• 22 février '15 - Le parentage ludique 1 - Ré-action

    Jouer avec son enfant ? Une thérapie en soi ?  C’est le postulat de Lawrence Cohen qui nous livre ses recommandations et ses expériences dans Qui veut jouer avec moi ?  Un bouquin recommandé par Filliozat (c’est ce qui m’a incitée à le lire).

    Ce manuel soutenant la parentalité ludique soulève en moi bien des réactions.  Lu en septembre 2014, le bouquin m’apparaissait comme des redondances de ce que j’avais déjà découvert ailleurs. 

    En même temps, ma réflexion la plus entêtante au cours de la lecture de ce livre fut : « Et les besoins des parents, bord*l ?  Tu en fais quoi, mec ? » Bon, en des termes plus polis, je dirais : « Nom d’une pipe, ok, les besoins des enfants sont primordiaux.  Mais quoi ?  Nous, parents, nous devons nous assoir sur nos propres besoins (style, au hasard, besoin de calme) parce que c’est normal, les enfants sont pétulants.  Et cela sous prétexte que, nous, nous sommes adultes et eux/elles, des enfants.  Et nous, quoi ?  Même si notre réservoir est vide, nous avons le devoir de le remplir tout en remplissant celui de notre enfant ?  Ok, j’aime bien ta théorie mais dans la vraie vie, on fait ça comment ?  Remplir notre réservoir quand on bosse plus de 37 heures par semaine, qu’on doit faire les courses, à manger, le ménage, payer les factures et que lorsque les enfants sont au lit, il est 20h dans les meilleurs des cas, plus souvent 21h, et qu’on n’a qu’une envie : aller dormir ? On devrait quand même jouer avec les enfants alors qu’on n’en a pas envie, et faire un effort ; parce qu’on se contraint bien à certaines choses dans notre vie professionnelle ?  Parce que elles et eux, on les contraint bien à rester assis-es sur une chaise à longueur de journée à l’école.  »[1]

    Bref, j’ai identifié une double contrainte dans ce livre, comme, de manière générale dans les propos des pro-éducation bienveillante/positive/non-violente : aimer ses enfants de manière inconditionnelle, remplir leur besoin d’attachement (image du réservoir) ET être authentique lorsqu’on est avec eux/elles.  Plus concrètement, cela pourrait impliquer de jouer avec les enfants alors qu’on n’en a pas envie ET être authentique donc réellement aimer jouer avec eux/elles.  Vous captez le paradoxe ?

    Face à ce paradoxe, plusieurs pistes sont envisageables, selon notre humeur, selon les moments, selon la tranche de notre vie, selon les livres et l’autrice-eur des bouquins :

    1-     envoyer valser tous les manuels et autres recettes d’éducation

    2-     tenter d’appliquer à la lettre ou le mieux possible , tel-le un-e bon-ne élève, ces recettes d’éducation

    3-     sélectionner les recettes qui nous parlent, que nous faisons déjà et n’appliquer que celles-là ; envoyer paître l’auteur ou l’autrice pour le reste de ses propos.

    Toutes les attitudes me paraissent acceptables pour autant qu’elles sont le fruit d’une réflexion préalable et non, la « ré-action » à un problème, une sorte de fuite (voire, de fuite en avant). 

    Pour ma part, j’ai tenté dans un premier temps « l’option 1ère de classe ».  Cela a débouché sur beaucoup de culpabilité et de colère. 

    Il est néfaste de laisser un bébé pleurer.  Dès que mon nourrisson commençait à pleurer, je me sentais le devoir d’accourir.  Je stressais à l’idée de le laisser pleurer ne serait-ce qu’une minute.  Plus longtemps un-e enfant pleure, plus longtemps elle mettra pour retrouver un apaisement, n’est-ce pas ?   J’ai été bercée par la lecture des livres d’Elisabeth Pantley (Pour un sommeil paisible et sans pleur que je n’ai pas réussi à lire) ; de Jean Liedloff (Le concept du continuum que je n’ai aussi fait que feuilleter – pas réussi à lire jusqu’au bout) ; de Catherine Dumonteil-Kremer (Elever son enfant… autrement, un de mes livres de référence) ; de Claude Suzanne Didierjean-jouveau (Ne pleure plus bébé ) ; etc. etc.  Filliozat aussi s’inscrit dans cette lignée…J’ai aussi lu (tenté de lire, devrais-je dire) Aletha Solter (Pleurs et colères des enfants et des bébés). 

    Je me souviens parfaitement de mon stress lorsque mon enfant commençait à pleurer alors que j’étais dans la salle-de-bain (la douche était mon seul moment de détente de la journée). Même faire pipi sans stress devenait une gageure.  Je me souviens d’avoir ressenti de la colère énorme.  Et au bout d’un moment (très long), j’ai décidé que les beaux conseils étaient juste impossibles à appliquer.  En tout cas, pour moi.  Car j’étais constamment sous stress, et me sentais coupable dès que mon enfant pleurait et que je n’étais pas justement près de lui pour répondre à son appel.

