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[2011-11-18] "Il faut partager"
Voici un EXCELLENT extrait d'un article du Ligueur des parents, dans le numéro du mois d'octobre consacré à la transmission des valeurs du parent à l'enfant (belle thématique que celle-là. D'ailleurs, ce numéro est très intéressant dans son entièreté. Je le recommande). La ligue des familles est, de manière générale, très "classique" dans ses idées (même si j'observe que chaque numéro critique doucement mais fermement le consumérisme ambiant, ambiant notamment à l'école). Mon commentaire suit la citation.
"0-7 ans: le bien et le mal
Partager, vraiment? Dans cette transmission de valeurs, il y a un grand piège: certains voudraient par exemple que l'enfant apprenne celle du partage. Mais, pour y arriver, il faut qu'il prenne conscience du sens de la propriété. Si, le parent décide à la place de l'enfant qu'il doit partager sa petite voiture, celle-ci ne lui appartient déjà plus. La voiture devient l'objet de l'adulte puisque celui-ci a tout pouvoir sur l'objet. On ne peut partager que ce qui est à soi. Le partage est une valeur importante qui se déclinera plus tard en solidarité, mais elle ne peut s'acquérir que si on a transmis la valeur de la propriété. Sinon, on obtient l'effet inverse et on développe l'égoïsme chez l'enfant qui voudra protéger ce qui lui appartient." Propos recueillis par Michel Torrekens auprès de la psychologue Diane DRORY.
1ère remarque: concernant le "Il faut"
Dès lors que l'on s'intéresse au développement personnel, que l'on découvre la littérature liée à la psychologie, à la communication efficace, non violente, on est invité à prendre conscience des automatismes: gestes automatiques (la claque qui part sans réfléchir), des phrases automatiques (le "attention, tu vas tomber" prononcé par réflexe), voire des phrases-poison que l'on se dit à soi-même (t'es nulle, t'es grosse) que l'on n'énonce pas toujours clairement verbalement mais qui se présentent souvent furtivement dans notre tête dans certaines circonstances. Parmi ces phrases automatiques, il y a le fameux: "il faut", "tu dois". J'ai une pensée particulière pour A. à l'heure de penser et d'écrire ces lignes. Nous avons récemment discuté sur ces quelques mots qui peuvent parasiter notre langage...même lorsque nous sommes conscients que notre communication se verrait améliorer sans eux.
Exemples: "il le faut bien", "il faut tout manger", "il faut bien travailler à l'école", "il faut dire merci", "tu dois m'obéir", " tu ne dois pas pleurer", "tu dois répondre quand je te pose une question (à côté du: on ne répond pas quand je parle), "tu dois aller dormir", "tu dois mettre ton manteau dehors", "tu dois me tenir la main dans la rue", etc. Sans oublier le fameux: "il faut partager", "tu dois partager".
Alors, s'il est bien deux expressions qui, chez moi, actionnent des sirènes d'alarme, ce sont ces fameux: "tu dois" et "il faut". Dans la majorité des cas où ces mots affleurent mes lèvres, je m'abstiens, entame une rapide réflexion et tente de reformuler : qu'est-ce que je veux dire? Comment le dire autrement?
Souvent, cela prend plus de temps. Mais je préfère prendre plus de temps que d'empoisonner ma communication avec des "il faut" et "je/tu dois".
2ème remarque: le partage
Voilà un sujet qui m'intéresse beaucoup. J'avoue que je me suis souvent sentie impuissante, démunie lorsque mon fils se disputait un jouet avec un autre enfant, que l'objet de leur conflit appartienne à mon petit, à son camarade ou à aucun des deux (comme à la Maison verte, ou à la crèche). Comment faire?
Il est facile de faire la leçon: "il faut partager". J'entends souvent cette phrase dans les bacs à sable des plaines de jeux. Est-ce si évident qu'il faille partager?
Je me suis souvent demander si la maman* qui sermonne de cette façon apprécierait que j'exigeais d'elle son GSM, son I-pod, son manteau, le livre ou le magazine qu'elle occupée à lire, la pomme qu'elle est en train de manger, etc. , sous prétexte qu'"il faut partager".
Le partage, au même titre que la solidarité, est une valeur que, j'imagine, la majorité des gens souhaite transmettre à leurs enfants. J'appartiens à cette majorité.
Cela ne m'empêche pas de m'interroger et de rester perplexe quand, dans le bac à sable, je vois une mère* qui dicte à son très jeune enfant, comme une vérité, énoncée parfois sévèrement, parfois avec douceur: "il faut partager". Et alliant le geste à la parole, ne voilà-t-il pas ce parent qui prend l'objet convoité par l'autre enfant pour le lui remettre.
