• [2011-07-27] Rapport 2007 de la Cour de Cassation sur la santé dans sa jurisprudence

    Un copier-coller du Rapport 2007 de la Cour de Cassation (extraits):

    Source: site de la Cour de Cassation française

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    2.1.1.2.2. La responsabilité du fait des produits de santé et des instruments que le professionnel de santé utilise dans le cadre de son activité

    2.1.1.2.2.1. Les produits de santé

    La loi du 4 mars 2002 a réservé le cas de la responsabilité pour faute, lorsque l’action en responsabilité est intentée sur le fondement du défaut du produit de santé, qui demeure régi par la loi du 19 mai 1998(4). En effet, cette loi établit une responsabilité de plein droit et objective, totalement indépendante de la notion de faute.

    2.1.1.2.2.1.1. Les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité

    Il s’agit généralement d’une responsabilité sans faute. En effet - sauf le cas où le fabricant manque à son obligation de vigilance en maintenant ou en mettant sur le marché un produit tel que le « Distilbène » (1re Civ., 7 Mars 2006, Bull. 2006, I, n° 142 et 143, p. 130, pourvoi n° 04-16.179) ce qui en l’état de doutes portant sur l’innocuité du produit, d’études expérimentales et d’observations cliniques contre-indiquant son utilisation, traduisait un comportement fautif - il incombe à la victime de prouver seulement le défaut de sécurité du produit, le dommage, son imputabilité à l’administration du produit, enfin, le lien causal entre le défaut et le dommage. Reste alors à déterminer ce qui caractérise la défectuosité du produit, et à apprécier le lien de causalité.

    2.1.1.2.2.1.1.1. La défectuosité du produit

    Elle ne se détermine pas par rapport à sa dangerosité, mais par rapport à la «  sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (article 1386-4 du code civil). Cette expression renvoie, donc, à une appréciation en fonction des circonstances de l’espèce : de la présentation du produit, comme de l’usage qui peut en être attendu, mais encore de la connaissance de sa dangerosité au moment où il a été mis sur le marché (article 1386-4, alinéa 2, du code civil).

    Il s’en déduit qu’un produit, fût-il dangereux, ne présente pas nécessairement un défaut de sécurité. Le produit que tout un chacun sait dangereux pour la santé ne peut entraîner de responsabilité du fabricant sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil. Ce n’est donc pas au regard des effets indésirables portés à la connaissance de l’utilisateur du produit que s’apprécie sa défectuosité (1re Civ., 24 janvier 2006, Bull. 2006, I, n° 33, p. 130, pourvoi n° 04-16.179), mais au regard de l’absence d’information donnée dans la notice sur ses effets indésirables, lorsque le laboratoire en avait connaissance lors de sa mise sur le marché.

    Ceci n’est que l’application du principe posé dans un arrêt du 5 avril 2005 (affaire dite du «  syndrome de Lyell » ) : la Cour de cassation impose aux juges du fond de rechercher «  si, au regard des circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage que le public pouvait raisonnablement en attendre, du moment de sa mise en circulation et de la gravité des effets nocifs constatés, le produit était défectueux » (1re Civ., 5 avril 2005, Bull. 2005, I, n° 173, p. 146, pourvois n° 02-11.947 et 02-12.065 RTD. civ., juill.-sept. 2005, n° 3, p. 607-610, note P. Jourdain, JCP 2005, I, n° 149 note Viney, p. 1227.).

    Enfin, cette notion d’« attente légitime », en ce qu’elle fait référence à l’individu moyen, ne permet pas de retenir la responsabilité du fabricant en cas de risque exceptionnel tenant par exemple à la complexion de l’utilisatrice d’un produit de beauté (1re Civ., 22 janvier 1991, Bull. 1991, I, n° 30, p. 18, pourvoi n° 89-11.699 ; RTD. civ. 1991, p. 539, obs. P. Jourdain) Cette solution est d’ailleurs cohérente avec celle retenue récemment en matière de responsabilité du fait des instruments sur le fondement de l’aléa thérapeutique (en l’espèce l’usage de gants en latex avait déclenché une réaction allergique au contact des muqueuses de la patiente : 1re Civ., 22 novembre 2007, pourvoi n° 05-20.974).

    2.1.1.2.2.1.1.2. L’appréciation du lien de causalité

    Elle constitue le second problème. Il convient en effet de s’assurer de l’existence d’un rapport entre le dommage et l’administration du produit (Voir sur ce point 2.1.2.1.), et d’autre part, entre le défaut et le dommage, comme cela résulte de l’arrêt précité du 5 avril 2005 qui, se fondant sur un rapport d’expertise, avait retenu que « le lien entre l’absorption du médicament en cause et l’apparition du syndrome de Lyell était scientifiquement reconnu ; que M. X... avait développé ce syndrome dans un délai de 7 à 21 jours après l’administration du Colchimax, ce qui correspondait au délai habituellement constaté entre l’administration du produit et la survenance de l’effet toxique ; que la cessation du trouble coïncidait avec l’arrêt de la prise du médicament ; qu’il n’était établi l’existence, ni d’une erreur de prescription, ni d’une prédisposition du patient, ni d’une association avec d’autres médicaments » (1re Civ., 5 avril 2005, Bull. 2005, I, n° 173, p. 146, pourvois n° 02-11.947, et 02-12.065).

