-
14 mai '14 - Isabelle Filliozat pour une parentalité positive, à Bruxelles le 8 mai
Soyez OR-GA-NI-SE-E ! Trop facile! Ce soir, c'est ma maman qui vient garder les enfants. Heu, à quelle heure? Vers 18h, dans ces eaux-là. On doit partir à quelle heure, heu, 19h. Dans ces eaux-là. Tranquille. On va manger et attendre calmement l'arrivée de maman. 18h30, je propose à une amie de venir avec nous puisque nous décidons de prendre la voiture, mon homme m'a certifié que ce sera plus rapide que d'attendre les métros, puisqu'il pleut des cordes en plus et que nous sommes à la bourre pour être là-bas à 19h30.
18h35, notre amie nous apprend que la conférence commence à 19h! Panique. Ma mère n'est pas encore là. Je n'ai pas encore mangé!
Bref, vous le lisez, ma soirée commence bien...Stress total. Voiture. Embouteillage. Parking à Arts-Loi et fin du trajet en métro. Vive la voiture! (ça, c'était l'auto-flagellation dans la rubrique: faites ce que je dis, pas ce que je fait; voir ici: la Belge n'est pas dans le trafic, il est le trafic)
Bref...Nous arrivons avec 40 minutes de retard. Et là, surprise dès l'entrée, Isabelle (je vais l'appeler ainsi, non pas parce que je suis familière avec elle, mais pour le simple plaisir de la nommer par son prénom) est tranquillement assise à dédicacer des livres. Ouf. Premier soulagement. La conférence n'a pas encore démarré. Le temps de retrouver les copines, de chercher Aurore, de visiter les sanitaires, nous voilà assis: 4 femmes, 1 homme (le mien). Une des organisatrices prend la parole. Émue. Elle n'a pas l'habitude de parler devant 300 personnes, précise-t-elle. Nous sommes donc largement 300 personnes (puisqu'il y a des retardataires).
En parlant de retardataires, tiens, voilà, Aurore! Oh, quelle surprise! Elle, d'habitude extrêmement ponctuelle! Elle qui doit bien être celle qui a dû fouler le moins de mètres pour arriver jusqu'à bon port, elle débarque après nous. Hihi, encore un problème d'OR-GA-NI-SA-TION! Ok, j'arrête avec cette blague pas drôle 1
Isabelle prend enfin la parole. Première mise au point. Il y a beaucoup de femmes enceintes. Beaucoup de nourrissons. Oui, c'est vrai, le nombre de bambins en porte-bébé est impressionnant. Même à la conférence d'Isabelle Brabant, les nouveaux et nouvelles né-es n'étaient que 3. Ici, les 10 doigts de la main ne suffisent pas.
Isabelle manipule son I-pod, sa tablette, enfin, ce truc qui lui sert de téléphone. Et elle l'éteint devant nous. Héhé. Merci Isabelle! Et elle de préciser de l'éteindre ou de mettre notre téléphone sur le mode avion. Bref, sans onde. Car le mode silencieux ne protègerait pas toutes les femmes enceintes ni les bébés présents. Merci Isabelle d'avoir sensibilisé le public en 3 phrases sur la nocivité des ondes GSM (plus d'infos, voir ici ou ici).
La voilà qui aborde son sujet. En fait, quel est-il? Ah, oui, la parentalité positive. En fait, on vient surtout écouter Fillioziat nous parler éducation, peu importe, au final, l'intitulé de la conférence.
Les émotions...Il y a celles de nos enfants. Il y a les nôtres. Comment faire pour concilier les deux? J'éclate de rire: "Avant d'avoir un parent, nous sommes tous d'excellents parents!" clame Isabelle. Et celle-ci de citer ces parents parfaits : " nous, quand nous serons parents, nous ..." A vous de choisir: "nous ne laisserons jamais notre enfant faire une telle crise", "nous ne permettrons pas à notre enfant de faire ça ou ça", "nous obligerons notre enfant à ..." Inutile d'expliquer davantage. Nous avons tous connu cela, soit nous-mêmes avant de devenir parents, soit d'une tierce personne sans enfant qui s'est permis un commentaire.