    A force de m’auto-flageller et de stresser, j’ai tout doucement commencé à me révolter et à prendre du recul.  De fait, j’ai abandonné ma détermination d’être une bonne mère, ou plutôt devrais-je avouer, non sans fard, d’être une mère « modèle » dans le genre « éducation proximale ».  Si le maternage proximal, c’est respecter l’enfant au point de s’oublier soi-même, au point que le respect de l’enfant passe par le déni de soi, c’est que le maternage proximal n’est pas fait pour moi ; ou c’est que je l’ai mal compris.  J’ai opté pour cette réponse.  Parce que, comment peux-tu, me disais-je, en tant que mère, apprendre à ton enfant à écouter ses propres limites et à les exprimer (dire « non » quand on l’agresse ou dire que quelque chose ne lui convient pas) si, toi, mère, tu n’écoutes pas les tiennes et ne les exprimes pas ?  Hein, tu m’expliques cela ?  Surtout fais ce que je te dis, pas ce que je fais.  Pouf, cette réflexion a tapé juste.  Dans le mille.

    Du coup, j’ai eu cette tentation de tout envoyer balader, mais c’était impossible car, il est indéniable, que je me retrouve dans les propos du parentage positif et bienveillant.  Dans ma propre histoire, envoyer tout valser était impossible, inapproprié, contre-productif, et me laissait démunie devant mes interrogations et dans mon quotidien.  Les livres me fournissent des pistes de réflexion que je tente de confronter/appliquer à la réalité.  Ignorer les livres était l’option qu’un jour une commentatrice de mon billet sur « Il est permis d’obéir » m’invitait à emprunter, invitation empreinte d’un certain jugement de valeur sur l’importance que je peux accorder aux livres « recettes d’éducation ». 

    La dernière option envisagée plus haut serait-elle la plus raisonnable ?  Ne prendre que ce qui nous parle ?  Évidemment, me rétorquerez-vous.  Il ne reste plus que celle-là…  Pas si sûre.

    En gros, et intuitivement, c’est sans doute que ce que nous faisons toutes.  Nous avons une idée, et dans un texte, chez un-e auteur-trice, nous ne reprenons que ce qui conforte notre opinion.  A vrai dire, cette manière de procéder est intuitive et, ma foi, très confortable.  Ceci, cela est vrai pour tous-toutes.  Autrement dit, les parents qui estiment nécessaire de punir/giffler/fesser vont trouver les auteurs-trices et textes qui renforcent leur choix  (le Pape a fait une sortie sur les fessées.  Voyez notamment ici)

    Par conséquent, je suis relativement circonspecte avec cette voie du milieu.  Aussi.

    Je vous entends d’ici :  Alors quoi ?  C’est quoi ton avis ?

    Je suis partisane de la parentalité bienveillante et soutenante, de la parentalité ludique à la Lawrence Cohen, ET de l’esprit critique.  Le discernement est indispensable en toute chose.  Et c’est marrant, Lawrence Cohen pense aussi qu’ 

    « il vaut mieux développer la faculté de jugement d’un enfant, que de lui demander d’obéir » (p. 376)

    Donc, ce que l’auteur invite à encourager chez l’enfant, moi, je vous invite à le pratiquer dans votre chef.  En toute occasion.

    Tout ceci précisé, mon sentiment de réaction et de colère lancinant exprimé, je peux maintenant reconnaître les petites phrases et réflexions inspirantes du livre de Lawrence Cohen.  Rien d’innovant pour une grande lectrice comme moi.  Mais, suffisamment pertinent pour que mon livre regorge d’annotations et de mots soulignés.  Qui a dit qu’il fallait être innovant-e pour être intéresssant-e ? ;-)

    A suivre pour le compte-rendu du livre...

    Épisode 2: réservoir - l'enfant qui fait mal - je suis désolé - les exclusions

    Épisode 3: laisser l'enfant gagner  - encourager l'expression des émotions - l'humilité de l'adulte qui se trompe - le "non" qui contient

     

    ***



    [1] « La difficulté d’un adulte à rétablir le contact n’a parfois pas d’autre explication que l’ennui ou la fatigue.[...]  Notre mission de parents nous oblige à mettre de côté nos contrariétés pour jouer quand même.  Avec enthousiasme, si possible. Au mieux, jouer nous amus autant que nos enfants.  Et si ce n’est pas le cas, parce que nos batteries sont à plat, il est de notre devoir de trouver l’énergie de nous impliquer auprès d’eux.  Après tout, nous réussissons bien au travail.  Pourquoi ne pas faire l’effort en famille ? » p. 443.  [je mets en gras] 


    « Il y a fort à parier que nous trouverons alors le temps moins long.  Et même si c’est le cas, il est souhaitable de persister à jouer.  Nous obligeons bien les enfants à aller à l’école alors que la majorité s’y ennuient.  Jouer à un jeu que nous ne trouvant pas palpitant est bien le moins que l’on puisse faire ! (p. 447)

    "Les crises de larme ou de rage ne sont pas les seules à perturber les adultes.  Il arrive également que l'excès de pétulance d'un enfant nous importune. Soit il fera trop de bruit à notre goût [comme en ce moment, mon fils qui joue à mes côtés au moment de rajouter cet extrait du livre de L. Cohen], soit que nous craindrons qu'il casse nos précieux bibelots [je ne vais plus avec les enfants dans un tel endroit que si vraiment, je suis obligée].  Il n'est pas interdit d'accompagner dehors un enfant remuant [oui, si moi, je suis occupée sur l'ordi à ce moment-là? Je lâche mon envie de travailler pour l'envie de mon fils de jouer avec bruit?] , mais il serait regrettable de saper sa joie de vivre.  Sa présence pleine d'énergie vous manquera plus tôt que vous ne le pensiez.  Pourquoi ne pas vous amuser avec lui?  Cela vous fera du bien; à vous et à votre relation à tous les deux.  (et si moi, j'ai envie de calme et de rester au chaud!?). " (p. 335)

     

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