• 21 novembre '15 - Journal d'un désir d'enfant 7: porter la vie qui n'en est plus une

    12 novembre 2015 -Porter la vie qui n’en est pas ou plus une

    Depuis la fin de mes nausées, les doutes m’assaillent.  Les idées morbides qui m’ont minée durant mes nausées se muent en pensée de fausses couches.  Tant de femmes ont traversé cette épreuve, pourquoi y échapperais-je ?

    Je doute de plus en plus de ce bébé.  Lors d’une consultation, la date de terme se précise : le 25 mai. Mes tripes et mon cœur se serrent.  Oui, j’ai voulu un accouchement comme celui que j’avais eu avec ma fille, mais non, je ne veux pas de remake.  Le 25 mai, c’est quasiment la date d’anniversaire de ma fille.  D’ailleurs, quand j’annoncerai cette date à la famille, mon fils rétorquera tout de suite : « cela ne va pas ; c’est presque la même date d’anniversaire que A.  Comment on va négocier ? ».
     
    Cette question de notre fils nous a fait rire…

    A quoi on s’attarde, hein ?

    N’empêche, cela n’allait pas, c’était trop…trop pareil.

    Puis, alors que la doctoresse me soumettait à une séance d’acupuncture, alors que je versais des larmes d’impuissance face à mes nausées qui m’avaient complètement envahie, j’ai prié pour que ces nausées cessent mais, précisai-je « pas ma grossesse.  Et oui, je souhaite un enfant en bonne santé. Pas de handicap.  Nous ne pourrions pas, nous ne saurions pas faire face, nous sommes tellement épuisé-es.  Un enfant en bonne santé, svp».

    Et pendant que je restais étendue sur la table, je m’inquiétais de 2 aiguilles d’acupuncture qui me faisaient mal, celle qui était juste sous ma poitrine m’inquiétait le plus…Et j’avais mal au ventre…Et si cela faisait mal à mon bébé…Et si cela provoquait une fausse couche ?

    Et depuis cette séance d’acupuncture, je pensais et craignais la fausse couche…

    Je me souviens de cette conversation le soir même avec une copine, elle-même enceinte, à qui je confiais mes idées morbides, et ma peur de la fausse couche.  « Tout le monde redoute la fausse couche » me répondit-elle ; ce qui ne me rassura qu’à moitié. 

    D’autant plus que les nausées se sont presque arrêtées du jour au lendemain…dès le lendemain de la séance d'acupuncture, je m'étais sentie mieux.

    Lundi, j’écrivais à la généraliste pour dire que les quelques moments de mini-nausées me rassuraient…j’avais peur de la fausse couche.

    Tout allait mieux.  On voyait enfin le bout du tunnel : moi, je retournais au travail, les enfants à l’école. Il ne restait que mon homme…

    Puis, vint le 2 novembre, jour de l’échographie.

    La veille, j’exprime mes peurs à un ami en visite à la maison.  Je lui confie avoir eu des idées morbides et avoir peur de cette échographie, alors que je n’ai jamais eu peur d’aucune échographie…

    Je me souviens de mon anxiété qui accroissait à mesure que le rv approchait.

    Puis, cette question de l’échographiste, les yeux rivés sur l’écran:  « Tiens, vous êtes à combien de semaines, dites-vous ? »

    -        11 SA je crois.  mais je n’avais pas noté les dates de mon cycle, donc, c’est sur base d’une présomption.

    -        D’après le papier ici, c’est 12 SA.  Mais ce n’est possible.  C’est moins que cela vu la taille du bébé…

    [silence]

    -        Mais, je ne perçois pas de cœur.  Je vais devoir faire une échographie par en-dessous. »

    Et là, le stress est total.  Je serre la main de mon chéri…la vie est ralentie.

    Et le verdict tombe : « non, je ne perçois pas de battement cardiaque.  Je suis désolé. » « Le bébé a cessé d’évoluer vers 8 semaines »

    La nouvelle tombe. Un monde s’effondre.  Un projet, des espoirs, un avenir sont anéantis en une seule phrase.

     ***

    La réalité devient irréelle.  C’est tout.  C’est comme ça ?  J’avais un bébé dans mon ventre. On fait une photo. Puis, la vérité tombe, je n’aurai pas de bébé ?

    Ce fut un choc terrible.  Mon homme demanda plusieurs fois si c’était certain.

    La consultation est rapidement expédiée.  Le médecin aura fait preuve de compassion, certes mais que la salle me semble froide, sans fenêtre, sans bureau, si petite, que la consultation qui n’a plus de raison de durer est alors vite expédiée, nous sommes congédié-es et prié-es d’attendre dans la salle d’attente, une femme enceinte sort des toilettes avec un ventre joliment rond.  Cela semble si inapproprié de pleurer. La secrétaire nous demande de payer…la réalité semble irréelle.