    C’est précisément parce que ce lien, entre la vaccination contre l’hépatite B et l’apparition de la sclérose en plaques, était contesté et non scientifiquement établi, que la Cour de cassation a cassé des arrêts qui avaient déduit des circonstances des «  présomptions graves précises et concordantes » établissant un lien causal entre la vaccination contre l’hépatite B et le déclenchement de la sclérose en plaques. La Cour de cassation a considéré, en l’espèce, que la cour d’appel n’avait pas tiré « les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le lien de causalité entre la vaccination et la maladie ne pouvait être établi ». (1re Civ., 23 septembre 2003, Bull. 2003, I, n° 188, p. 146, pourvoi n° 01-13.063. Voir : RTD civ., janvier - mars 2004, n° 1, p. 101-103, note P. Jourdain ; La semaine juridique, Ed. générale, 7 janvier 2004, n° 1/2, p. 23-26, note G. Viney ; Le Dalloz, 1er avril 2004, n° 13, p. 898-902, note Y-M. Serinet et R. Mislawski).

    Cette jurisprudence est aujourd’hui contestée. Les plaideurs dénoncent un traitement discriminatoire, né de la divergence des jurisprudences civile et administrative, depuis que le Conseil d’Etat a retenu dans un arrêt du 9 mars 2007, en faveur du patient, une présomption de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques (CE, 5e et 4e s.-sect. réun., 9 mars 2007, Note Laurent Neyret, Dalloz 2007, 2204-2208). Cette présomption, le fabricant du vaccin ne peut la combattre qu’en prouvant l’innocuité du produit. C’est donc à un alignement sur cette solution qu’invitent cinq pourvois formés devant la Cour de cassation (pourvois n° 06-10.967, 06-18.848, 05-10.593, 05-20.317 et 06-14.952), visant, notamment, à casser l’arrêt rendu le 2 juin 2006 par la cour d’appel de Paris qui, statuant en tant que cour de renvoi, s’était conformée à la doctrine des deux arrêts du 23 septembre 2003. Cet arrêt énonçait qu’ : «  (...) il n’existe pas de consensus scientifique reconnaissant un lien de causalité certain entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, ni même une association statistique significative de nature à imputer de manière hautement probable, ou même plausible, cette pathologie au vaccin ; qu’en raison de cette incertitude scientifique, à la différence des pathologies dont il a été reconnu scientifiquement qu’elles pouvaient résulter de l’administration d’un produit sanguin vicié ou d’un produit médicamenteux iatrogène, et alors que l’absence de preuve de l’innocuité du vaccin ne suffit pas pour en déduire sa nocivité, il n’est pas possible de retenir les seules données de l’histoire personnelle de la patiente, comme valant présomptions graves, précises et concordantes en faveur d’une imputabilité de la pathologie apparue au vaccin administré » (Paris, 2 juin 2006, RG n° 03/17991).

    Une harmonisation des jurisprudences judiciaire et administrative sur la question de l’appréciation de l’imputabilité, rejoindrait celle de l’arrêt « Isoméride » (1re Civ., 24 janvier 2006, Bull. 2006, I, n° 35, p. 34, pourvoi n° 02-16.648) « dans le sens d’une conception extensive, à l’opposé de celle exprimée dans le commentaire de l’arrêt du 23 septembre 2003 (1re Civ., 23 septembre 2003, Bull. 2003, I, n° 188, p. 146, pourvoi n° 01-13.063) paru dans le rapport annuel de la Cour de cassation selon lequel «  la victime doit établir que le produit n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, le seul fait qu’il puisse être à l’origine d’un dommage étant insuffisant à caractériser le défaut. D’autres facteurs, tels qu’une prédisposition ou une hypersensibilité de la victime, peuvent en effet être intervenus dans la réalisation du dommage » (Rapport annuel, 2003, p. 462).

    Si la jurisprudence judiciaire devait se rallier à la position adoptée par le Conseil d’Etat, les fabricants éventuellement toujours se prévaloir des causes d’exonération propres à la responsabilité du fait des produits défectueux.

    « [2011-07-27] Conseil d'Etat français et hépatite B[2011-07-27] Patrice Jourdain, "Lien de causalité entre vaccination et maladie apparaissant ultérieurement: la jurisprudence s'affine", R.T.D.Civ., 2009, p. 72 »

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