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[2012-01-18] Maman, il est où le papa de grand-père? Ou comment être prise au dépourvu devant des questions de son enfant de 2 ans
Depuis quelques temps, en particulier depuis que son vocabulaire s'est considérablement étoffé et depuis que nous savons que la famille va s'agrandir, mon homme et moi avons gentiment expliqué qui étaient les différents membres de la famille.
Pour le dire clairement, nous avons, par exemple, précisé que "papy" est le "papa de papa", "mamy", la "maman de papa"; "Tata F.", "la soeur de papa". De mon côté, "Lok ta" (signifie grand-père en khmer), "le papa de maman", "mak yeah" (bon, pas sûre de l'ortho, signifie, vous l'aurez compris: grand-mère en khmer, à prononcer "mah iyeille"), "mak ming D.", "soeur de maman".
Evidemment, on a introduit l'amoureux de chaque tante et de ma belle-mère (Mamy). Et du coup, chacun se voit aussi attribuer le statut d'"amoureux" de (quand il en est un). Ainsi, "mak yeah" est l'amoureuse de "lok ta", tandis que "lok ta" est l'amoureux de "mak yeah". Comme "papa" est l'amoureux de maman et que "maman" est l'amoureuse de papa. Pour l'instant, on a réussi à éluder la question de savoir pourquoi le papa de papa n'est pas l'amoureux de la maman de papa. Bref, ce genre de joyeusetés qui nous attendent.
L'Empereur et moi étions en plein dans ce jeu, lorsque je venais de déposer mon père chez lui, où il retrouvait ma mère, celle-ci étant l'amoureuse de celui-là. Tout va bien jusque-là. Le Fils s'amuse à répéter à plus soif que l'un est l'amoureux de l'autre, et vice-versa et qu'ils se sont retrouvés chez eux. Puis, sortie de nulle part, cette question qui m'a laissée sans voix:
Et le papa de Lok Ta, il est où? Et la maman de Lok Ta, elle est où?
J'étais au volant...et franchement, je pensais disposer encore largement de temps avant d'avoir à me questionner sur la manière de parler de la mort à mon enfant...J'ai commencé par une explication du genre: " le papa et la maman de Lok Ta ont...comment dire?...disparu. Ils ne sont plus là. Tu sais, ils étaient très très vieux" (ce qui est, en passant, un petit mensonge concernant mon grand-père paternel vu qu'il n'est pas mort de vieillesse mais décédé, peu après que le pays soit tombé aux mains des Khmers rouges, suite aux "bons soins " de l'un d'eux, intéressé par je ne sais quel objet que mon grand-père possédait).
Bon, comme je m'embrouillais complètement dans mes explications, j'ai demandé du temps à mon fils:
"Heu, chéri, je ne sais pas comment te répondre. La réponse est difficle. Je dois réfléchir. Tu me laisses un peu de temps pour que je réfléchisse à comment te répondre?"
Heureusement, le Bonhomme a été magnanime. J'avoue, je ne suis pas plus avancée, trois jours après. Toutefois, quelle leçon que celle-là! Je sais dorénavant que toutes les questions, sur tous les sujets, peuvent débarquer sur le tapis.
Et vous? Qu'auriez-vous répondu? Avez-vous été confronté à ce genre de situation?
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Tags : question d enfant, la mort
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Commentaires
Hello Françoise,
Contente de te retrouver ici
Ouh, tu soulèves une question méga épineuse! Enfin, je trouve déjà "vache" de parler de la question de la mort avec un petit de 2 ans. Alors, vient ici s'immiscer le poids de l'Histoire...
