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[2012-09-20] Punir à l'école
2ème mercredi de l'année scolaire. Mon homme et moi arrivons à l'école. Deux dames sont assises devant la porte du bâtiment. Les enfants se défoulent, courent, crient. Mon fiston est tout près de la barrière donc nous le repérons tout de suite. Il a l'air heureux. Puis, cette phrase saisie au vol...
- Elise (ou Elsa ou Laura, je ne me rappelle plus du prénom, mais peu importe), c'est la deuxième fois que je te le dis, tu ne cries pas ainsi dans la cour. S'il y a encore une troisième fois, tu vas t'asseoir sur la chaise.
La chaise? Je la vois tout de suite, d'autant plus que la femme accompagne sa menace d'un geste vers elle. Il s'agit d'une chaise en plastique, appuyée au mur.
Je suis horrifiée. Mes questions se bousculent dans la tête:
1° qu'est-ce qu'elle a fait, la gamine? Ha, oui, elle a crié. Certes, avec le recul, maintenant que j'y réfléchis, c'était un cri strident.
2° Quoi, on ne peut plus crier dans la cour, du moins, pas des cris stridents? Et si les enfants ne peuvent plus crier à la récré, ils crient quand à l'école? Quand peuvent-ils sortir l'énergie, l'énervement, les frustrations, la joie (de courir/attraper ses copains)?
3° Bon, ok, cela peut faire mal aux oreilles à la longue si tous les enfants poussent des cris stridents, mais quoi? ils ne peuvent pas à l'école, alors? Mince mince mince. Faut vraiment prévoir une sortie après les cours où mon enfant peut courir et crier de tout son soûl. Quoi, à l'école on se retient alors?
4° C'est qui, cette nana? Vite, se renseigner. Je ne veux pas que mon enfant aille dans sa classe? Mais quoi, peut-être que les instit' de mon fils font pareil. Au secours!1ère réunion des parents, je me lance:
- Que faites-vous avec un enfant dissipé? A mon époque, on était mis au coin?Rires de mes deux interlocutrices.
- Non, ici, tous les coins sont pris. On ne fait plus ça. On demande à l'enfant de se calmer, on va lui proposer une activité plus douce.
Ouf. Je suis rassurée. Dans ma tête, je comprends: on ne punit pas.
Puis, hier, au milieu de blablas de mon fils (il est méga ultra super bavard, mon fils ;-), comme sa mère à son époque), il explique que Camille avait fait une bêtise (j'ai sciemment introduit très tôt le concept de "bêtise" qui signifie le geste maladroit, le verre renversé; très tôt pour que ce mot ne reçoive pas de connotation négative dans l'esprit de mon fils). Puis, elle s'est retrouvée sur une chaise. Les autres étaient sur un banc.
Fiston était sur les genoux de mon chéri. Lui et moi échangeons directement un regard. Interrogateur. Et pas du tout rassuré. D'autant plus que le chérubin continue ses palabres.
- Et moi aussi, j'ai été sur une chaise.
- Toi aussi? Et pourquoi?
- Parce que j'ai fait une bêtise.
- Quelle bêtise mon chéri?
- J'ai couru en glace (mon enfant dit "glace" au lieu de "classe" ;-) ) et V., elle a dit: "on ne peut pas courir en glace".
- Et les autres, chéri, ils étaient où? Aussi sur une chaise?
- non, sur le banc...
Hum hum. Clairement, cette histoire mérite d'être creusée et éclaircie. Mettre dans un coin ou sur une chaise au milieu de la classe, pour moi, c'est la même chose. Les anglais appellent cette mise au coin par le time-out. Voici un article traduit de Aletha Solter sur le site de CDK: "Les désavantages du time-out (ou encore de la mise à l'écart temporaire)".Sous la surface, la mise à l’écart temporaire est une approche autoritaire, et, en tant que telle, elle ne peut fonctionner qu’avec des enfants entraînés se soumettre au pouvoir et l’autorité des adultes. Les enfants entraînés à se conformer à de telles mesures savent que les conséquences de la désobéissance sont pires que celles liées au fait d’adhérer aux injonctions. Les enfants qui n’ont pas été élevés dans un environnement autoritaire refuseront très certainement d’aller dans une autre pièce ou de s’asseoir sur une chaise.
[...]
Au royaume des expériences enfantines, la mise à l’écart temporaire n’est rien de plus qu’une punition.
Alors, mon enfant ne semble pas perturbé d'avoir été mis sur une chaise. Mais j'ai le coeur serré de savoir qu'il a vécu cette expérience.
Le soir, au moment du coucher, je suis revenue sur cette histoire de chaise. Je voulais en savoir plus. Il est certain que les autres n'étaient pas sur une chaise, mais sur le banc. A la fin, je lui ai demandé s'il savait pourquoi, lui, avait été sur la chaise. Réponse: non, je ne sais pas. En clair, cessera-t-il de courir en classe parce qu'on le lui demande et qu'il aura intégré cette demande? Ou parce que la sanction a fonctionné, parce qu'on lui aura demandé la docilité?Au secours....!
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Tags : punition, école
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