• [2011-04-16] Le bio peut-il nourrir toute la planète?

    Olivier Deschutter, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, démontre la pertinence d'étendre à grande échelle les expériences d'agroécologie!

    Face à certains, ceux qui mangent bio sont parfois vite catalogués de "gens spéciaux", "alter", "marginaux" avec leurs "lubies" du bio.  Ils récoltent parfois des haussements d'épaule, soit d'indifférence, soit d'exaspération, soit de légères moqueries.  Il en est d'autres qui osent engager le débat.  Nos interlocuteurs (puisque je fais partie de ces gens bizarres) assènent assez rapidement un argument qu'ils considèrent comme décisif et implacable, destiné à clôre la discussion: "tu sais, le bio ne peut pas nourrir tout le monde.  Cela ne suffirait pas.  La production du bio ne  rencontrerait pas le besoin alimentaire de toute la planète".  Pouf.  Que répondre de manière convaincante et argumentée, aux personnes qui, en général, aiment des sources officielles?

    La prochaine fois qu'un tel postulat vous est opposé, je vous invite à mentionner le rapport du Rapporteur Spécial sur le droit à l'alimentation (R.S.D.A.).

    Dans le dernier rapport annuel de 2010, Olivier Deschutter, le R.S.D.A. en question, pose un diagnostic décliné en trois objectifs:

     1° l'offre doit répondre aux besoins mondiaux, lesquels semblent exiger une augmentation de la production agricole globale de 70%;

    2° l'agriculture doit garantir des revenus plus importants pour les petits exploitants;

    3° l'agriculture ne doit pas hypothéquer ses dispositions à satisfaire les besoins futurs.

     Le R.S.D.A. constate:

    "10. La plupart des efforts consentis dans le passé se sont concentrés sur l’amélioration des semences et la fourniture aux agriculteurs d’un ensemble d’intrants capables d’accroître les rendements, sur le modèle des processus industriels dans lesquels les intrants externes sont utilisés pour obtenir des produits selon un mode de production linéaire. L’agroécologie cherche à améliorer la durabilité des agroécosystèmes en imitant la nature plutôt que l’industrie [15]. Le présent rapport suggère que le développement des pratiques agroécologiques  peut simultanément accroître la productivité agricole et la sécurité alimentaire, améliorer les revenus et les moyens de subsistance ruraux et renverser la tendance vers la disparition d’espèces et l’érosion génétique." (page 6; la mise en gras vient de moi)

    Suit une démonstration par laquelle le R.S.D.A. explique que l'agroécologie concoure "à la réalisation du droit à une alimentation suffisante dans ses différentes dimensions: disponibilité, accessibilité, adéquation, durabilité et participation" (page 6, § 11).

     

     1. L'agroécologie, qu'est-ce que c'est?
    2. L'agroécologie accroît la productivité au niveau local
    3. L'agroécologie réduit la pauvreté rurale
    4. L'agroécologie contribue à l'amélioration de la nutrition 
     5. L'agroécologie facilite l'adapation au changement climatique

    1. L'agroécologie, qu'est-ce que c'est?

    "L'agrobiologie est à la fois une science et un ensemble de pratiques.  Elle résulte de la fusion de deux disciplines scientifiques, l'agronomie et la biologie.  En tant que science, l'agroécologie est 'l'application de la science écologique à l'étude, à la conception et à la gestion d'agroécosystèmes durables" [16].  En tant qu'ensemble de pratiques agricoles, l'agroécologie recherche des moyens d'améliorer les systèmes agricoles en imitant les processus naturels, créant ainsi des interactions et synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de l'agroécosystème.  Elle permet d'obtenir les conditions les plus favorables pour la croissance des végétaux, notamment en gérant la matière organique et en augmentant l'activité biotique du sol.  Les principes fondamentaux de l'agroécologie sont notamment les suivants: le recyclage des éléments nutritifs et de l'énergie sur place plutôt que l'introduction d'intrants extérieurs; l'intégration des cultures et du bétail; la diversification des espèces et des ressources génétiques des agroécosystème dans l'espace et le temps; et l'accent mis sur les interactions et la productivité à l'échelle de l'ensemble du système agricole plutôt que sur des variétés individuelles.  L'agroécologie utilise une forte intensité de connaissances et elle repose sur des techniques qui ne sont pas fournies par le sommet à la base mais mises au point à partir des connaissances et des expériences des agriculteurs.


    En tant qu'outils pour améliorer la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires, l'agroécologie est aujourd'hui appuyée par un éventail de plus en plus large d'experts de la communauté scientifique [17] ainsi que par des organisations et organismes internationaux comme l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) [18] et Biodiversity International [19].  Elle gagne par ailleurs du terrain dans des pays aussi différents que les Etats-Unis, le Brésil, l'Allemagne et la France [20]." (pages 7 & 8)

    Pour plus d'infos sur l'agroécologie, vous pouvez visiter le site de Pierre RABHI, Terre et Humanisme.  Sur l'éthique de vie et la pratique agricole que constitue l'agroécologie, c'est directement ici

    2. L'agroécologie accroît la productivité au niveau local

    Tout d'abord, contrairement aux idées reçues, "l'agroécologie accroît la productivité au niveau local" (page 8).

    Le R.S.D.A. cite des études récentes qui attestent de l'efficacité de l'agroécologie.   Je ne m'aventurerai pas à les résumer ici, et vous invite à lire les pages 8 et 9 du rapport (§§ 16 à 20).

    Je préfère citer textuellement quelques phrases n'autorisant aucune équivoque:

    "17.  Il est prouvé que ce type de technique [issues de l'agroécologie] à faible utilisation d'intrants externes [comprenez d'engrais chimiques], qui préserve les ressources, peut accroître considérablement les rendements. (page 8, § 17)

    [...]

