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24 février 2014 - Retour sur la commercialisation des fromages de brebis du Chant des Cailles
Ces temps-ci, les réunions se multiplient sans se ressembler. Le Chant des Cailles nous mobilise beaucoup de temps et d'énergie, ainsi que tout ce qui gravite autour du Chant des Cailles: les constructions de nouveaux logements sur le champ ainsi que sur d'autres sites aux alentours; la commercialisation en 2014 des fromages de brebis, de légumes, d'herbes médicinales, le quartier durable Logis-Floréal né dans le sillon du Chant des Cailles...Autant dire qu'en ce moment, nos soirées ressemblent à des marathons de réunions. Pourtant, c'est chaque fois avec beaucoup de plaisir que nous nous rendons, soit l'un soit l'autre, soit ensemble, à l'une de ces réunions, tant l'énergie, l'enthousiasme qui s'en dégagent nous nourrissent et nous apportent espoir.
Le lundi 10 février, c'était le pôle élevage qui inaugurait les explications sur son plan de commercialisation des fromages de brebis.
La petite salle de la maison de quartier était comble. Antoine et Jérémy se réjouissaient de ce petit monde venu en nombre -une bonne vingtaine de personnes motivées - pour écouter leurs propositions pour la commercialisation des fromages de brebis issus de l'unique élevage de moutons professionnel bruxellois.
Première accroche:
combien de lait une vache produit-elle?
7000 litres/an
tant la vache avec pesticide que la vache bio.
La vache peut produire quasiment 11 mois /anCombien de lait produit une brebis?
3000 litres/an
La brebis produit 6 mois.Autrement dit, une vache ≈ 6/7 moutons.
Par contre:
Combien de fromage frais peut-on produire avec 1 litre de lait de vache?
100 gr.
Combien de fromage frais peut-on produire avec 1 litre de brebis?
300 gr.
Tableau récapitulatif
Vache
Bio ou nonBrebis du Chant des Cailles quantité de lait par an 7000 L 300 L quantité de fromage frais produit à partir d'1 L de lait 100 gr 300 gr durée de traite de l'animal 11 mois 6 mois Les
Les éleveurs disposent d'une superficie (la fromagerie se trouve officiellement au Couvent Saint-Anne; mais au retour des beaux jours, nous espérons bien revoir les moutons sur le champ!) permettant d'augmenter leur troupeau à 30 brebis, des laitières belges, choix qui dénote également d'une volonté de favoriser cette race locale menacée (quelques infos sur cette race: ici ou ici) Pour 2014, ils auront 18 femelles. Elles devraient produire 3240 litres, ce qui permettrait, théoriquement, de fabriquer 1000 kg de fromage frais (théoriquement, car les éleveurs et fromagers visent à produire d'autres variétés de fromage, et non exclusivement du frais).
Cette année 2013, ils ont utilisé un moule censé produire un fromage de 100 gr. Dans la réalité, les ronds de fromage étaient plutôt de 80 gr.
S'ils vendent le fromage frais à 2,2 euros, soit 30 euros/kg, ils obtiendront 30.000 euros, dont il convient de soustraire les frais.
Petit tableau explicatif
+ 30.000 euros total du prix de vente des fromages - 8.000 euros frais: vétérinaire, alimentation, autorisation AFSCA, administration, etc. sous-total:
+ 22.000 eurosbrut : 2 à diviser par deux puisqu'ils sont deux à travailler officiellement (Jérémy et Antoine) sous-total
+ 11.000 euros- 40%
précompte professionnel, taxes en tant qu'indépendant total:
66.000 euros / ansoit 550 euros/mois/personne
Dans leur revenu, pourront se rajouter éventuellement 5000 euros pour la viande d'agneau (sa commercialisation impliquant des frais pour l'abattage et la vente); ainsi que 2000 euros pour les jus de pommes, la bouteille d'1 L étant vendue 3 euros, pour 1 euro de frais.
La 1ère année, ils comptent sur 324 L de lait. En 2 ans, cette quantité peut être doublée, de sorte à doubler le chiffre d'affaire lequel avoisinerait les 70.000 euros par an.Pour quelle charge de travail?
1h30 de traite x 2 pour 2 traites/jour par personne x2 = 42 heures pour la traite pour les 2 bergers
12 h élevage, soin des animaux, achat de matériel, tonte, taille des ongles
8 h de travail administratif (communication, événement, comptabilité, etc.)
