• [2011-04-28] Pierre RABHI, 52 kg tout mouillé

      Pierre Rabhi, 52 kg tout mouillé en pdf

    27 avril 2011.  Il est 19h40.  Mon homme et moi sommes dans l’auditoire Lacroix de l’Ucl.  La salle se remplit rapidement.  Les organisateurs avaient recommandé d’être présents dès 19h30 car les sièges ne sont pas réservés.  Nous étions là pile poil à 19h30.   Une file se formait déjà devant la porte close de l’amphi.  A l’ouverture de celle-ci, chacun s’installe à son aise. 

    Puis, un petit homme arrive, passe complètement inaperçu parmi d’autres près de la table et de la chaise rangées au milieu de la scène, en bas des gradins.  La petite silhouette de ce monsieur se détache ensuite.  Je m’aperçois que c’est lui : Pierre Rabhi,  vieux paysan[1].  Simple.  Qui respire l’humilité.  L’humilité de ce personnage, c’est ce qui me frappe le plus chez lui.   Lui que certains vont écouter pendant un peu plus de 2 heures en se contentant de la vue de son dos; lui que d’autres admirent assis sur les escaliers de l’auditoire...  Les gens se sont déplacés en nombre.

    Pierre Rabhi commence son exposé en expliquant que ce n’est pas lui qui est important.  Car Pierre Rabhi, dit-il, c’est 52 kg tout mouillé.  Voilà, l’humilité qui se dégage du personnage est confirmée par ses premières paroles.

    Pendant plus de 2 heures, l’homme raconte son itinéraire.  Je suis peu surprise car j’ai lu son livre Vers la sobriété heureuse.  C’est surtout pour lui que je suis venue.  Pour le voir.  Pour l’entendre.  Même si ce qu’il dit ne m’est pas inconnu, il est toujours utile de recevoir des piqûres de rappel.  Il est salutaire de rencontrer un homme qui allie théorie et application concrète de ce qu’il dit.  Il n’est pas dans le registre : « faites ce que je dis et non ce que je fais ».  Lui veut témoigner de son vécu.  Par là, montrer la force de la sobriété heureuse, son mot d’ordre. 

    Je suis captivée.  C’est un homme touchant qui discourt.

    L’écologiste aura à cœur de rappeler l’importance du sacré.  Le sacré de la terre, de la nature.  A maintes reprises, Pierre Rabhi aura répété la réponse du chef indien Seattle aux Américains qui voulaient lui acheter des terrains : « La terre ne nous appartient pas.  Nous appartenons à la terre ».   Lorsqu’il parle d’écologie, c’est d’une écologie avec sa valeur spirituelle. 

    Aussi, cet Algérien musulman de naissance, converti au catholicisme par le fait de son parcours familial, et de vie, parle de spiritualité en laissant à chacun la liberté de choisir.  Le terme de « D/dieu » n’a pas surgi de son discours. Il est question de « Conscience », d’ « Intelligence ».  Ouf.  Voici quelqu’un qui assume sa spiritualité, sans l’imposer et sans prétendre détenir une vérité vraie à ce propos. 

    En même temps, Pierre Rabhi, après avoir précisé qu’il ne juge personne, raconte s’être étonné auprès d’interlocuteurs qui s’affichaient chrétiens, ou de toute autre religion monothéiste : pour vous, ce qui est sur terre est l’œuvre d’un Dieu.  Sa création est donc sacrée à vos yeux.  Vous devriez être les premiers écologistes, à défendre la nature !

    Le philosophe recadre aussi l’enjeu, lorsque lui est posée une question sur les dissensions qui déchirent les Verts français.  L’écologie, le respect de la nature, c’est bien.  Mais l’Ecologie, c’est surtout et avant tout, recréer du lien entre les hommes.  Vers une sobriété heureuse…Remettre de la joie dans nos vies.  La joie

    Pierre Rabhi explique les raisons qui l’ont poussé à se présenter aux Présidentielles en 2002.  Il révèle comment sa décision a été bien accueillie, comme il lui fut facile de récolter les 600 signatures pour présenter sa candidature.  Lui et son équipe avaient été surpris, d’avoir pu rassembler, fédérer cette force en si peu de temps…Il avait notamment osé prononcer un mot tabou : la décroissance[2].  Il avait également signifié son intention de rééquilibrer la société en remettant à l’honneur les valeurs féminines…Masculin et féminin sont complémentaires.  Il faut remettre du féminin dans la société. 

    Un autre de ses combats concerne l’éducation.  Pour lui, l’on apprend aux enfants de devenir – encore une fois, il s’excuse si son propos choque – des futurs consommateurs.  On leur apprend à se conformer[3]

    Mais pour lui, le combat est ailleurs.  Il ne souhaite pas jouer dans l’arène politique comme un pair à côté des autres politiciens mais compte bien être présent dans la campagne 2012 pour exercer son action citoyenne auprès des candidats.  Il prépare un manifeste à cette fin.