    Nous sommes abasourdi-es.  Sous le choc.  Dans la voiture, les larmes montent.  Chez l’une comme chez l’autre…

    « On a été heureux.  Ce bébé nous a rendus heureux.  Je me souviens comme j’ai été heureux quand tu m’as annoncé que tu étais enceinte !   »

    De retour à la maison, j’appelle M., notre sf (Aline ayant cessé ses activités de sf). Je semble calme et peu atteinte mais au moment de laisser un message sur le répondeur de M., j’éclate en sanglot, comme si le fait de prononcer les mots rendait la réalité réelle...  Nous décidons de nous promener dans les bois.  Juste avant de partir, M.  me rappelle et m’explique ce qui va se passer.  J’explique que j’irai sans doute travailler le lendemain.  M. est interloquée.  « Mais pourquoi ? »

    Ce bébé est resté dans mon ventre durant 3 semaines sans le moindre signe.  Certes, la semaine précédente, j’avais eu quelques pertes de sang, mais elles étaient dues à des irritations superficielles dans le vagin….  J’apprends que souvent, l’annonce de la nouvelle provoque un facteur psychologique qui déclenche le processus d’expulsion du bébé.  Dès mon retour à la maison, je sens que j’ai mal au ventre…M. me conseille de ne pas aller travailler afin de ne pas « faire comme si de rien était ».  Maintenant, il faut que le bébé sorte.  A nous de décider de ce que l’on veut.  Mon homme a peur, il a peur de ne pas savoir quoi faire le moment venu, il préférerait que je sois prise en charge par l’hôpital (ça, c’est son souhait spontané).  Moi, je ne veux pas aller à l’hôpital.  « Je n’ai pas accouché à l’hôpital, je ne vais pas y aller pour une fausse couche (fc) non plus » me dis-je.

    M. semble de ne trop savoir comment cela se passe comme si elle n’avait jamais été confrontée à une fc : combien de temps puis-je laisser faire mon corps ?      « Je ne sais pas, je dois vérifier. Si tu continues à saigner, si tu saignes non stop, tu vas à l’hôpital.  Ne te mets pas en danger, Den.  Si tu te sens patraque, tu vas à l’hôpital, et ce n’est pas toi qui conduis. Tu vas avoir des petites contractions.  C’est un mini-accouchement, Den.  Ménage-toi.  »

    Le lendemain, mon homme a rv chez la généraliste-acupunctrice.  Nous nous y rendons à 2.  Et nous racontons l’échographie de la veille.  A son tour, elle explique ce qui devrait se passer.  Elle semble surprise.  C’est que ma sf ne m’a pas rencontrée.  Elle m’a laissée en plan en fait (juste des explications au téléphone).  Je n’ai pas de gynécologue.  Elle réalise que c’est donc d’elle que j’attends des explications.

    Or, ses explications contredisent celles de M.  Cette dernière a lu qu’au Pays-Bas et au Royaume-Uni, on laisse de 1 à 2 semaines après la nouvelle de la fc pour que la maman puisse faire sortir le bébé de manière naturelle.  La généraliste donne 1 semaine à 10 jours.

    En gros : Je devrais avoir des règles, et un mal de ventre comme lors de règles douloureuses.  Ce ne sont que des règles.  Le sang va couler d’abord un peu puis le flux sera plus abondant pour ensuite se tarir (M. disait que le sang ne devait pas couler non stop).  Comme des règles, cela devrait durer 2-3 jours.  Je ne vais sans doute rien voir. Il y aura de gros caillots de sang.  Ce n’était pas un bébé.  C’était un embryon. Voire même un œuf blanc.  On ne peut pas dire que c’était un bébé.  Le docteur n’a pas entendu de cœur.  La seule chose qui permet de dire si c’est un bébé viable, à cet âge-là, c’est la perception d’un cœur.  S’il n’y avait pas d’activité cardiaque, c’est que ce n’était pas un bébé viable…C’est très dur ; ce n’est pas gai, mais c’est ainsi.  Ce n’est pas grave. Nous avons déjà 2 enfants…Il faudra faire une échographie après pour s’assurer que tout est sorti.  Et aussi une prise de sang pour vérifier qu’il n’y a plus d’hormone de grossesse.  Elle laisse la nature faire jusque 10 jours, soit le mercredi suivant.  Après mercredi prochain (soit hier), si rien ne s’est passé, il conviendra de mettre un médicament (un ovule) comme dans les cas d’avortement pour provoquer l’expulsion.

    Blabla.

    Elle préfère mettre en congé quand le sang a fini de couler.  Mais ne fait aucune complication pour accéder à ma demande et me donner la semaine en cours en congé maladie.  J’ai la conviction que mon bébé va sortir jeudi et vendredi.  Et je suis d’accord avec M. qui m’avait invitée à me concentrer sur cet événement plutôt que de vouloir faire comme si de rien n’était.  Et pour le lundi qui vient ?  Je lui réponds qu’on verra et que je la tiens au courant.