Quelque chose m'a toujours chagrinée, et choquée, dans cette certitude d'adulte. L'extrait reproduit plus haut a réussi à exprimer en des mots très simples et très clairs l'ambiguïté et le non-sens de cette "vérité" (attention, cela est vrai pour une certaine tranche d'âge, plus tard, le raisonnement devrait être plus argumenté):
"Si, le parent décide à la place de l'enfant qu'il doit partager sa petite voiture, celle-ci ne lui appartient déjà plus. La voiture devient l'objet de l'adulte puisque celui-ci a tout pouvoir sur l'objet. On ne peut partager que ce qui est à soi. Le partage est une valeur importante qui se déclinera plus tard en solidarité, mais elle ne peut s'acquérir que si on a transmis la valeur de la propriété. Sinon, on obtient l'effet inverse et on développe l'égoïsme chez l'enfant qui voudra protéger ce qui lui appartient."
Quand mon enfant et un autre lutin se disputent un jouet, je continue à me sentir quelque peu démunie, mais un peu moins que par le passé. Il semble établi sous nos latitudes que l'antériorité de la possession implique un droit premier sur la chose (principe que, déjà en soi, je questionne. Mais bon, j'ai fini par me lasser de vouloir remettre cela en question, c'est ainsi que cela se passe ici. Point).
Pour le formuler plus simplement: le premier qui touche un jouet, qui s'amuse avec, paraît être celui qui est légitime d'en réclamer la jouissance immédiate. Au deuxième arrivé d'attendre son tour. Si un enfant arrache le jeu des mains du mien et que mon petit ne dit rien, je n'interviens pas. Après tout, s'il ne dit rien, et ne manifeste pas son mécontentement, je n'ai pas à intervenir.
Par contre, si mon chéri pleure, crie, ou exprime à sa manière, qu'il n'est pas d'accord qu'un autre lui dérobe ce qu'il tenait, je réagis. Mon premier geste est de dire à mon loulou qu'il peut lui-même signifier à l'enfant "voleur" qu'il n'est pas d'accord. Quand il ne parlait pas, je lui disais de crier, voire de pleurer. Maintenant qu'il sait parler et dire "pas d'accord", je l'invite à aller dire à l'autre "pas d'accord quand tu prends mon jouet". Si mon fils ne veut pas (souvent parce qu'il est trop en colère, ou parce qu'il est intimidé), c'est moi qui y vais. Je joue au messager: "Tu entends mon fils? Il dit qu'il n'est pas d'accord que tu prennes le jouet avec lequel il était en train de jouer". Je peux aussi lui dire, en mon propre nom, que je ne suis pas d'accord par sa méthode. Il peut demander à jouer avec l'objet, mais je ne suis pas d'accord qu'il l'arrache des mains. Je récupère souvent le jouet sans souci. Si le geste de rendre l'objet n'est pas volontaire, je demande à mon enfant s'il veut vraiment ce jouet. Si oui, je préviens l'autre que je vais prendre l'objet de ses mains pour le rendre à mon enfant. En même temps, je négocie avec mon fiston et lui demande s'il est prêt à le passer quand il aura fini de jouer. Souvent, c'est oui. Dans ce cas, je suis soulagée. Si c'est non. Ben, c'est non. Et là, j'attends de voir comment va réagir l'autre. Souvent, les choses font que la crise passe d'elle-même. Parfois, il est nécessaire de négocier plus âprement.
Dans l'autre sens, si mon enfant désire jouer avec un camion avec lequel s'amuse déjà un autre petit, ou même avec un camion posé là tout seul, à côté d'un gamin, je propose à mon fils de demander à l'enfant que l'on suppose être le propriétaire s'il peut emprunter le jouet.
J'estime que l'autre est en droit de refuser de prêter SON jouet (si le jouet n'appartient à personne, c'est différent). Dans ce cas, soit je négocie plus sérieusement, soit j'explique à mon enfant que le propriétaire ne souhaite pas partager.
J'ai parfois peur de donner l'impression à mon loulou que son souhait de prendre un jouet est secondaire, passe après le désir d'un autre petit. Car je demande très souvent à mon fils s'il veut VRAIMENT l'objet. Souvent, je lui demande d'attendre un peu, histoire d'éviter une bagarre. J'espère qu'il n'en retient pas que son envie est secondaire à celui d'un autre enfant. Mon intention n'est pas de cet ordre.
La première raison est très pragmatique. Il m'est tout simplement plus facile de demander à mon fils que je connais et dont j'apprécie la patience de patienter, plutôt que de le demander à un enfant inconnu.
Il s'agit aussi pour moi, de faire comprendre que la patience permet parfois d'obtenir ce que l'on souhaite, un peu plus tard, certes, mais avec moins de conflit, en mobilisant moins d'énergie. En effet, il arrive souvent que l'envie ne vaille pas la peine d'un grand conflit, d'une longue dispute, de crise de larmes de la part de l'autre, de cheveux tirés, de morsures, de tapes, etc. Il suffit parfois de quelques minutes de patience et de frustration...
Enfin, je le reconnais. Tout simplement, en toute humilité, je ne sais pas comment faire autrement. Que de compter sur la chance que la situation se règle par elle-même, parfois au gré d'un flottement, d'une distraction...
*car, avouons-le, ce sont surtout des mères qui fréquentent les plaines de jeux avec leur petit. Stéréotype ou pas, il me semble que cela soit une réalité.
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Tags : partage, sens du partage, propriété
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