    L’agriculteur regrette les conflits qui nuisent au parti des Verts.  Il répète son amitié envers Nicolas Hulot.  Il croit que l’homme est sincère dans son discours.  Certes, il est tiraillé (sic) par le fait que ce sont des grandes entreprises, comme Edf, qui financent sa fondation.  Comment, en effet, négocier une sortie du nucléaire alors que sa fondation est sponsorisée par l’entreprise qui produit le nucléaire en France ?   Mais, dans le fond, dit le philosophe, Nicolas est sincère.   

    En outre, Pierre Rabhi précise que, certes, en Europe, on vit en paix.  Les Européens ne construisent plus d’armes pour les utiliser entre eux.  Ils les fabriquent pour que les autres se tuent…

    Il évoque les gens qui se confient à lui : « oui, j’ai réussi professionnellement.  J’ai un bon boulot, un bon salaire, mais j’ai raté ma vie personnelle ».  L’écrivain explique que ce discours se multiplie, même dans les sphères des grands chefs.  A une question du public concernant l’accueil que lui ont réservé les gens du Medef où il est intervenu, l’homme répond que le dialogue était positif, que, là aussi, les mentalités évoluent.  Que là aussi, les gens s’interrogent sur le sens de leur vie, se remettent en question. 

    Comment ne pas citer l’agroécologie ?  Et le potentiel qu’elle offre ?  Il relate son expérience dans la réhabilitation de terrains appartenant à l’Eglise orthodoxe en France…son savoir a été requis pour la Roumanie.  Il décrit son action dans d’autres pays d’Afrique…

    Et Pierre Rabhi de parler de la richesse d’un continent comme l’Afrique.  Il mentionne qu’elle est très riche, même de « choses inutiles, comme le diamant »[4].  Il s’inquiète des acquéreurs chinois…On risque bientôt de vivre sur des terres appropriées par d’autres[5]

    Si le poète n’est pas contre la propriété privée, elle doit être balisée...De même, le philosophe précise qu’il n’est pas contre l’argent.  Toutefois, les hommes doivent maintenir l’argent à sa juste place…[6]

    Enfin, à la question de savoir si écologie et mondialisation sont compatibles, le couperet tombe net.  Non !  Par la même occasion, toujours sans intention de juger, il se dit clairement « contre la grande distribution ».  Logique[7].  L’un de ses combats concerne la relocalisation (agir/consommer local).  Les paysans doivent cultiver pour les habitants du coin.  Limiter le transport…

    Plus de deux heures se sont écoulées.  La fin s’annonce…Les gens se lèvent.  Certains approchent le héros.  Pierre Rabhi, un philosophe paysan, m’inspire admiration et déférence.  Par ses paroles, son caractère humble et ses actions concrètes, il insuffle courage et espoir…  ¤

     

     


    [1] Je suis issue d’une culture où la vieillesse est revêtue d’une connotation non péjorative, mais au contraire, qui invite au respect.  Et que ceux qui voient dans le mot « paysan » une injure lisent Pierre Rabhi, car ils n’ont pas saisi toute la noblesse que ce mot évoque…

    [2] La décroissance n’est plus un mot inconnu.  Même si la remise en cause de la croissance est encore un tabou parmi les hautes sphères, et les moins hautes…J’en reparlerai dans un autre article…

    [3] Voy.  mon article citant les termes d’une conseillère pédagogique de l’O.N.E.

    [4] Dans son livre, il parle du fait que l’homme investit l’or d’une valeur immense, alors que ce n’est que du métal

    [5] Comment ne pas faire le lien avec le film : Planète à vendre ?

    [6] « L’argent aime ce qui brille ».  Ces paroles résonnent en moi et font échos à un des titres de chapitre du livre de Touiavii, chef polynésien qui a légué un petit bijou à ses pairs: un traité d’ethnologie sur les Blancs, les Papalagui, ces « pourfendeurs du ciel », en référence à ces voiles blancs qui déchirent le bleu du ciel quand les membres de la tribu de Touiavii les voient s’approcher.  Je consacrerai plus tard une fiche de lecture à ce livre que je recommande vivement.  Le Papalagui : Les étonnants propos de Touiavii, chef de tribu, sur les hommes blancs, publié après la mort de l’auteur sur décision de Erich Scheurmann, en dépit du refus de Touiavii lui-même.

    [7] Les supermarchés s’inscrivent dans le paradigme de la société de consommation, sans égard avec la consommation d’énergie qu’elle induit.  Le sujet mériterait d’être développé ultérieurement…j’y pense.

     

     

     

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