24 h pour la commercialisation: vente/livraison/marché
Total: 86 heures / semaine pour 2 personnes (avec une charge de travail certainement sous-évaluée)
Soit 43 heures/semaine/personne
Antoine et Jérémy travaillent tous les deux par ailleurs, Antoine est passé à mi-temps chez Le début des Haricots, boulot qu'il souhaite conserver parce qu'il aime ce travail mais aussi par sécurité, Jérémy, lui, est graphiste. Ils envisagent un mi-temps chacun comme éleveur-fromager, sachant qu'un temps plein agricole = 60 heures/semaine, un mi-temps = 30 heures / semaine.
En 2016, ils escomptent pouvoir bénéficier d'un salaire de 1000 euros/net/mois pour un mi-temps. D'après les calculs, ils en sont à 43 heures de travail/semaine.
Alors, quelle solution pour augmenter le revenu horaire?
- diminuer le temps de travail/l'efficacité ex: diminuer le nombre de traite, effectuer non 2 traites par jour mais 1 traite par jour
- augmenter la productivité (mais la taille du terrain diminue la possibilité d'augmenter le troupeau au-delà de 30 brebis
- augmenter le prix
Le prix juste est estimé à 2,30 euros pour les 80 gr -> 28,75 euros/kg
A priori, tous les fromages seraient au même prix, pour des raisons évidentes de facilité de gestion de la caisse et de la comptabilité. Le but à ne pas perdre de vue étant la simplicité. Or de simplicité, nos deux lascars s'en éloignent avec leur proposition de 3 catégories de prix pour le fromage de 80gr
- prix normal: 2,30 euros/80 gr
- prix "social" pour les clients moins nantis: 10 euros/kg en moins, soit 1,80 euros/80 gr
- prix solidaire avec les bergers: 10 euros/kg en plus, soit 3,10 euros/80 gr
L'effet de cette proposition a fait l'effet d'une bombe. Comment allez-vous vous en sortir en pratique? Où est la simplicité pour vous? Avant d'être solidaires - démarche très très louable - avec les plus faibles, pensez d'abord à être solidaires avec vous-mêmes en garantissant à votre entreprise de tenir et non pas de déposer le bilan rapidement, etc. Le système est compliqué, etc. Il semble donc que cette formule à trois prix sera revue et corrigée avec comme ligne de conduite la simplicité et l'équité, surtout envers eux-mêmes mais également, dans la mesure du possible avec les plus pauvres (système permettant aux gens de payer plus cher, et donc de donner en fromage l'équivalent de la somme ainsi récoltée dans un restaurant social, par exemple).
Evidemment, lorsque l'on parle de simplicité, vient la question épineuse du mode de vente.
Quelles sont les options de commercialisation?
- Gasap
- Marché
- commande
- La Ruche qui dit oui! [ à la télé, sur RTL ici]
- des magasins comme Chez Josy, le Triporteur, Le Pays de l'Epeautre (des magasins bios du coin)
Avec cette contrainte:
En ayant l'autorisation de l'AFSCA et non l'agrément, les bergers peuvent passer par un intermédiaire pour maximum 30 % de leurs produits.
S'ensuit l'évocation (pas de discussion sur ce ridicule, cela aurait tué le débat sur l'objet de la réunion, à savoir la commercialisation des fromages) de cette polémique ridiculisant au possible l'administration qui semble tendre vers une interprétation des GASAP comme intermédiaire (alors que l'essence même des GASAP est de passer du producteur en direct avec les consommateurs ; les citoyens payant à l'avance pour une année garantissant un revenu pour le producteur - chaque partie s'engageant à respecter une Charte, etc.)La voie des GASAP est rapidement écartée pour des raisons de fonctionnement des GASAP, aussi parce que le parmi le public présent ce soir-là, 1 puis plus tard, 2 personnes seulement sont membres d'un GASAP.
Du coup, vient la solution de l'abonnement (mini-gasap propre au fromage du Chant des Cailles). Et se dégage une solution pour un panier de 2 fromages pour 6 mois, d'avril à septembre, à 120 euros/6 mois. 2 fromages à choisir en exclusivité sur le champ des Cailles le dimanche.
S'ensuit une série de questions, comme celle des vacances, des paniers suspendus pendant les vacances, des personnes qui ne veulent pas d'un panier entier mais voudraient le partager, etc. etc.
Quant aux marchés envisagés, ce sont ceux du Chant des Cailles le dimanche ainsi le mini-marché qui sera mis en place par les motivés (dont nous sommes ) de Quartier durable Logis-Floréal. Le marché de Boitsfort étant déjà occupé par d'autres fromagers, dont celui qui a formé Jérémy et qui a clairement signifié que leur concurrence signerait sa faillite. Donc, cette option-là a déjà été écartée. Les autres marchés sur d'autres communes impliqueraient des frais pour vendre. De plus, le grand désavantage des marchés est le nombre d'heures passé es consacrées à la vente en échange d'une incertitude quant aux recettes du jour.