Dans le cas présent, dans la question de mon fils, j'y vois surtout de l'innocence. Après tout, on a expliqué que sa mamy avait un papa et une maman, Bon papa et Bonne maman, tous deux en vie, et que nous rencontrons encore de temps en temps au gré de nos visites et des réunions familiales. Mon enfant voit aussi la maman de son papa, Bobonne, qu'il a vu peu de fois mais avec qui il s'entretient de temps à autre au téléphone, au gré de ses envies, cette fois. Quant au papa de son papa, mon fils n'a pas encore posé de question. Il est encore en vie mais on ne le voit que très rarement (euphémisme).
Alors, pourquoi pas demander ce qu'il en est du côté de ses grands-parents maternels...? Qui, eux, sont tous décédés (vieillesse pour ma grand-mère paternelle et Khmers rouges pour son mari, et les deux parents de ma mère).
A priori, je ne pense pas qu'il ait ressenti un malaise ou qu'il se soit passé quelque chose qui "expliquerait" cette question impromptue. Je pense que celle-ci est simplement venue, sans arrière pensée.
Et qu'elle a surtout trait, en l'état, au sujet de la mort, quelle qu'elle soit, quelle qu'en soit la cause.
Ceci dit, ton commentaire vient, évidemment, toucher un sujet sensible!
Avec mon homme, on s'est déjà posé cette question, de savoir comment transmettre l'histoire familiale maternelle...qui rejoint l'histoire d'un Etat, en fait. Mes parents n'ont jamais gardé secret ce passé. Et j'aimerais bien mieux comprendre comment ils ont fait, pour que ma soeur et moi n'ayons jamais été surprises d'être en Belgique et non au Cambodge, de n'être que 4 (2 parents - 2 enfants) dans ce plat pays, au lieu d'être entourés d'une famille nombreuse (mes parents sont chacun issus d'une famille nombreuse, dont les membres - le refrein commence à être connu - sont, pour la majorité, décédés au pays), de savoir que les quelques oncles et tantes qui nous restent sont éparpillés aux quatre coins de la planète (France et Etats-Unis + famille du Cambodge, dont j'ai personnellement pris conscience que très tard, tellement je pensais les liens familiaux rompus avec ce pays), etc.
A mon avis, cette question de l'histoire familiale peut surgir comme ce fut le cas l'autre jour : "où sont les autres membres de la famille?" Mais je crois qu'elle surviendra de manière plus surprenante, peut-être avec une question sur l'identité: "pourquoi tu as les yeux bridés?", "C'est quoi un enfant métisse?" Ou, plus tard, plus directement: "pourquoi Lok Ta et Mak Yeah, et toi et Mak Ming D., vous avez quitté le Cambodge?" (cette dernière n'a pas quitté le Cambodge, elle est née dans le pays de Brel).
J'ai l'impression d'avoir le temps pour me préparer à ce genre de questions...Mais je vois que toi aussi, avec tes enfants plus grands, tu éludes le sujet...
Ma crainte, en fait, pour parler de la mort, ou de la séparation d'un couple, est à mon avis infondée. J'ai peur que mon enfant réalise que son père et sa mère mourront un jour; ou qu'il craigne que ses parents se séparent. A deux ans, je trouve vache d'induire ce genre de peurs. Il m'a fallu un peu de temps pour me dire que je projetais ma peur, et qu'à l'âge de mon fiston, son raisonnement n'irait pas jusque là. Et qu'il pourrait se contenter d'une explication sur la mort, ou sur la séparation, sans réfléchir plus loin que cela pourrait lui arriver. Je me trompe?
Quant à parler des atrocités dont les hommes sont capables, c'est un véritable défi. Car comment insuffler de l'optimisme, de la confiance en la vie, tout en expliquant que des hommes, ordinaires, et les autorités (celles qui sont censées nous protéger), sont capables ET DESIREUX de nous détruire? Comment dépeindre le drame tout en n'inculquant pas la peur d'autrui ou d'un scénario catastrophe?
Quand tu dis que la psychogénéalogie pourrait aider, tu penses à aider dans quel sens? Pour expliquer à tes enfants? Si tu cherches qqun pour la psychogénéalogie, une annonce sur la LPC pourrait peut-être t'aider...