Ensuite, Isabelle annonce d'emblée la couleur. Il n'y aura pas de séance de questions-réponses. Parce que ce sont toujours les plus courageux, ou les moins timides, qui osent prendre la parole. Du coup, toute la conférence se tiendra sous forme de questions-réponses. Jusque là, ok. Puis, là, surprise! La salle semble avoir reçu un coup de cloche. Isabelle nous invite à nous regrouper par 6 et d'élaborer en 7 minutes chrono, 1 question (pas 2 ni 3, UNE) avec indication de l'âge des enfants et d'autres précisions si elles sont pertinentes (fille/garçon). L'oratrice recommande de choisir une question qui intéressera les autres.
J'adore! Devant un public de 300 personnes, elle ose les inviter à se rencontrer, elle ose initier des rencontres entre parfait-es inconnu-es venu-es a priori uniquement pour l'écouter. Elle permet à ce que son public en vienne à échanger en petit groupe sur ses préoccupations éducatives du moment. Sa proposition me rappelle tout de suite Thiagi. Vous connaissez Thiagi ? Ses jeux-cadres2 m'inspirent beaucoup lorsque je suis amenée à enseigner ou à dispenser une formation (parce que, si, si, il m'arrive de faire autre chose que de glan(d)er sur internet).
Les questions sont récoltées et atterrissent dans deux boîtes. Isabelle tire au sort une question dans une boîte.
Autant prévenir, les questions ne sont que prétexte pour aborder les thèmes qu'Isabelle a l'habitude de développer en long et en large dans ses livres et lors de ses interviews. Ici, contrairement à l'adage, ce ne sont pas tant les questions qui sont intéressantes que les réponses et les pistes proposées par Isabelle. Et un étonnement de ma part: autant à l'écrit, les filles sont prises en compte, autant à l'oral, cette prise en considération dans les exemples ne m'a pas sauté aux oreilles.
En bleu ci-après ce qui relève, selon moi, d'un résumé des propos tenus par Isabelle.1ère question: comment gérer les rivalités/compétitions entre frère et sœur - 6 et 3 ans?
Ha oui, question classique. Comment réagir quand mes enfants se disputent LA voiture rouge, LE livre, quand ils veulent tous les deux être le/la premier-ère à recevoir leur assiette remplie ?
On voudrait que nos enfants s'aiment, qu'ils ne se disputent pas. Mais cela ne se passe ainsi dans la réalité. Arrive toujours un moment où les enfants se chamaillent, se disputent. Comment faire pour canaliser cette énergie, développer les qualités favorables pour l'intelligence sociale et profiter de la présence du frère ou de la soeur pour éduquer?
1ère étape: respirer. Marquer un temps d'arrêt. Je respire. Dans certains de ses livres, elle recommande d'aller aux toilettes. Ayant appris ce truc, mon homme s'était un jour exclamé: "ha, c'est pour ça que tu t'enfuis toujours quand surgit la crise?" "Non, je n'avais pas retenu cette recommandation, c'est parce que j'ai souvent vraiment besoin d'aller aux toilettes" Ceci dit, à bien y réfléchir, peut-être que mon besoin est moins lié à ce qu'on y fait que le besoin de me retrouver seule avant de m'occuper de la situation qui nécessite mon intervention...
2ème étape: me questionner. Pour quelle raison sont-ils en rivalité?
On désigne souvent la jalousie. Avec notre tendance adulto-centrique (ça se dit, ce mot?), on croit que c'est par rapport à nous, que les enfants sont jaloux par rapport à nous, parents. Or, le monde des rivalités entre frères et sœurs s'étend au-delà du paysage des parents. Il ne se résume pas à la jalousie. Celle-ci n'est pas la cause de toutes les rivalités dans les fratries.