    18.  L'étude à grande échelle la plus récente parvient aux mêmes conclusions ". (page 9, § 18)

    Le R.S.D.A. vise l'étude de J. PRETTY et al., "Sustainable intensification in African agricultures", International Journal of Agricultural Sustainability, 9:1, disponible à l'adresse suivante: http://docserver.ingentaconnect.com/deliver/connect/earthscan/14735903/v9n1/s2.pdf?expires=1302874172&id=62303794&titleid=75005120&accname=Guest+User&checksum=CC628B99C989CD3A85831811DE470B7C.

    3. L'agroécologie réduit la pauvreté rurale

    Gestion durable de la fertilité des sols au niveau de l'exploitation agricole

    "21.  En augmentant la fertilité au niveau de l'exploitation, l'agroécologie diminue la dépendance des agriculteurs à l'égard des intrants externes et des subventions de l'Etat, ce qui rend les petits exploitants vulnérables moins dépendants des commerçants locaux et des prêteurs.  Une des principales raisons pour lesquelles l'agroécologie contribue à maintenir le niveau des revenus dans les zones rurales est qu'elle favorise l'accroissement de la fertilité au niveau local.  De ce fait, pour apporter des nutriments au sol, il n'est pas nécessaire d'y ajouter des engrais minéraux.  Il est possible d'utiliser des effluents d'élevage ou des effluents de culture.  Les agriculteurs peuvent aussi créer une 'usine à engrais' sur le terrain en plantant des arbres qui captent l'azote présent dans l'air et le 'fixent' sur les feuilles qui sont ensuite intégrées au sol.  [...]  Le recours à ces arbres qui fixent l'azote supprime la dépendance à l'égard des engrais synthétiques dont le prix devient de plus en plus élevé et instable depuis quelques années, dépassant celui des produits alimentaires même lorsqu'il a atteint des sommets en juillet 2008.  Ainsi, quelles que soient les ressources financières dont le ménage dispose, il peut les consacrer à d'autres besoins essentiels comme l'éducation ou les soins de santé".  (page 11, § 21)

    Effets multiplicateurs pour le développement rural: création d'emploi et augmentation des revenus

    Le R.S.D.A. mentionne les avantages suivants:

    - en raison de besoin plus important de main-d'oeuvre au moment d'initier les méthodes agroécologie, celles-ci génèrent de l'emploi;  Le besoin plus intensif de main-d'oeuvre est considéré comme un avantage plutôt qu'un inconvénient car :

    - il permet de modérer l'exode rural.

    - de plus, la création d'emploi dans le secteur de l'agriculture engendre moins de coût que dans d'autres domaines;

    - les agriculteurs jouissent de meilleures conditions de travail telles que l'ombre procurée par les feuillages, l'absence d'odeur ainsi que l'absence de produits toxiques véhiculés par les engrais chimiques [41].

    - les méthodes agroécologies créent de nouveaux types d'emplois.  Ainsi au Burkina Faso, au lieu d'émigrer, un groupe de jeunes hommes aguerris aux méthodes traditionnelles de réhabilitation des terres circulent de village en village et visitent les agriculteurs désireux d'améliorer leurs propres terres.  Des agriculteurs à acheter des terres dégradées et confient la mission rémunérée de réhabiliter ces terrains.  "C'est l'une des raisons pour lesquelles plus de 3 millions d'hectares au Burkina Faso sont désormais réhabilités et productifs" (pages 12 & 13).

     

    4. L'agroécologie contribue à l'amélioration de la nutrition

    La Révolution verte s'est essentiellement focalisée sur l'amélioration des récoltes de céréales: riz, blé et maïs.  Or, celles-ci offrent peu de nutriments essentiels pour une alimentation équilibrée (beaucoup d'hydrates de carbones, peu de protéine et petite quantité des autres nutriments essentiels).

    Pourtant, les nutritionnistes répètent à l'envi qu'il est nécessaire de disposer d'agroécosystèmes plus diversifiés "afin que les systèmes de production agricoles puissent eux-mêmes fournir des nutriments plus variés [47]. 

    27.  La diversité des espèces dans les exploitations gérées conformément aux principes agroécologiques, ainsi que dans l'agriculture urbaine ou périurbaine, est un atout essentiel à cet égard. " (page 13, §§ 26 et 27)

    5. L'agroécologie facilite l'adaptation au changement climatique

    Enfin, l'agroécologie renforce la résistance au changement climatique.  En effet,

    "[l]'utilisation des techniques agroécologiques peut considérablement atténuer les effets négatifs de ces événements, car la résilience est renforcée par la mise en oeuvre et la promotion de la biodiversité agricole au niveau des écosystèmes".  (page 14, § 28)

     "31.  L'agroécologie place en outre l'agriculture sur la voie de la durabilité en supprimant la dépendance de la production alimentaire à l'égard de l'énergie fossile (pétrole et gaz).  Elle contribue à l'atténuation du changement climatique, à la fois en augmentant les réservoirs de carbone dans la matière organique du sol et dans la biomasse au-dessus du sol et en évitant les émissions de dioxyde de carbone ou autres gaz à effet de serre des exploitations grâce à la diminution de la consommation directe et indirecte d'énergie" (page 15, § 31)

    suite dans Le bio peut-il nourrir toute la planète? (suite)...

    Les références citées en notes infrapaginales par le R.S.D.A. ne sont pas reproduites ici.  Pour en prendre connaissance, veuillez vous reporter au texte original contenu dans le document.

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