Et toi, comment tes parents t'ont-ils appris ce qui était arrivé à ton oncle? Moi, j'ai l'impression que c'était tellement intégré dans l'histoire familiale qu'il n'y a pas eu de "révélation"...
3Françoise BzVendredi 27 Janvier 2012 à 09:48Bonjour Alia,
Pas de secret chez nous non plus, même si mon père parlait peu de cette affaire, très douloureuse pour lui. Par contre, il présentait son cousin (je dis mon oncle pour simplifier, ils ont été élevés ensemble) comme une victime, mais après avoir fait des recherches, je me suis aperçue qu'il serait plus juste de le qualifier de "martyr". Il a sacrifié sa vie à une cause en laquelle il croyait. Une manière de "sublimer" une histoire tragique.La mort inquiète beaucoup mes enfants, la nôtre, la leur... En fait je ne sais trop quoi leur raconter, pour moi la mort est un fait de la vie, je n'y pense pas plus que ça, même si je suis triste au décès d'un proche, voire choquée si la personne est encore jeune. Mais je ne peut pas leur promettre de ne jamais mourir, ni qu'eux ne mourront jamais (c'est sans doute ce qu'ils aimeraient entendre). Tout ce que j'arrive à dire, c'est que je prends soin de notre santé, de notre sécurité, pour que nous vivions tous le plus longtemps possible. J'ai peur de ne pas être très rassurante...
Ceci dit, il me semble que 2 ans c'est vraiment très jeune. Je crois qu'un enfant de cet âge a encore du mal à appréhender l'idée d'une disparition, et encore plus le fait que celle-ci soit définitive. Ca ne déboucherait pas forcément sur une peur, à cet âge-là. Je pense que pour ça il faut attendre 4 ans environ.
La difficulté, et ce n'est pas nouveau!, c'est la manière dont la mort est cachée dans notre société. On voit rarement les gens mourir, on voit à peine les corps, on préfère ne pas emmener les enfants aux enterrements... Ce qui doit être dur pour eux, c'est de prendre conscience brutalement, à la fois du fait et de sa gravité. S'ils avaient vus, dès leur naissance, les gens mourir et être enterrés, ils auraient pu s'y faire graduellement, plutôt que d'en prendre conscience brutalement et le plus souvent de manière abstraite. Mais dans notre société, les gens ne meurent plus autant et c'est tant mieux! Ma grand-mère a vu mourir très jeune sa mère, son frère, son père et elle ne se posait pas tant de questions sur la mort. Mais elle ne s'en portait pas mieux pour autant.
Bref, ce que nous voyons comme un problème est peut-être plutôt un luxe, un privilège, et c'est notre boulot de parents de trouver une réponse adéquate!Mais tout ceci ne répond pas à la question de savoir comment parler aux enfants des crimes et des génocides... J'avoue que je me sens dépassée.
Je pense que la psychogénéalogie peut aider à trouver des réponses pour nous mêmes. Une fois que c'est plus clair dans nos têtes il est sans doute plus simple de répondre aux enfants... J'ai posé la question sur LPC, mais j'ai eu peu de retour, et rien à Bruxelles. Je ne veux pas me lancer à l'aveuglette, j'ai peur de tomber sur un charlatan!
Ce que j'entends souvent, c'est qu'il faut éviter d'en dire plus que ce que l'enfant veut savoir et qu'il posera ses questions à son rythme. Malheureusement, mon expérience contredit un peu cela. Je me suis aperçue qu'en me limitant à répondre strictement et factuellement aux questions de mon fils (au sujet de son adoption), je finissais par ne pas en dire assez. Il y avait des choses fausses ou pas très claires dans son esprit, mais lui même n'en était pas conscient, et du coup il ne pouvait pas formuler de question! Bref, on est quand même obligé de creuser un peu, en posant des questions ouvertes. Le but n'est pas non plus de tout raconter, avec une foule de détails. De plus en plus, il me semble que le plus important n'est pas de parler aux enfants, mais de savoir les écouter.