Ainsi, il peut arriver qu'un enfant désire le jouet de l'autre pour une raison physiologique. Nous sommes tous dotés de neurones miroirs. Quand un enfant voit un autre enfant jouer avec un objet, il éprouve les mêmes sensations que l'enfant qui joue. Du coup, il veut que la situation corresponde à ce qu'il éprouve. Il ne veut pas tant l'objet pour ce qu'il est, mais il désire l'objet qui lui procure la sensation qu'il éprouve lorsqu'il voit un-e autre enfant jouer avec cet objet. Vous saisissez la nuance?
L'adulte dira: "tu veux toujours ce que veut ton frère!" Ben, oui.
De plus, le grand frère est un dieu à imiter. Le petit frère ou la petite sœur souhaite faire comme son grand frère. Quant au grand, il possède également des neurones miroirs. Or, il arrive que trop de contacts avec des petits le mettent dans une position inconfortable, parce qu'il éprouve les sensations de petits alors que son souhait à lui est d'être grand.
Donc, lorsque surgit une dispute entre frère et soeur, rapidement identifier s'il est question de jalousie ou si le noeud réside pas plutôt dans les effets des neurones miroir. Dans ce dernier cas, si les enfants sont suffisamment grands, il convient d'expliquer ce qui se joue. Si les enfants sont trop petits, Isabelle préconise d'intervenir. Pas dans le sens de "toi, tu prends cela, et toi, tu prends ceci." Mais intervenir pour changer d’atmosphère: "je vais jouer avec vous". Exemple: on va jouer sur le lit, mais pas tous en même temps. Chacun son tour. Pendant ce temps-là, l'autre reçoit une mission, tenir le chrono par exemple. Isabelle évoque le bouquin qu'elle a parlé dans une émission de "La vie du bon côté" (quand j'allais chercher mon fils à 3 heures, je tombais sur cette émission radio dans la voiture) que j'aimerais lire un jour: Qui veut jouer avec moi? de Lawrence Cohen.
Une autre piste concerne la question de territoire. Comment apprendre aux grands à faire respecter ses limites? Quand le petit frère vient l'asticoter et réclame de jouer avec lui, intervenir en demandant: "ce que ton frère veut, à ton avis, c'est quoi?" et "Qu'est-ce que tu serais prêt à faire avec lui?". Il s'agit d'enseigner aux enfants à parler, à échanger, à identifier ce dont ils ont besoin et dont les autres ont besoin. Bref, à communiquer, je dirais.
Ok ok. Je comprends le concept. Mais...Mais si on n'a pas envie de jouer avec avec ses enfants au moment où ils se chamaillent. Exemple (tout à fait hypothétique, n'est-ce pas?) Si je suis en train de préparer le repas du soir, pour lequel je suis déjà complètement en retard, parce qu'il est déjà 19h et que j'aimerais qu'ils soient au lit théoriquement à 19h mais au pire à 20h, si je suis moi-même fatiguée et si je n'ai qu'une envie, c'est qu'ils mangent, qu'ils fassent leur toilette puis qu'ils aillent au lit, comment je fais?
Que j'aimerais qu'Isabelle soit là lorsque mes enfants se chamaillent, histoire de la voir à l’œuvre avec mes enfants.
Ah, que ce désir est encore plus pressent quand Isabelle lit la deuxième question.
2ème question: comment asseoir l'autorité parentale d'égal en égal avec un enfant de 5 ans?
Quelle question bizarre! s'exclame Isabelle. D'abord, on parle d'autorité. Qui dit autorité dit hiérarchie. Et cette question: comment l'asseoir? Et dans la même phrase, on parle d'égal à égal.
En tant que parents, nous sommes toutes et tous des figures d'autorité. Nous incarnons déjà une autorité pour nos enfants. Nous ne sommes donc pas d'égal à égal. Nous sommes égaux à nos enfants en ce que, comme eux, nous sommes humains, mais l'enfant n'est pas l'égal des parents. Ici, dit Isabelle, j'ai une certaine autorité sur vous, je suis sur un podium et vous êtes venus pour m'écouter.
Dès le matin, les ordres fusent: "tu te lèves, tu t'habilles, tu te brosses les dents, tu prends ton petit-déj', tu prends ton sac de sport, puis on y va".
