• 3 mars '15 - Le parentage ludique 2 - Ce que j'en retiens

    Suite de mon "compte-rendu de Qui veut jouer avec moi? de Lawrence Cohen", voy. le 1er épisode ici.

    Le livre parait structuré.  Toutefois, à bien à y regarder, les idées se croisent et s’entrecroisent.  Cohen parle partout de la même chose en définitive : de l’intérêt et de l’importance de jouer avec les enfants.

    1. J’aime l’image des réservoirs

    Je trouve très parlantes les images sur les réservoirs, vides, pleins, à moitié vide, à moitié plein, remplis à ras-bord, les réservoirs fissurés jamais remplis (p. 82-84).

    « Remplir sans cesse le réservoir de l’enfant est le fondement des relations cœur à cœur parent/enfant.  Il ne s’agit pas de le remplir une fois pour toujours mais d’y revenir au fil d’innombrables micro-interactions sur une durée qui se compte en années. » (p. 85)

    Nombre d’enfants préfèrent les punitions ou les coups à l’indifférence.  Souvent, d’ailleurs, l’adulte comprend que l’enfant cherche à « faire son intéressant », à attirer son attention.  Il est dès lors paradoxal de ne pas accorder à un-e enfant qui en a besoin, l’attention qu’il/elle souhaite.  Peut-être qu’en obtenant enfin de l’attention, l’enfant n’éprouvera plus le besoin de faire des « bêtises » pour nous faire réagir.  

    « Malheureusement, la réaction la plus courante aux débordements de l’enfant indocile – l’ignorer –ne peut qu’accentuer sa détresse et donc ses comportements parasites motivés par l’impératif de faire le plein [de son réservoir] ».  (p. 83).

    J’avais, à l’époque, partagé ma perplexité devant le conseil d’ignorer mon fils prodigué par l’une de ses jardinières d’enfants à qui nous avions partagé notre impuissance et notre épuisement face au colère de Fiston.

    Cohen propose cette interrogation face au refus d’accorder de l’attention à un enfant qui en réclame : viendrait-il à l’esprit de priver d’eau un-e enfant qui a soif ?  de nourriture un-e enfant qui a faim ? (p. 369)

    Cela me rappelle les propos d’une amie concernant un livre.  Celui-ci disait en gros : donne le pouvoir à  la personne qui le veut, la richesse à celle qui le désire, la santé à qui la réclame, etc.  Bref, Seigneur, exauce les vœux des gens.  Je me souviens avoir été outrée par le « donne le pouvoir à la personne qui le réclame »…En voilà, un sujet de dissertation intéressant… 

    2.  Un-e enfant qui agit mal a autant, si pas plus, besoin de notre réconfort

     C’est peut-être THE enseignement qui fut comme une révélation.  Sans doute l’avais-je déjà lu quelque part.  Probablement.  Mais, ce n’est qu’avec ce livre que cette idée, répétée à maints endroits dans le bouquin, a pris sens pour moi. 

    Suite à une altercation entre deux enfants, ce sont deux êtres qui ont besoin de réconfort.  Naturellement, nous sommes enclin-e-s à réconforter celui / celle qui a eu mal, celui / celle qui est « la victime ».  Cet enfant-là, bien sûr, a besoin d’être reconnu dans sa douleur et dans son droit de ne pas être tapé-e ou agressé-e[1].  Ce que nous oublions souvent, c’est que l’autre enfant, également, a besoin de notre écoute et réconfort.  Lawrence Cohen prétend ne connaître personne qu’une punition a rendu meilleur-e.  Beau sujet de dissertation.  Avec des liens à établir avec les prisons qui criminalisent plus qu’autre chose [2].

    Bien que ce fut sans doute une découverte théorique, force m’est de constater que mon enfant incarne parfaitement ce besoin.  Et cela, je l’avais bien déjà observé.  Lorsqu’il réalise qu’il a fait mal à quelqu’un (souvent sa sœur), il ne peut s’empêcher de pleurer, comme effrayé par son geste et sa capacité à faire mal.  J’ai vite compris que mon fils « fonctionnait » ainsi ; il a autant besoin de réconfort quand il a eu mal que quand il fait mal. Évidemment, quand ma fille pleure à chaudes larmes parce qu’elle a eu mal, et que d’un autre côté, mon fils hurle à la mort parce qu’il a fait mal…forcément, vous imaginez bien vers où se penche plus naturellement mon envie de câlins…Il me faut un effort, une étape cognitive, pour aller à l’encontre de ma propension naturelle à réconforter la personne qui a mal plutôt que celle qui fait mal.  J’imagine sans peine que c’est « normal », « naturel », « instinctif ».