Bonne journée,
Françoise
Bonjour Françoise,
Olala, désolée pour cette modération tardive, qui t'a, du coup, amenée à rédiger deux fois ton message...
Mais, la formulation diffère parfois de l'un à l'autre, je trouve que les deux se complètent donc, je suis contente que tu te sois exprimée deux fois.
Pour la transmission des génocides et co, je suis preneuse de partager ce que tu lis ou apprends sur le sujet, et vice-versa.
Pour ce qui est de la psychogénéalogie, je connais une personne de confiance qui m'a conseillé qqun soit pour la psychogénéalogie, soit les constellations familiales (au moment de t'écrire, j'ai un doute, alors qu'avant de le taper sur le clavier, j'avais en tête que c'était un psychogénéalogue (bizarre ce terme). Je lui demanderai et te transmettrai en privé son numéro. Puis à toi d'en faire ce que tu voudras...Et si tu le vois, tu me diras ce que tu en as pensé (si tu le veux bien).
Pour les 2 ans, oui, c'est bien ce que je me suis dit, une fois revenue à la raison. Je projette une crainte et un raisonnement qu'il n'est sûrement pas encore à même de mener. Par contre, de percevoir ma gêne, c'est certain, il a dû la sentir. Même si, comme cela semble être le cas pour toi, je ne vois pas du tout la mort comme un sujet tabou. Elle fait partie de la vie. Tout être vivant est, par essence, voué à mourir un jour. Si tu naîs, tu meurs un jour. Point. Si tu meurs un jour, c'est que tu es né un jour (bon, je ne vais pas entrer ici dans la controverse des fausses-couches).
C'est curieux, quand tu parles de ton oncle, tu dis les choses, mais elles sont nébuleuses pour moi...peut-être que c'est à bon escient..."martyr", pour moi, je ne vois pas trop ce à quoi cela renvoie.
En tout cas, je suis d'accord avec toi. La psychogénéalogie, c'est d'abord pour clarifier les choses pour nous, puis, par ricochet, de faire bénéficier de cette clarification pour nos enfants.
C'est marrant que tu parles de Serge Tisseron...Comme je l'écrivais dans mon billet d'hier, j'ai lu quelques textes de cet auteur. 2 en rapport avec la TV; 1 autre sur la honte (Voyage à travers la honte) où il est beaucoup question du totalitarisme. Il parle des nazis, du génocide rwandais et des Khmers rouges. Sa vision y est simpliste. Enfin, je veux dire, son explication des atrocités m'a paru méga légère (en gros, les tortionnaires le sont devenus par peur de honte, de se démarquer de leurs pairs) mais ses propos sur la TV vont dans le même sens que moi, donc je trouve qu'il vaut la lecture.
Bonne journée et au plaisir de continuer notre échange!
5FrançoiseBzVendredi 27 Janvier 2012 à 16:47"Un martyr est celui qui consent à aller jusqu’à se laisser tuer pour témoigner de sa foi, plutôt que d’abjurer." (Wikipedia)
J'ai pensé au martyr dans le sens où mon oncle savait qu'il prenait des risques considérables et qu'il est allé jusqu'au bout, malgré tout... Or ce n'est pas du tout ce que me racontait mon père! Pour lui, c'était plutôt un pauvre garçon qui a fait soufrir sa famille! Mais mon père, se sentait certainement coupable de n'avoir pas pu le protéger. Voici la notice que j'ai rédigée: http://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Bod%C3%A9nez
Pour les génocides, je ne suis pas très avancée. D'ailleurs, le fait que tu ne saches pas trop non plus comment aborder la question (bien que dans ton cas ce soit pas encore à l'ordre du jour), alors que ça te touche de beaucoup plus près, ne me rassure guère!