Quand on revient, on voit que l'enfant ne s'est pas levé, ou s'il s'est levé, il n'a enfilé qu'une chaussette. L'enfant ne brave pas l'autorité parentale. Lui dire, lui répéter ou crier "habille-toi" ne va pas asseoir l'autorité parentale car le problème ne s'inscrit pas dans une question d'autorité. Le cerveau d'un enfant de 5 ans a besoin d'être activé constamment. Au lieu de donner une rafale d'ordres, plus pertinent serait le parent qui intervient régulièrement par des :" slip", "chaussette", "pantalon", etc.
Quand nous accusons un problème d'autorité, il est souvent davantage question d'un ordre inapproprié à l'âge de l'enfant. ex: range tes jouets; ne pas traverser.
3ème question: [ je n'ai pas noté la question mais en gros, voici l'idée] comment faire pour qu'un enfant reste couché quand on le change?
L'âge n'est pas précisé mais, au vu du rire que déclenche cette question, c'est que tous les parents sont confrontés à cette problématique. A partir du moment où tous les enfants ont le même comportement à un certain âge, il peut être pertinent de se demander si ce comportement n'est pas normal.
C'est souvent vers 1 an, quand l'enfant sait se tenir debout. Il a envie d'être debout. Il vient de découvrir la position debout. L'obliger à se maintenir couché, c'est pour lui, le mettre dans une position où il est sans pouvoir. Il convient de lui permettre de se mettre debout et de lui assigner une tâche pendant que je le change ainsi. "Et maintenant, tu lèves la jambe".
4ème question: [ je n'ai pas noté la question mais en gros, voici l'idée] comment donner le cadre tout en appliquant une éducation non -violente (ENV) - enfant de 2 ans?
Isabelle dit recevoir souvent cette question comme si cadre/les interdictions et ENV étaient contradictoires. C'est vrai que le cadre incite à la transgression, comme les interdictions ressemblent à des provocations envers l'enfant. Essayons, tiens. Vient le moment de l'exemple de la girafe, un classique: "Surtout ne pensez pas à girafe. Surtout, n'y pensez surtout pas". "Ah, je vous retiens, vous y avez pensé! Vous ne m'avez pas obéi!"
A deux ans, c'est certes la période du non, mais également des règles.
Si on dit: "Mets tes bottes", l'enfant pense: "zut, je vais encore devoir mettre mes sandales". Car l'enfant de 2 ans ne veut pas être soumis, il ne veut pas d'ordre. A deux ans, il est plus approprié de donner des choix: "quel temps il fait dehors? Il pleut? Qu'est-ce qu'on met quand il pleut" " Des bottes!".
Le cadre, en réalité, ce sont les règles de fonctionnement dans la famille. Trop souvent, on confond les limites avec les règles.
Bon, ça, c'est joli. Et théorique. Parce que dans la real life comme disent les jeunes, cela ne fonctionne pas chez moi. Je ne cesse de répéter à ma fille, 2 ans dans 9 jours, non pas :"tu ne dessines pas sur la table, ni par terre, ni sur la porte, ni sur ton visage, ni sur ton ventre " (ce qu'elle fait allègrement), mais " Si tu veux dessiner, c'est sur du papier" Et je lui donne du papier --> règle énoncée de manière positive. Ou l'autre version:
- Tu veux dessiner?
- Oui
- Ah, et où peux-tu dessiner?Pourquoi ma fille désobéit-elle quand même? Pourquoi malgré la répétition de la règle et la variation ("tu peux dessiner sur ce papier ou cet énorme papier, et même celui-là" [poster XXL sauvé de la benne devant une école]), pourquoi continue-t-elle malgré tout à dessiner sur la table, sur ses sourcils et son ventre? Où ai-je foiré?
5ème question: [ je n'ai pas noté la question mais en gros voici l'idée ] A 1,5 - 2 ans, elle demande une réponse immédiate sinon elle pique une crise. Comment faire? Exemple: Manon à sa maman : Maman, dessine-moi un escargot maintenant. Si la maman ne s'exécute pas tout de suite, Manon pique une crise.