     3.  Pourquoi enseigner à dire « pardon » / « je suis désolé­­­­­­­­‑e » de manière automatique ?

    C’est un gros classique. Les parents aiment à inculquer à leur enfant la politesse.  Notamment le fameux « pardon » ou sa variante, « je suis désolé-e ». 

    Pour ma part, je comprends l’agacement de Lawrence Cohen (j'ai pu l'éprouver par le passé; maintenant, je comprends aussi ce qui peut amener des parents à inculquer cette règle) quant à ces « désolé-e », ces « pardons » prononcés à la va-vite[3].  Je n’ai jamais été convaincue de la pertinence d’exiger de mon enfant qu’il/elle « demande » pardon quand il/elle a fait mal.

    D’abord parce que, tout petit-e, il/elle ne comprend pas la notion de « pardon » à demander.  Ensuite, parce que je peux tout à fait concevoir qu’il/elle ne soit pas assez mature pour réellement désirer s’excuser ou demander pardon.  Enfin, parce qu’arrive un âge où l’enfant, tel que le mien, faisait mal sans remord, sans rougir, puis se contentait de demander « pardon ».  Le pardon semblait pouvoir le dédouaner du mal qu’il faisait ou allait commettre délibérément.  A l’image de ces « nombreux enfants [que Cohen a vu] répéter « je ne l’ai pas fait exprès, c’était un accident, je suis désolé » (p. 375).

    Avec Cohen, je me demande ce qui est pire : de faire mal sans s’en rendre compte, puis de demander pardon parce qu’on n’a pas pris le temps de se demander si son geste allait faire mal ;ou de faire mal en sachant qu’on va faire mal, puis de demander pardon pour excuser son geste ? Est-ce réellement moins pire de systématiquement faire mal parce qu’on n’a pas pris le temps de mesurer si son geste allait blesser quelqu’un ?  [4]

    Bien sûr que pour la personne qui a reçu un coup, le fait de savoir que ce coup n’était pas intentionnel peut avoir (ou pas) de l’importance sur le ressenti du coup. 

    Ceci dit, à force de donner des coups sans le faire exprès,  il peut être bon pour l’enfant de s’interroger sur comment éviter des donner des coups.  Demander pardon ne me paraît pas la solution.  Personnellement, je ne vois pas l’intérêt d’exiger de l’enfant qu’il présente des excuses qu’il/elle ne ressent pas.  Je ne vois pas l’authenticité dans cette communication. 

    Certes, d’autres me rétorqueront qu’il s’agit de politesse ; et que politesse ne rime pas toujours avec sincérité.  Ok.  Alors, limitons les relations de politesse aux strictes relations superficielles qui ne méritent pas de réelle mise en contact entre personnes.  Pour ma part, avec mon enfant, je préfère m’entendre et expliquer mon choix auprès de l’adulte qui accompagne l’enfant blessé que de contraindre mon enfant à faire quelque chose auquel je ne crois pas.  Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire.

    Dans le même ordre d'idée, je suis retombée dernièrement sur le "Il faut partager", billet écrit il y a 4 ans et toujours pertinent.

    4.  Le drame du biscuit brisé

     Il me semble que c’est ainsi que Catherine Dumonteil-Kremer appelle la crise de larme qui surgit pour un fait tout à fait anodin.  Ce petit fait anodin, certes, n’est pas la cause de la crise de larmes, il en est le prétexte.  Ceci induit des malentendus entre les parents et l’enfant. 