Je me demande si, tout simplement, il y a une "bonne" manière de dire ce genre de choses...
Personnellement je n'avais jamais vraiment réfléchi à la question jusqu'à il y a peu. Je voyais Hitler, Staline etc comme des espèces de fous... C'est la lecture (en diagonale) d'Alice Miller qui a un peu changé mon point de vue. Non, ce ne sont pas des fous, mais des êtres humains disposant de leur libre-arbitre... (ce qui est encore plus terrible)Si tu as une adresse de psycho-généalogiste je suis preneuse, sauf a priori s'il s'agit de constellations familiales...
Bon week end!
Bonjour Françoise,
Voilà. J'ai eu le nom du gars...Je te l'envoie en mp avec expiications.
J'ai lu l'article sur ton oncle sur wikipédia.
Effectivement, comme dit bien le texte (épisode passé sous silence), je n'ai jamais pensé à l'existence d'un tel mouvement (ou d'autres, quel qu'il soit, en réalité) pendant l'Occupation. Du coup, ton article m'a vraiment appris une dimension nouvelle de la 2GM.
Je n'ai pas lu Alice Miller. Mais, j'ai beaucoup lu sur les crimes contre l'humanité et les génocides, de manière générale. Et je confirme, c'est trop facile de "simplement" cataloguer les bourreaux comme des fous. C'est sans doute cela le plus dur, c'est de comprendre qu'ils ne l'étaient pas du tout. Tu cites des personnages clés importants (Hitler, Staline; j'incluerai Mao, Pol Pot, pour la touche asiatique), eux, c'est une chose. Moi, ce sont les autres, les "petites mains", les bourreaux "ordinaires", ce que Hannah Arendt nomme la "banalité du mal". S'il suffisait d'expliquer à nos petites têtes blondes et moins blondes (ne les oublions pas, il n'y a pas que des boucles d'or en Belgique, n'est-ce pas?) que ceux qui ont commis des massacres, des plans d'exterminations étaient/sont des fous, suivis par d'autres fous, ben, ma foi, pour ma part, je ne trouverais pas cela exagérément difficile. Je veux dire, ce serait comme parler de la tuerie de Termonde. C'est atroce, c'est arrivé, et ce par le fait d'un déséquilibré. Heureusement, ce genre d'événements n'est pas quotidien, du moins, sous nos latitudes. Oui, c'est difficile; bien sûr, des innocents sont morts, des petits en bas âge en plus, etc., toutefois, comparé à une explication sur un génocide, j'estime que l'échelle de grandeur n'est pas comparable.
Or, comme je l'écrivais, et j'en suis convaincue, il est simpliste, et nous ferions délibérément preuve de cécité, de cataloguer les génocides et massacres de mase parmi les actes commis par des fous.
Et ce qui est paradoxal, c'est que dans un contexte où les références du bien et du mal sont complètement bouleversées, tout le monde est coupable, ce qui atténue quelque part la culpabilité, car aller à contre courant d'un mouvement de masse relèverait de l'héroïsme. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Cette phrase résume assez bien les choses:
Paradoxalement, « plus le groupe dont il fait partie est coupable dans son ensemble, culpabilité dont il a seulement sa petite part, et moins il est coupable en particulier »(1).
Et c'est cela que j'aurais du mal à expliquer à des enfants qui sont encore dans la construction du bien et du mal. Il leur faudra comprendre que même pour des adultes peuvent être complètement perdus avec cette distinction au point d'en perdre le discernement...
Puis, comme je trouve difficile d'expliquer qu'au final, des gens, dont des enfants, sont morts en masse sous les yeux et avec les complicités d'autres gens tout à fait doués de raison...