Une enfant de 2 ans est dans le présent. Peut-être qu'elle est en train de dire "je pense à l'escargot". Un enfant fait une crise quand on lui refuse quelque chose, c'est réagir à un stress. La crise est une réaction à ce stress.
Elle se met dans l'image du plaisir que va lui procurer la scène de sa mère dessinant l'escargot. C'est une marque d'attachement. Pour elle, la marque d'attachement ne se résume pas à l'escargot mais au fait que la maman va s'arrêter, prendre le temps, répondre immédiatement à son envie et lui dessiner ce qu'elle demande.Quand l'enfant dit "maman, j'ai faim" "maman, donne-moi un gâteau", le "j'ai faim" peut signifier "joue avec moi", "montre-moi ton attention".
Le parent est un porte-avion, la base de sécurité. L'enfant est un avion. Elle prend du carburant sur le porte-avion. Quand son réservoir est suffisamment rempli, elle fait un tour.
Scène: l'enfant joue seul depuis un moment. La maman décide de profiter de ce calme pour téléphoner à son amie. Il suffit qu'elle s'asseye pour bavarder pour que l'enfant cesse de jouer et vienne réclamer quelque chose à sa mère. Qui n'a pas déjà répondu? "Moi, aussi, j'ai besoin de prendre soin de moi!"
Or l'enfant n'a pas besoin de comprendre que l'adulte éprouve ce besoin. Ce qu'il constate, lui, c'est que le porte-avion est déjà occupé, en l’occurrence, par une copine au téléphone, or il veut remplir son réservoir. Il a besoin d'attachement. La maman aurait intérêt à déposer le combiner et à consacrer quelques minutes à son enfant qui réclame que son réservoir soit rempli. A son amie, la mère dira: "tu permets, je reviens dans 5 minutes".
La crise en réalité se base sur un prétexte, ici, l'escargot que Manon demande à sa mère de dessiner. Face à un stress, trois attitudes sont possibles: attaquer, fuir, se figer. La crise, c'est une réponse à un stress.Il convient de distinguer la crise de rage de la colère. Cette dernière est dirigée, alors que la crise va dans tous les sens. L'amygdale du cerveau sonne l'alarme.
Isabelle projette cet extrait de documentaire concernant l'empreinte et l'attachement (extrait de L'Enfance, pas à pas, Arte, 2006) :
Suit cet autre extrait, au cours duquel j'ai versé quelques larmes, j'avoue.
L'attachement est une interaction permanente. L'enfant ne réclame pas son parent pour l'embêter. Il est vital pour l'enfant de répondre à une demande d'attachement, il est au service de ses propres besoins d'attachement, et non au service d'une mission qui aurait pour objectif d'ennuyer sa mère (ou le père, mais force est de constater que la figure d'attachement principale est, aujourd'hui, la mère. Même si ce fait change).
Et cette demande d'attachement n'est pas facile pour tous les parents. Ceux à qui, enfants, les parents n'ont pas répondu à leur propre demande d'attachement, ne disposent pas de la capacité de fournir une réponse adéquate. On a fait des tests sur des adultes qui entendent des enfants pleurer. Automatiquement, les adultes produisent de l'ocytocine, cette hormone de l'amour. Enfin, pas tous les adultes. Chez certains parents, c'est le circuit de stress qui s'allume. La zone lymphatique paralyse la pensée, empêche de prendre soin, empêche l'attachement. Ces parents sont des adultes qui, enfants, ont été rejetés, humiliés, ceux qui ont souffert et ont vécu dans le stress.
Ces parents qui s'énervent lorsque l'enfant est en demande d'attachement ne sont pas des mauvais parents. Ce sont des parents qui sont en état de stress, auquel trois solutions s'offrent à eux: attaquer, fuir ou se figer.