    « ‘’ Tu ne t’es pas vraiment fait mal’’ protestent-ils.  Certes, le petit réagit de manière outrée à une écorchure ou un choc anodin : mais c’est là tout l’intérêt !  Il y voit l’occasion d’exprimer des émotions refoulées, alors qu’il se sent proche de ses parents, en sécurité, grâce à un fou rire partagé ».  (p. 152)

    « Dans la même situation, d’autres parents réagissent excessivement et mettent fin au jeu.  ‘’Ça suffit !  Je t’avais bien dit que tu finirais par te faire mal !’’  Mais si l’enfant prend le prétexte d’une blessure sans gravité pour libérer ses émotions, le jeu ne présente toutefois aucun danger ; il n’y a donc pas de raison d’y renoncer.  Souvent, il suffit de marquer une pause, le temps d’écouter ce que l’enfant souhaite communiquer, avant de reprendre le jeu – d’autant plus amusant que l’enfant s’est enfin libéré du fardeau de ces douloureuses émotions » (p. 152)

     « La plupart d’entre nous dépensent une énergie mentale considérable à contenir leurs émotions et à inciter leurs enfants à en faire autant.  Le hic, c’est que les émotions ont une irrésistible tendance à s’exprimer en dépit de nos tentatives de les brider.  Il en résulte inévitablement un bras de fer, une lutte intérieure entre leur expression et leur enfouissement.  A trop les contenir, nous finissons par exploser ; ou alors à souffrir de la tension qui s’accumule en nous – et qui se traduit par du stress, de l’anxiété, de la violence ou de la dépression.  Quand les émotions se manifestent tout à coup au grand jour, on pourrait croire que le problème est qu’elles s’expriment trop, alors qu’en réalité, elles ne s’étaient pas assez exprimées ; raison pour laquelle l’explosion s’est produite. » (p. 329)

     

    5.  Les anniversaires et les exclusions

     « Si vous voulez que votre enfant soit ami avec quelqu’un, vous invitez sa famille au grand complet. »
    (p. 287).  C’est ce que nous faisons à la maison.
      happy

     Par rapport au choix des ami-e-s à inviter lors d’une fête (d’anniversaire, par exemple), Cohen estime qu’il revient aux parents de dresser la liste des invité-e-s.  En effet,

    « nombre de petits ont tendance à se montrer cruels sans le vouloir, en excluant publiquement certains de leurs camarades, sans se soucier des conséquences émotionnelles et des profondes blessures que cela peut occasionner.  La liste des invités à un goûter d’anniversaire n’est pas une occasion de donner le pouvoir à l’enfant : le moment de le guider surtout quand est un jeu l’exclusion d’un enfant d’un autre type ethnique ou d’une autre classe sociale, le bouc émissaire ou l’intouchable » (p. 287)

    Évidemment, ce genre de propos m’ont énormément touchée, moi qui ai énormément souffert d’exlusion sociale durant ma scolarité.  Je n’ai pas l’impression que mon fils (ou ma fille) ait déjà rencontré une situation d’exclusion (en tant que sujet ou en tant que témoin).  Je pense que, même sans le livre de Cohen, du fait de mon histoire personnelle, j’aurais été très attentive à ce genre de phénomène.  Je me connais une tendance à me diriger naturellement vers la personne, surtout l’enfant, la plus à l’écart, la plus en retrait ; celle que les autres ont tendance à ignorer ou rejeter.  

    La suite du compte-rendu dans un autre billet: Épisode 3: laisser l'enfant gagner  - encourager l'expression des émotions - l'humilité de l'adulte qui se trompe - le "non" qui contient



    [1] "N'oublions pas de réconforter tout autant celui qui a reçu des coups que celui qui en a donné.  Ce dernier aussi a besoin d'un peu de notre attention et pas sous la forme d'une punition" (p. 413)

    [2] Voy. http://strasbourgobservers.com/2012/09/10/eppur-e-lultima-ratio-le-murmure-galileen-de-francoise-tulkens/

     
    [3] « Rien ne m’agace plus que les excuses pas sincères pour deux sous des enfants qui veulent juste que papa et maman leur fiche la paix.  Malgré tout, je vois sans cesse des parents tomber dans le panneau de demander ce type d’excuse » (p. 412)
     
    [4] « Qu’est-ce qui est pire ?  Faire quelque chose exprès, s’en vouloir et présenter des excuses ou agir par mégarde et s’en ficher ? » (p. 375)  
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