Ceci dit, pour ma part, j'ai de la "chance" dans la mesure où cette partie de notre histoire familiale n'a jamais été occultée, de sorte que j'ai toujours su. De même pour ma petite soeur, pourtant née ici. Je mets cela sur le compte du fait que mes parents, chaque fois qu'ils renvoyaient des survivants ayant traversé le même calvaire qu'eux, échangeaient, se remémoraient, reparlaient à ne plus finir des événements, des épisodes, communs ou non, qu'ils avaient vécus.
Mais, moi, je ne vois pas comment je peux faire. J'étais un bébé. Je n'ai pas de souvenirs à échanger comme tels avec un autre bébé...quoi que...Par un hasard de la vie, j'ai croisé le chemin d'une Cambodgienne d'origine vietnamienne, née la même année que moi au Cambodge, dont la famille a réussi à fuir en France. Cette jeune Cambodgienne vietnamienne habite aujourd'hui la Belgique et nous sommes devenues des amies proches. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer notre passé, et l'Histoire. Mais, il ne me viendrait pas à l'idée de parler de telles choses en présence de mon fils. Or mes parents, ils l'ont bien fait, eux...Me demande dans quelle mesure cela nous a traumatisées, ma soeur et moi...
Allez, vaste débat. Je te quitte sur cette dernière question qui va certainement alimenter ma réflexion sur le sujet.
Nouvelle du jour, que j'apprends d'un mail de mon papa: la Cour suprême a confirmé le verdict de culpabilité de Duch (plus d'infos en googlant, ou ici, un article de presse).
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(1) G. TARDE, « Les crimes des foules », in Archives d’anthropologie criminelle, 1892, 383, cité par Fr. DIGNEFFE, « Attribution de responsabilité et sentiment vécu de responsabilité – Réflexions sur les contours de la responsabilité pénale à propos du génocide au Rwanda », in Fr. DIGNEFFE & Th. MOREAU (dir.), La responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2006, 416.PS: je modère les commentaires pour deux raisons.
1. je suis responsable de ce blog, et donc, des propos qui y sont tenus, même si je n'en suis pas l'auteur (difficile de me départir de mon côté juriste);
2. il y a des "spams" de commentaires. Alors, même si j'ai une relative confiance envers ceux qui souhaitent commenter (en plus, vu qu'il n'y a pas foule), j'ai, par le passé, laissé les commentaires libres, sans modération. Alors, j'ai vu débarquer des commentaires sûrement générés par des programmes, qui contenaient des insanités, du moins, des propos qui n'avaient ni queue ni tête.
8FrançoiseBzSamedi 4 Février 2012 à 16:38Bonjour Alia et merci de ta réponse.
Mes interrogations ont été relancées pendant les vacances de Noël. J'ai retrouvé des amis de retour d'un voyage au Cambodge, mon amie est prof de droit public à l'université, mais c'est surtout avec son compagnon que j'ai parlé. Lui (re-)découvrait toute cette époque, il venait de retrouver une amie d'origine cambodgienne qui est retournée vivre là-bas, elle lui a parlé du procès. Suite à cette conversation, j'ai surmonté mon dégoût et regardé "L'avocat de la terreur" sur Jacques Vergès, mais finalement le Cambodge y est juste mentionné en passant, même si j'ai appris d'autres choses intéressantes (guerre d'Algérie, mouvements terroristes des années 70).