Il convient de les regarder avec un immense respect, une immense tendresse. Le regard est primordial. Et ce regard doit être non-jugeant. Certains parents ne disposent pas des ressources dont nous disposons. Ce qu'il faut, c'est produire dans leur cerveau de l'ocytocine, cette hormone de l'amour. Comment? En donnant du contact. 20 secondes de contact dans les bras, par exemple, est suffisant pour que se sécrète de l'ocytocine. Si l'adulte envoie balader sous prétexte qu'il n'est pas câlin, c'est sa manière à lui de se protéger : "je n'ai pas reçu cela enfant, j'ai été obligé de faire sans. Si je ressens de la tendresse, je risque de réveiller de la douleur". Si un contact physique est impensable, reste le regard: le regard dans le non-jugement. Ce simple regard non-jugeant déclenche aussi de l'ocytocine.
Pour en revenir à l'enfant, lorsqu'il déborde, c'est comme le lait qui déborde, lui mettre un couvercle dessus ne va pas faire en sorte que le lait cesse de déborder. Il faut éteindre le gaz. Pour un enfant, l'idée est similaire. Il s'agit de trouver la cause. Pourquoi l'enfant se comporte-t-il ainsi. Où est la cause? Les problèmes d'attachement traduisent que le réservoir est vide. La réponse pertinente consiste à remplir ce réservoir. S'offre à l'enfant deux solutions: soit réclamer de l'attachement auprès de ses figures d'attachement, soit augmenter son respect pour lui-même. Ce qui, à l'école, peut signifier devenir rebelle, être puni. Cela est particulièrement vrai pour les garçons. Parfois, il tient jusqu'à voir sa figure d'attachement. Dès qu'il la voit, l'enfant lâche la tension et fait une crise, ce qui est, pour lui, une solution pour se calmer, pour évacuer l'accumulation de stress qui doit être déchargé.
Une autre piste de lecture mérite également notre attention. Il s'agit de l'alimentation, en particulier le sucre. En outre, Isabelle lit un avertissement d'un emballage d'un bonbon: "...peut avoir des effets sur l'activité cérébrales". L'Union européenne a imposé l'inscription de cet avis pour l'utilisation de certains additifs et colorants. Isabelle indique que l'hypoglycémie peut expliquer également certaines crises. La psychologue d'insister sur l'impact indéniable du sucre sur les enfants. Elle renvoie à son livre: Bien dans sa cuisine. J'attends qu'il sorte en poche pour l'acheter et suis impatiente de le découvrir!
Enfin, en guise de conclusion, Isabelle met en garde en ce qui concerne les appels à plus d'autorité. L'ambiance générale de nos sociétés n'est pas, comme certain-es le prétendent, à plus de permissivité, mais au contraire, elle est très autoritaire.
Fin de son speech. Elle nous renvoie à nos petits groupes pour pêcher une question du public et y répondre en petit comité. Après quelques minutes, le rideau tombe. Isabelle nous salue. La soirée continue avec les dédicaces. Nous n'y résistons pas, malgré notre résolution de rentrer tôt pour libérer ma mère. Nous achetons la suite de J'ai tout essayé, à savoir: Il me cherche! Comprendre ce qui se passe dans son cerveau entre 6 et 11 ans.
Avec cette dédicace qui sera le maître-mot d'Isabelle de la soirée:
L'amour n'est pas une récompense, c'est un carburant.Alors, qu'en retenir?
Sa conclusion, je la partage totalement. Notre société est loin d'être kid-friendly. Un regard objectif sur l'état de la société et de nos infrastructures ainsi que la lecture de Le mythe de l'enfant-roi '(que je n'ai pas encore lu intégralement et déjà en très grande partie) remettront les pendules à l'heure.
Par ailleurs, un petit mot sur ce fameux du non-jugement est très à la mode. Comme le mot "bienveillance", je l'entends à toutes les sauces et partout. Il s'agirait de ne pas juger. Je suis très ambivalente avec cette notion. Je la comprends tout en m'interrogeant tout de même. Je n'oublie pas des cas extrêmes comme Eichmann qui refusait de juger les ordres qu'il recevait...
