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[2011-11-17] Saynètes réelles autour d'un jouet
Le temps est maussade. L'envie nous prend de passer du temps dans une librairie où un espace convivial est prévu pour les enfants. On y trouve notamment des trains sur rail que les petits peuvent manipuler à leur guise.
A notre arrivée devant le plateau, placé à hauteur des petits, un enfant de 6-7 ans (appelons-le Elliot. Précision: je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam, ni aucun des personnages dont je parlerai ci-après), actionne un train composé de plusieurs wagons. Un autre en dispose de 2 ou 3. Il en reste un dernier, esseulé, sur le plateau de jeu. Mon fils s'en empare. Je le vois y aller prudemment. Il s'approche du grand convoi. J'ai le sentiment qu'il souhaiterait avoir 1 ou 2 autres wagons. Il ne le dit pas et ne le manifeste pas clairement, mais c'est mon impression, à le voir tourner doucement autour du long convoi.
Se succèdent plusieurs interactions avec d'autres enfants qui arrivent. J'en relèverai 3 que je relate ici, pas forcément dans l'ordre chronologique.
1) Le plateau de jeu est entouré de toutes parts par des enfants. Les uns possèdent un train, d'autres regardent. Une petite fille, 6-7 ans, arrive. Elle constate la scène: des enfants jouent. La maman de la petite atteint, elle aussi, le plateau, 2 secondes après. Sa maman pose une question ou émet un commentaire, je ne sais plus. Toujours est-il que la gamine explique à sa maman: "ils ne veulent pas me laisser jouer".
2) Un garçonnet, 4-5 ans, débarque devant le jeu. Il est à peine arrivé qu'il saisit un wagon du long convoi avec lequel Elliot joue.
3) Un parent parvient au plateau de jeu avec son enfant (je ne sais plus quel âge). Ce parent prend un wagon du long convoi avec lequel Elliot joue.
Imaginons d'autres scènes, avec des adultes cette fois.
1) Une dame entre dans une salle. D'autres adultes sont affairées à écrire. Alors que quelques personnes disposent devant leur table de plusieurs feutres, bics de couleurs, fluo, etc. , certains se contentent d'un stylo. La dame souhaite également prendre des notes mais ne possède pas de bic. Elle décrète tout haut : "ils ne veulent pas que j'écrive".
2) Un homme entre dans un de ces cafés qui mettent à disposition les quotidiens du jour. Un client lit calmement Le Soir, tandis qu'il a également La Libre posée devant lui. Il passe d'un journal à l'autre. Que fait-il? Il compare deux articles? Il lit simultanément deux articles? Peu importe. Toujours est-il qu'il est occupé avec deux journaux. L'homme qui vient de pénétrer dans ce café s'approche de ce monsieur assis. Sans rien dire, le nouvel arrivant prend La Libre qu'était en train de consulter le client attablé.
3) Reprenons la scène précédente. Cette fois-ci, ce n'est pas un homme qui entre mais deux messieurs, un petit et un grand. Le petit indique au grand il souhaite La Libre. Sans prononcer une parole, le grand se dirige vers la table du client en pleine lecture et prend le journal convoité que ce dernier était pourtant en train d'examiner.
Questions: les scènes décrites ci-avant vous ont-elles choqué? A la lecture des trois incidents relatés dans la librairie, avez-vous aussi pensé que quelque chose clochait? Moi oui. Démonstration:
1) Après que la fillette ait décrété tout haut que les autres enfants ne voulait pas qu'elle joue, j'ai tout de suite rétorqué qu'elle n'en savait rien, puisqu'elle n'avait pas demandé. Si cela se trouve, les autres petits ne l'avaient même pas vue arriver.
Question: Apprend-on Les adultes/les parents apprenent-ils aux enfants à demander, à exprimer ce qu'ils veulent?
2) Le petit qui a saisi le wagon du convoi d'Elliot a été interrompu dans son geste. J'ai indiqué à Elliot qu'il pouvait ne pas être d'accord avec cet acte et j'ai "sermonné" l'enfant "voleur" en lui précisant qu'il pouvait demander avant de prendre (oui, oui, cela se fait, de demander avant de prendre quelque chose à quelqu'un, je t'assure).
Questions:Les adultes/les parents apprennent-ils aux enfants à demander, à exprimer ce qu'ils veulent, avant d'agir, parfois au détriment d'un autre? Et les adulte/les parents apprennent-ils à leur enfant de marquer leur désaccord si une autre personne (enfant ou adulte) pose un acte qui leur déplaît?
3) Le parent qui a saisi le wagon du convoi d'Elliot a également été interpellé. Je n'ai pas pu m'empêcher de dire au parent qui prenait ainsi un objet à Elliot avec lequel ce dernier était en train de jouer et qu'il avait aussi l'option de demander à Elliot s'il était d'accord de céder un wagon. Evidemment, en posant la question, on prend le risque d'une réponse négative. Si on n'est pas prêt à prendre ce risque, on ne la pose pas: on fait comme ce parent: on prend sans demander (version barbare); ou on prévient, non sous une forme de question, mais sous la forme d'une affirmation, que l'on va prendre l'objet (ce que je fais quand je dis: "Fiston, on y va"; si je dis: "Fiston, on y va?", c'est que je suis prête à me voir opposer un refus).
Questions: comment un adulte qui prend une chose à un enfant sans le lui demander, ou du moins, sans le prévenir, peut-il prétendre apprendre à sa propre progéniture qu'il est plus agréable, voire que la politesse implique dans notre société de demander avant de poser un tel acte qui, visiblement, risque de ne pas plaire à l'autre. Et même question, en lien avec l'absence de réaction d'Elliot, les adultes/parents apprennent-ils à leur enfant à manifester leur désaccord ?
Cet épisode autour du train m'a beaucoup marquée, voire choquée. Je suis encore plus convaincue de la nécessité d'apprendre à mon enfant à communiquer avec l'autre avant de décréter que l'autre ne veut pas communiquer, à communiquer avant de poser un acte sans égard pour autrui, à moi-même veiller à faire ce que j'apprends à mon fils.
Tags : le partage, la propriété, communication
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