Par ailleurs, comme je suis fervente lectrice de BD, je suis tombée sur un album destiné aux enfants (et pas seulement) intitulé "L'enfant cachée". Une grand-mère y raconte à sa petite fille comment elle a été cachée par des "justes" lors de la déportation de ses parents. D'un côté je trouve cela un peu édulcoré (parce que cette petite fille et sa maman survivent, qu'il n'arrive rien aux "justes" et résistants qui l'ont cachée, malgré les risques, et surtout qu'une postface souligne que plus de 80% des enfants juifs de France ont ainsi survécu à l'Occupation). Mais pour un enfant de 9 ans je trouve tout de même ça très violent, et ma fille, à laquelle je l'ai passé après l'avoir lu moi-même, a d'ailleurs versé des torrents de larmes et m'a posé plein de questions. Or elle a buté sur un élément en particulier: les "petites mains" comme tu dis. La concierge de l'immeuble reconnait la petite fille et appelle la police, mais l'homme qui a recueilli l'enfant frappe la concierge et on la voit saigner. "Mais pourquoi fait-elle ça? demandait ma fille. Du coup, ça a attiré mon fils (6 ans 1/2), qui voulait aussi entendre mes explications... Après l'avoir dévoré en 2 soirs, ma fille a emporté le livre à l'école pour le montrer à son maître et ses camarades et apparemment c'est un franc succès, ils se l'arrachent littéralement. J'en conclus que ça répondait à un besoin.
Sinon, toujours en BD, il y a aussi l'excellent "Maus", mais ce sera pour plus tard.Sur le Rwanda, j'avais lu, un peu en diagonale, je l'avoue, parce que ce n'est pas une partie de plaisir, "Une saison de machetes" de Jean Hatzfeld. Et pour en revenir aux BD, j'avais trouvé "Gorazde" de Joe Sacco également intéressant... Mais tout cela ne convient pas à des enfants.
Enfin, mes enfants ne sont pas non plus des "têtes blondes" (d'ailleurs nous ne sommes pas belges mais français)! Mon fils, adopté en Thaïlande, est apparemment né à Ubon Ratchathani, ville natale de Vergès et, bizarrement, pratiquement 80 ans jour pour jour après lui...
Je comprends tout à fait ce que tu dis sur la modération, tu n'as pas à te justifier. Pas plus tard que la semaine dernière le site web de ma mère a été piraté... (http://www.gpiccon.com/)
Bon week end,Françoise
Françoise et vous tous qui passez par ici, je vous recommande
[2012-02-07] "Douch est un Cambodgien comme moi" LLB 04/02/12
L'auteur, que je connais assez bien (hihi), y parle de cette "banalité du mal".
Je pensais ne pas vraiment avoir de tabou...Du moins, pas vraiment peur d'aborder des suejets sensibles, éventuellement, le temps venu.
Je me suis trompée.
Il y a peu, je me suis rendue compte que lorsque j'expliquais à mon fils que j'étais à mon cours de céramique, ce n'était pas seulement le terme de "céramique" qu'il ne comprenait pas, mais également, la notion de "cours".
Encore plus récemment, j'ai pris conscience que c'était la même chose pour le "travail". Quand je dit à mon Fiston que son père est au travail ou que je vais travailler, je n'ai aucun malaise à le dire, or, en y réfléchissant bien, il ne sait pas de quoi je parle quand j'utilise le mot "travail".
Alors, pourquoi n'avais-je pas envie d'utiliser le terme "mort" ou "décédé"?
"Parce que mon fils ne comprendrait pas ce terme", disais-je. Mais n'ai-je pas, déjà par le passé, utilisé des mots dont il ne peut pas comprendre le sens (ex: cours; céramique; travail)?
En conclusion: La seule raison qui m'a empêchée de prononcer le mot "mort" est sans doute à trouver dans mon malaise à parler à un enfant de 2 ans de ce sujet délicat.
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Ton fils aurait-il senti qu'il y a "quelque chose" - quelque chose dans le passé de sa famille, quelque chose qui tourmente son grand-père et sa maman?
Je me pose un peu la même question que toi, avec des enfants plus grands (6 et 9). Mon oncle est mort en camp de concentration dans des conditions atroces et leur parler de sa mort impliquerait d'ouvrir un long chapitre sur les horreurs dont sont capables les êtres humains, ce qui ne m'enchante guère. Bref, je remets au lendemain...
Je me suis dit que la psychogénéalogie pourrait peut-être m'aider, mais je ne sais malheureusement vers pas qui me tourner...
Françoise (de la LPC)