    La consultation dure longtemps.  Mon homme qui la découvre est content de cette consultation.  Moi aussi, je suis trouve qu’elle a bien réagi.  J’ai juste été interpellée quand elle m’a fait la morale et m’a enjointe de ne pas exagérer et victimiser face à mes problèmes au travail, ma cheffe n’étant pas volontairement malveillante.  J’ai un sentiment de révolte quand elle dit cela mais sur le moment-même, je suis trop surprise par sa réaction.

    En fait, après coup, je trouve son raisonnement erroné, ce n’est pas parce que je ne suis pas victime de harcèlement moral que ma cheffe n’est pas intentionnellement malveillante. N’ai-je pas le droit d’être méfiante ou de me plaindre de mon travail sous prétexte que je ne suis pas harcelée moralement au travail ?  Je trouve le raisonnement bien court.

    Et on s’en contrefiche en fait que mon bébé n’était qu’un embryon non viable selon la médecine.  Et non, je n’ai pas rien vu.  Et non, accoucher d’un petit être de quelques semaines ce n’est pas juste avoir ses règles et évacuer l’endomètre. 

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  • Commentaires

    1
    Anaïs
    Samedi 21 Novembre 2015 à 22:25

    Bonjour Den,

    Ce petit mot pour vous envoyer mon soutien, je lis votre blog depuis que je suis maman (5ans bientôt).

    J'ai moi même vécu une fausse couche précoce pour ma 1ère grossesse et vous verrez que autour de vous c'est qqchose de très fréquent qui a touché de nombreuses femmes.

    Malgré tout, çela peut être très difficile et il faut parfois du temps pour récupérer, et non ce n'est pas comme des règles, certainement pas.

    Souvent le corps médical ignore ou minimise la souffrance que ca peut engendrer vu la fréquence de ces fausses couches autour de 8 semaines.

    Prenez soin de vous.

     

    2
    m'fi
    Samedi 21 Novembre 2015 à 22:26

    Je suis sincèrement désolé de te lire...

    On pense bien fort à vous après cette bien mauvaise nouvelle.

    A bientôt,

    3
    Lundi 23 Novembre 2015 à 21:34

    Merci pour vos messages.  En fait, j'ai été très étonnée de voir cette série d'articles publiés, il me semblait avoir mis une 1/2 heure pour changer les paramètres et ne pas les publier.  Il s'agit de 1er jet et les textes mériteraient d'être modifiés par endroits.  De plus, j'avais changé d'avis et ne voulais plus partager ces sentiments. Il y a une suite, je ne suis pas certaine de la publier.

    Vos messages m'ont donc surprise.  Merci de les avoir écrits.

    J'ai traversé un moment dur le we dernier (pas celui qui vient de passer), en raison de mots entendus qui m'ont terriblement blessée, notamment une question pour savoir si "ce bébé, il était désiré", et d'autres perles...Depuis que je me suis remise de cette conversation, et que j'accepte que les autres ne comprennent pas, cela va mieux.

    J'ai surtout eu le soutien de la maman de M. dont mon fils parle dans un des dessins que j'ai publié dans un autre post, et d'une autre maman ayant également vécu une fausse couche et qui m'a soutenue grâce à un coup de fil et quelques mails.  J'ai aussi été soutenue par l'empathie de Josiane Laurent lors de la consultation et un gentil sms d'Aline, notre ancienne sf. Il suffit parfois d'une conversation ou d'un sms pour sentir empathie et reconnaissance de la souffrance...Cela ne soulage pas, certes, mais reconnaître le drame et la tristesse de la famille - ce qui a l'air facile, pourtant, ce n'est pas donné à tout le monde - est un cadeau énorme en soi.

    Anaïs, j'ai souvent lu que ce n'était pas parce que c'était banal que la fc en était anodine.  Je n'aurais pas compris tout le sens de cette phrase avant ma fc mais depuis, j'ai l'impression d'avoir découvert un autre univers: celui de cette souffrance niée, tue, minimisée.

    Après ma fc, j'ai eu envie de le dire à la terre entière, de crier ma tristesse.  Mais devant la réaction des gens, j'ai compris pourquoi les autres femmes avant moi se taisaient.  C'est tellement l'incompréhension, le déni que la réaction des autres peut terriblement blesser.  D'où cette défense qui consiste à taire la douleur, et l'événement.  De le penser, de l'écrire, je suis ahurie de ce fait: taire une douleur en raison de l'absence de reconnaissance de la part des autres.  C'est tellement pas (je n'ai pas de mot)...bref, cela m'a révoltée.  Certes, ceci dit, lorsqu'une femme a vécu cela, souvent, elle n'est pas en mesure de "lutter" contre ce constat.  D'où ce silence qui persiste.

    4
    Lundi 23 Novembre 2015 à 21:52

    Je viens de comprendre, j'avais supprimé la publication des premiers billets mais pas de la suite. Du coup, j'ai tout republié.  Je reviendrai sur ces textes plus tard pour les rajouts auxquels j'ai pensé depuis.

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