• [2011-04-15] Le bio peut-il nourrir toute la planète? (suite)

    Le R.S.D.A. explique, dans une section distincte, l'atout pour la diffusion des meilleures pratiques que confère la participation des agriculteurs.

    Dans le chapitre IV de son rapport, l'expert onusion détaille les politiques publiques à mener en vue de développer l'agroécologie.  Il en dénombre cinq :

    A. Accorder la priorité aux biens publics

    B. Investir dans le savoir

    C. Renforcer la cohésion sociale par la coconstruction

    D. Autonomiser les femmes

    C. Organiser les marchés

    Toutes revêtent leur importance.  Ici, je souhaite cependant m'attarder sur deux des cinq priorités.

    1. Accorder la priorité aux biens publics

    Voici ce qu'on peut lire:

    "«le sous-investissement dans l'agriculture est [...] aggravé par le fait que de nombreux investissements sont malavisés» [69], avec un parti pris en faveur de l'acquisition de biens privés parfois motivé par des considérations politiques [70].  Des recherches fondées sur l'étude de 15 pays latino-américains pendant la période de 1985-2001, durant laquelle les subventions d'Etat pour les biens privés étaient distinguées des dépenses en biens publics, ont montré que, dans le cadre d'un budget agricole national fixe, si 10% des crédits étaient réaffectés à l'acquisition de biens publics, le revenu agricole par habitant augmentait de 5% tandis que si les dépenses publiques consacrées à l'agriculture augmentaient de 10%, avec une répartition identique, le revenu agricole par habitant n'augmentait que de 2% [71].  En d'autres termes, « même sans modifier le montant global de leurs dépenses, les gouvernements peuvent améliorer leurs résultats de leur secteur agricole en augmentant la part allouée aux services sociaux et aux biens publics par rapport à celle qui finance des subventions non sociales»". (pages 19 & 20, § 37)

    Je ne m'attarderai pas ici sur la question de prendre comme critère de référence le "revenu agricole par habitant". Je n'ai pas l'intention d'entrer dans ce débat ici.

    Ce qui m'intéresse est le constat émis par le R.S.D.A, si je comprends bien ses propos.  Pour une même somme engagée sous couvert d'investissement dans le domaine agricole, l'on a constaté que lorsque l'on sait la proportion de l'argent qui est investie, d'un part, dans le secteur public, d'autre part, dans le secteur privé, il ne fait pas l'ombre d'un pli que les sous dédiés aux biens publics contribuent à augmenter le revenu agricole par habitant.  Par contre, même si l'on augmente le budget total consacré à l'agriculture sans accroître simultanément la proportion allouée au secteur public, le revenu agricole par habitant ne croissait pas en conséquence, l'argent parti dans le secteur privé n'influant pas proportionnellement celui-ci (le revenu par habitant).    

     

    2. Organiser les marchés

    Enfin, avant de conclure son rapport sur les recommandations, le R.S.D.A. insiste sur l'importance d'organiser les marchés, et d'améliorer les accès aux marchés.

    Là où son propos est percutant, c'est lorsqu'il soutient noir sur blanc que:

    "le soutien fourni aux pratiques agroécologiques ne permettra pas d'obtenir les résultats souhaités si les marchés ne sont pas organisés de manière à protéger les agriculteurs contre la volatilité des prix et le dumping des produits subventionnés sur les marchés locaux, qui peuvent sérieuseument affecter la production locale [88].  De même, les systèmes de passation de marchés publics, les mesures d'incitation fiscales et les dispositifs de crédit, ainsi que les politiques d'occupation des sols - domaines que le Rapporteur spécial a abordés dans le passé - doivent tenir compte de la nécessité d'une transition vers des modes de productions à faibles émission de carbone et à faible utilisation d'intrants internes, où les agriculteurs participent à l'élaboration des politiques qui les concernent." (pages 21 & 22, § 42)

     

    En guise de conclusion, je pointe le fait qu'il est maintenant acquis par la communauté des scientifiques et même par les instances onusiennes que la généralisation de l'agroécologie est nécessaire à divers égards.  L'on pense immédiatement à la préservation de l'environnement.  Toutefois, on le voit, au travers de la question alimentaire, ce sont également d'autres enjeux qui y sont interdépendants: le droit à la terre, la qualité nutritionnelle des produits ingérés par l'homme, l'autonomie financière des paysans, l'exode rural, l'émigration, les politiques commerciales, ... 

    J'avoue, avant la lecture de ce rapport, j'ignorais jusqu'au terme-même de l'agroécologie...Je découvre que le discours tenu par le milieu alternatif a percolé parmi les institutions onusiennes...Cela me réjouit et, en même temps m'inquiète.

    D'un côté, je suis contente car cela traduit un changement des mentalités. L'agroécologie (que moi, naïvement, je nommais le bio) n'est pas confinée à la sphère des "alter" (pour alternatif au néo/capitalisme).

    De l'autre, je ne puis cacher mon inquiétude (et scepticisme?).  En effet, si les hautes instances onusiennes sont au courant, convaincues et ont communiqué ce message aux Etats,  ces derniers ne modifient pas ou prou leur vision de l'agriculture, de l'aide au développement (les objecteurs de croissance s'étrangent en lisant ce terme), du commerce,... Donc, si les dirigeants de la planète ne peuvent pas ne pas savoir, comme le démontrent ce rapport et les références qu'il cite,  qu'attendent-ils? ¤

     

    Les références citées en notes infrapaginales par le R.S.D.A. ne sont pas reproduites ici.  Pour en prendre connaissance, veuillez vous reporter au texte original contenu dans le document.

    « [2011-04-15] Le décret enseignement à domicile devant la Cour constitutionnelle[2011-04-17] Pétition contre le brevet sur les semences »

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