Je compte écrire un billet un de ces quatre sur ce concept de "non-jugement". Je le comprends dans le cadre des thérapies...En théorie. Mais je ne parviens pas à concilier ce dogme actuel en développement personnel de non-jugement avec l'existence niée du préjugé, qui n'est pas mauvais en soi et dont on use tous (si on ose aller en rue, c'est qu'on pré-juge que les gens respectent le code de la route, pour prendre un exemple à la noix), et également avec la nécessité de maintenir dans la tête des gens un sens de jugement du bien et du mal...
Évidemment, mon expérience personnelle et mes recherches dans le domaine des crimes contre l'humanité ne sont pas étrangères à cette ambivalence face à cette consigne d'être dans le non-jugement. La relativisme a ses limites face à un adulte qui, dans notre société, maltraite un autre adulte, et le cœur se serre encore plus lorsque c'est un enfant qui est maltraité...vaste débat. A développer à l'occasion. Tout ce laïus pour préciser que je ne suis pas encore au clair avec ce credo de non-jugement, ma crainte étant que le commun des mortels perde le sens du jugement3. Et du coup, la capacité de se révolter, de se mettre en colère et de s'indigner. Tiens, tiens, la colère...Vous comprenez pourquoi c'est dur de lâcher la colère?
Parlons d'autre chose. Ok, si l'enfant n'en a cure de savoir que l'adulte a besoin de prendre soin de lui, ok, mais si le réservoir de l'adulte est vide? S'il a lui aussi besoin de téléphoner à son amie pour, justement, un peu remplir son réservoir? Comment fait cet adulte dont le réservoir est vide et qui ne parvient pas à l'alimenter?
De manière générale, j'adore les messages d'Isabelle et adhère à nombre d'entre eux. Toutefois, mon homme m'a partagé sa déception. Il est resté sur sa faim. Pour ma part, j'en suis arrivée à la conclusion que je n'avais pas appris grand chose, ayant déjà lu et relu ses livres (j'en ai une flopée de Au coeur des émotions de l'enfant (génial!), au Il n'y a pas de parent parfait (à lire et relire aussi!) en passant par le Je t'aime je t'en veux (très bouleversant, 1ère découverte de l'auteure), Fais-toi confiance (moins extraordinaire) ; visionné et revisionné ses émissions...
Moi aussi, je suis également restée sur ma faim. Tout cela me paraît tellement théorique, tellement difficile à mettre en œuvre, tellement irréalisable. Nous sommes tellement démunis avec notre fils, en ce moment (j'en parlais un peu ici). Soit il est un cas pathologique...enfin, je veux dire, soit nous serions avisés de consulter parce que c'est un cas qui le mérite vraiment, soit, notre fils est un enfant qui a une attitude "normale" d'enfant de son âge, mais alors, pourquoi les conseils qu'Isabelle dispense ne permettent-ils pas de restaurer un climat serein à la maison. Quelque chose cloche. J'hésite donc. La prochaine fois, au lieu d'assister à une conférence, je devrais m'inscrire à un atelier pratique. Je m'en suis toujours gardé jusqu'à présent parce que les prix m'effraient. Mais, je crains qu'une autre conférence théorique ne m'apporte rien de neuf.
***
1Plus sérieusement...Violaine Guéritault descend l'argument: organise-toi mieux. Voy. La fatigue émotionnelle et physique des mères, livre sur le burn-out maternel recommandé par Isabelle Filliozat dans Il n'y a pas de parent parfait (p. 130 de la version Marabout).
Juste pour le plaisir:
"Le burn-out n'est pas dû à une quelconque fragilité de la femme. Il n'est pas dû au fait qu'elle aurait un passé plus douloureux qu'une autre, mais résulte de l'interaction avec son entourage. Inutile de lui donner des médicaments: ce n'est pas elle qui est à soigner, mais son environnement est à repenser. Ce n'est pas non plus une pathologie réservée aux femmes. Une pédiatre suisse a démontré que les pères vivent exactement les mêmes états quand ce sont eux qui restent à la maison pour s'occuper de leur bébé." (p. 131 de Il n'y a pas de parent parfait).