Nourris par nos réflexions, Antoine et Jérémy réfléchissent maintenant à une formule facile pour eux et pour nous afin de commercialiser leur fromage à un prix décent. Réflexion interrompue ces temps-ci par les naissances successives qui se déroulent dans leur troupeau. En ce moment d'agnelage, les moutons reçoivent la visite d'un berger tous les soirs à minuit et tous les matins à 6h!
Que retenir de cette soirée?
Jérémy et Antoine sont passionnés. Ils travaillent tous les deux comme des acharnés pour que leur commerce démarre et ensuite, pour qu'il tienne le coup financièrement. Lorsque l'on prend conscience de l'énergie et du temps nécessaires à leur activité, je suis admirative de cette aventure folle qu'ils osent entreprendre. Ils parient également sur la solidarité des personnes, soucieuses de consommer local et frais, et partant, de témoigner de solidarité avec cette relocalisation de l'agriculture urbaine.
Au sein du Chant des Cailles, certaines personnes opposent les jardiniers du Chant des Cailles qui seraient des citoyens défendant une initiative citoyenne, avec les pôles maraîchage et élevage, sous prétexte que ces derniers auraient une vocation commerciale. Une meilleure prise en compte de la réalité permettrait à ces personnes de réaliser combien le lancement commercial du maraîchage (le compte-rendu de leur soirée d'information suit) et de l'élevage relève avant tout d'un acte citoyen de la part des 2 éleveurs-fromagers et des 6 maraîchers. Les premiers travailleront comme des forcenés pour, si ne survient aucun imprévu (ce qui n'est déjà pas le cas, deux agneaux nés prématurément sont morts la semaine dernière), pour une somme qui, si tout va bien, atteindrait difficilement 500 euros. Les seconds travailleront en 2014, comme ils ont travaillé en 2013, de manière totalement bénévole. Perdre de vue ces éléments financiers, ces engagements citoyens de la part de ces jeunes qui quittent un bureau aseptisé pour la terre, c'est se fourvoyer totalement sur le sens de leurs actions.
***
Je dédie ce compte-rendu,
qui, à l'image de tous mes comptes-rendus, est partiel et partial,
tout spécialement à M-P.***
Invitation d'Antoine à la soirée d'informations:
Bonjour à toutes et à tous,
Les travaux dans la fromagerie du couvent Sainte Anne ont bien commencé: déblayage, égouttage, plomberie, électricité,... ça avance bien même si le gros du travail reste encore à faire!
En tout cas, le financement via crowdfunding a complètement dépassé nos espérances (voir growfunding.be) ! Nous avons récolté l'argent nécessaire en 5 jours! Merci à tous pour votre soutien! Nous sommes dans l'attente d'un devis de Carodec pour savoir si cet argent suffira ou pas à financer l'ensemble des travaux.
En attendant de pouvoir commencer à faire du fromage (normalement à partir du mois d'avril), nous réfléchissons déjà aux moyens de commercialisation, aux prix, aux lieux de vente,...
Mais nous ne voulons pas réfléchir seuls dans notre coin! Nous avons envie de partager cette réflexion avec ceux qui désireront manger du fromage de brebis avec nous!
Vous êtes donc les bienvenus pour participer à une réunion de réflexion sur la commercialisation des fromages le lundi 10 février 2014 à 19H à la maison de quartier (avenue des Archiducs,52).
Voici déjà quelques points qui seront abordés:
- Présentation du plan financier du pôle élevage
- Trouver un prix juste pour les producteurs et accessible à tous les consommateurs
- Méthodes de ventes (panier de fromages, engagement sur plusieurs mois, marchés, épiceries locales, restos,...)
- Fréquence des ventes, quel jour, quel lieu?
- Taille d'un panier de fromage (quelle consommation hebdomadaire de fromage?)
- Fournir des GASAP existants et pourquoi pas, organisation d'un nouveau GASAP? (pour plus d'infos voir www.gasap.be)
Afin de pouvoir préparer au mieux cette soirée, merci de nous prévenir de votre présence en répondant à cet email SVP.
A tout bientôt
Jamina, Jérémy et Antoine
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Tags : brebis, fromage, Antoine, Jérémy, berger, fromager, laitères belges, juste prix, solidarité, équité, citoyen
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