• [2012-02-03] Eduquer à l'obéissance, un oxymore ou une lapalissade?


    1-    étymologie
    2-    éduquer à obéir pour un jour donner la possibilité de désobéir
    3-    avant d’interdire, l’autorité autorise
    4-    l’autorité de l’infantile (avant l’autonomie motrice)
    5-    la cohérence éducative remise en question
    6-    l’autorité, une relation qui s’apprend
     
    « Je n’apprends pas à mes enfants à obéir.  Un jour, alors qu’une balançoire était sur le point de percuter ma fille, je lui ai crié de se coucher.  Sans hésiter, elle s’est couchée.  J’estime qu’elle ne m’a pas obéi, mais qu’elle m’a fait confiance ».  Il ne s’agit sans doute pas d’une citation textuelle, mais, j’ai à peine modifié les mots, encore moins l’idée.  Voici l’affirmation que j’ai lue d’une maman qui se défend de vouloir inculquer l’obéissance à ses enfants.

    La lecture de cette phrase m’avait remplie d’une colère énorme.  Je suis encore très surprise par la déferlante d’émotions (colère, perplexité, découragement, interrogation, etc.) que cette position d’une mère a déclenchée en moi.  Le moins que je puisse écrire, c’est que ces mots ne m’ont plus quittée et qu’ils ont suscité chez moi une profonde envie de « travailler » ce sujet.  Quelle hypocrisie, me disais-je !  Qu’elle joue avec les mots !  « Non, les enfants n’ont pas besoin de limites, de cadre, mais je ne leur permets toutefois pas tout ».  Alors, quelle est la différence entre mettre des limites, poser un cadre et ne pas permettre tout ?

    Pour moi, obéir n’est pas synonyme de se soumettre.  J’ai donc demandé à cette maman pourquoi elle mettait sur le même plan obéir et se soumettre.  Elle m’a répondu qu’il me suffisait d’ouvrir le dictionnaire.  Ce que je fis.  Et effectivement…Selon le petit Larousse de 2003 et celui en ligne :

    Obéir v.t.ind. [à] (lat. oboedire).  1. se soumettre à la volonté de qqn, à un règlement.  […] 4. être soumis à une force, à une nécessité naturelle.

    Même le dictionnaire de Caen donne comme synonyme à obéir : se soumettre.

    Alors, forcément, être soumis, j’y ai tout de suite vu une connotation négative.  Et là, j’ai été littéralement saisie par le doute !  Est-ce légitime de demander à un enfant d’être soumis ?

    C’est suite à la lecture de cette phrase que je me suis intéressée à la notion d’obéissance, ou plutôt de désobéissance.  J’ai notamment lu l’excellent ouvrage d’Albert OGIEN, Sandra LAUGIER, Pourquoi désobéir en démocratie ? [2010] ; j’ai même lu « La désobéissance civile » d’Hannah Arendt.  De mes lectures [j’ai tenté d’en énumérer quelques unes ici, mais ce serait trop long], que ce soit dans le domaine de l’éducation que dans celui de la consommation consciente, j’en suis arrivée à la conclusion qu’il règne indéniablement un conformisme ambiant, que la peur de désobéir ou l’habitude d’obéir étaient telles que des injustices et absurdités criantes pouvaient advenir et perdurer, et ce, au vu et au su de tous.  Suite à ces lectures, j’ai acquis l’intime conviction que notre éducation inculquait exagérément le devoir d’obéir.  Du coup, je comprends mieux la position de la maman citée plus haut.  Et clairement, j’oscillais vraiment entre, d’une part, accepter qu’éduquer implique d’exiger, à certains moments, l’obéissance et, d’autre part, rayer ce vocable de mon arsenal éducatif, pour lui privilégier la confiance et la négociation.

    En même temps, dans l’éducation, il est des moments où, il n’y a rien à faire, ce que je « demande » à mon fils relève quand même de l’obéissance.  Le nier serait témoigner d’hypocrisie, du même ordre que celle de la maman citée plus haut.  Je me trouvais donc entre deux chaises…Position désagréable, s’il en est.  Car comment être convaincante quand je demande mon garçon de monter ou de sortir du bain alors qu’il manifeste ostensiblement son désir contraire ?  J’avais bien en tête les écrits des « experts », des « sachants ».   Si un enfant n’obtempère pas à un de vos ordres, cela peut venir du fait qu’il sent une marge de négociation possible, ou parce qu’il sent votre ambivalence par rapport à cet ordre.

    Quel dilemme donc !  Je demande quelque chose à mon fils tout en ne sachant pas si je suis favorable à me faire obéir…Donc, je dois transpirer le doute qui laisse à penser que je suis prête à remettre en question mon ordre s’il vient à le contester…

    La conversation récente avec un de mes collègues sur l’éducation sans punition m’a marquée.  La conversation avec ce papa continue et continuera.  Sa question me reste dans mes oreilles.  Elle me semble indissociablement mêlée avec celle de l’obéissance.

    Alors, lorsque j’ai vu ce livre dans la librairie de mon quartier, je n’ai pas hésité à l’acquérir :

    [2012-02-03]  Eduquer à l'obéissance, un oxymore ou une lapalissade?


    Et je le recommande vivement !

    Vous trouverez ici, sur le blog de l’Arc en ciel, vers lequel dirige le site du Groupe  belge d’éducation nouvelle une interview de ce pédopsychiatre. Ce dernier m’était parfaitement inconnu jusqu’à vendredi dernier.  Quelle découverte !  