Isabelle en parle dans une des émissions, je pense que c'était "La vie du bon côté" sur Vivacité. Elle demande quelle mère n'a pas vécu cette situation où tout est prêt pour le départ lorsque c'est ce moment-là où le petit a fait la grosse commission dans sa couche?
Voici le témoignage très parlant d'une maman, tirée du livre La fatigue émotionnelle et physique des mères (p. 89 du livre de Poche)."L'autre jour, je m'apprêtais à quitter la maison pour aller faire des courses. Le réfrigérateur était vide, et il était urgent de le remplir. J'ai mis Nicolas et Arthur dans la voiture quand le téléphone a sonné. J'attendais un coup de fil important et j'ai donc répondu. Il s'agissait en fait d'un représentant dont j'ai eu un mal fou à me débarrasser. De retour à la voiture, je n'ai eu que le temps de m'asseoir avant de me rendre compte qu'Arthur avait sérieusement besoin d'être changé. Je le sortis de son siège et grimpai les escaliers de la maison quatre à quatre, le changeai en vitesse et le ramenai en voiture. Une fois Arthur sur son siège, c'est Nicolas qui se mit à pleurer. Son biberon s'était ouvert, et son contenu s'était renversé sur lui. Il était trempé, la banquette de la voiture aussi! Je suis donc retournée à la maison avec Nicolas pour changer ses habits mouillés. Je voyais le temps passer, ma patience était à bout, et j'avais beaucoup de mal à rester calme. Finalement tout le monde était au sec et dans la voiture. Je m'apprêtais à sortir du garage lorsque j'ai regardé ma montre. Avec tout ce temps perdu, il était déjà midi moins le quart. Dans moins de trois quarts d'heure, ce serait l'heure du déjeuner, et l'expérience m'avait appris que faire des courses avec des enfants qui ont le ventre vide relevait de l'inconscience. J'ai donc sorti tout le monde de la voiture, direction la maison. Je me suis assise sur une chaise de la cuisine et j'ai pleuré..."
2 Bruno Hourst, Sivasailam Thiagarajan, illustration de Jilème, Modèle de jeux de formation. Les jeux-cadres de Thiagi, éd. Eyrolles, 2ème éd. 2007.
3 Je pense à Eichmann car c'est un des cas les plus notoires, notamment grâce à Hanna Arendt.
"Les activités de penser et de juger sont essentielles, non seulement pour la construction d’un monde commun, mais également pour tenter de prévenir son effondrement. À ce propos, Arendt explique que ce qui était exigé, lors des procès d’après-guerre, était « que les êtres humains soient capables de distinguer le bien du mal même lorsqu’ils n’ont que leur propre jugement pour guide et que ce jugement se trouve être en contradiction totale avec ce qu’ils doivent tenir pour l’opinion unanime de leur entourage » [49]. Les rares personnes qui se sont montrées capables de distinguer le bien du mal l’ont fait de leur propre initiative et ont jugé par elles-mêmes chaque cas à mesure qu’il se présentait, « car il n’y avait pas de règle pour ce qui est sans précédent » [50]"
source: Aurore MREJEN, "Absence de pensée et responsabilité chez Hanna Arendt. À propos d’Eichmann, publié le 6 mai 2013 sur raison-publique.fr dans un article intitulé [consulté le 14 mai '14]
***
Ce compte-rendu, à l'instar de tous ceux que je rédige, est partiel et partial.
***
Félicitations à toi, lecteur-lectrice, d'être arrivé-e au bout de ce texte qui n'en finissait pas.
*** Et pour le fun, cette vidéo m'a fait beaucoup rire (impossible de la mettre ici) ***
« 14 mai '14 - La fatigue émotionnelle et physique des mères de Violaine Guéritault15 mai '14 - Des stages pour cet été avec Aurore »
Tags : Filliozat, parentalité positive, neurone miroir, porte-avion, attachement, Anouk Dubois, J'ai tout essayé, Il me cherche, éducation non-violente
-
Commentaires