les chemins de l’éducation, Gallimard, 1994, pp. 129-131.

    [2] Dans un autre article du livre, Dolto dit, comme le dit Filliozat dans la vidéo, que les « caprices » sont des messages, des signes que les parents ne comprennent pas. 

    [3] Éd. Dangles, 4ème éd. 2010.

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