    J’étais sceptique.  Vous comprendrez que la dissociation de la soumission de l’obéissance ne me paraissait vraiment pas crédible au vu de la définition de cette dernière.  

    J’avais peur d’y discerner des conseils et affirmations à deux sous, comme ceux que je lisais de Claude Halmos lorsque, par le passé, j’appréciais la lecture Psychologies [je n’ai jamais lu aucun livre de cette psy, ses interviews m’en dissuadent à chaque fois].

    Alors, comment l’homme parvient-il à affranchir l’obéissance de la soumission ?

    En recourant à l’étymologie du verbe « obéir » : oboedire, qui vient de audio (« écouter ») avec le préfixe ob- (en face ; devant).  Pour MARCELLI, obéir vient de « tendre l’oreille ».    L’auteur occulte donc complètement le sens et l’évolution de ce terme vers la soumission, pour en retenir l’étymologie limitée au fait d’écouter, de « tendre l’oreille ».

    Et, ma foi, pourquoi pas, si cela permet de sortir de l’impasse ?  Car grâce à ce retour aux sources, Daniel MARCELLI parvient à concilier l’obéissance avec l’éducation et l’autorité.

    L’idée phare de l’auteur consiste à répéter, tel un leitmotiv qu’

    «  apprendre à un enfant à obéir, ce n’est en aucun cas lui apprendre à se soumettre systématiquement !  Dans les relations humaines, la soumission n’est jamais affaire de liberté.  L’obéissance, inversement, lorsqu’elle reconnaît à celui qui obéit la possibilité de désobéir, pourrait représenter la condition paradoxale d’une certaine liberté.  Là siège le profond paradoxe de l’éducation : apprendre à obéir pour, un jour s’autoriser à désobéir.  Jamais l’autoritarisme ni l’exigence excessive de soumission ne pourront parvenir à comprendre ces enjeux si contradictoires et, en apparences, inconciliables » (pp. 90-91)

    J’adore cette idée phare que le but ultime de l’éducation, et par là de l’obéissance, est de permettre l’enfant, un jour à voler de ses propres ailes et donc, de désobéir en conscience !

    « Parce qu’elle se distingue de la soumission, l’obéissance rend possible, allons jusqu’à dire autorise, la désobéissance ». (p. 121)

    « L’éducation consiste précisément à cheminer avec un enfant jusqu’ ce point où nulle main autre que la sienne ne peut le guider.» (p. 125)

    « L’éducation ne consiste pas à tout faire pour que les enfants obéissent, l’éducation consiste à élever jusqu’à ce point où ils pourront choisir d’obéir ou de désobéir ». (p. 126)

    « L’éducation consiste à faire en sorte que l’enfant obéisse aux règles mais aussi qu’il ne soit pas désarçonné par les exceptions et les surprises ».  (p. 228)

    Mon enthousiasme, lequel ne signifie pas adhésion à tout ce que dit cet auteur, s’explique également par l’autre postulat de départ : avant d’interdire, l’autorité autorise.  L’auteur insiste lourdement sur cet autre impératif : « le parent commence par autoriser avant d’interdire » (p. 162)

     
    « En premier lieu donc, l’autorité autorise avant d’exiger ou d’interdire : l’enfant est régulièrement autorisé et, de temps à autre quand cela paraît nécessaire, une limite est donnée.  Il faut le redire : ce qui donne à l’interdit sa signification émerge de l’arrière-plan d’autorisations ! »  (pp. 162-163)  Je souligne.

    Dolto défend la même chose dans ses écrits.  

    Je crois vraiment qu’il est dit ici quelque chose de primordial : dans une éducation qui s’appuie sur l’autorisation, les interdits, rares, sont plus faciles à gérer et pour l’adulte et pour l’enfant.  L’obéissance est plus spontanément obtenue dès lors que l’enfant sait qu’à côté de cette frustration-là, d’autres champs de possibles sont à sa portée.  

    De plus, précisons, à l’instar de MARCELLI, qu’avant l’autonomie motrice, un bébé n’obéit ou ne désobéit pas.  Il est, il fait.  Il ne peut obéir.  Au contraire, jusque-là (aux alentours de 8-10 mois), si on peut parler d’autorité, c’est d’autorité de l’infantile.  Autrement dit, « dans les premiers mois les adultes se mettent ‘’au service’’ du bébé ».  Je ne développerai pas ici tellement cela me semble évident.  Pourtant, à entendre certaines personnes de mon entourage, je sais que cette évidence ne s’impose pas à elles, qui, déjà, parlent de bêtises et de caprices…Soit.

    Avec l’autonomie motrice peut commencer l’apprentissage des interdits.  Pour MARCELLI, les explications ou justifications ne doivent pas obligatoirement précédées l’énoncé de l’interdit.  « En revanche, après que l’enfant a obéi, ces explications viennent comme un élément de reconnaissance de son obéissance ».

    Les exemples sont très parlants.  Trois m’ont marquée : le square, le couteau, et l’enfant dans la salle d’attente.  

    Pour ce qui est du couteau, l’auteur raconte que, pour un parent face à son enfant qui saisit un couteau, la réaction appropriée est de demander instamment, sans hésitation, à son bébé (ici, on parle de bébé qui découvre la liberté motrice) de poser l’outil : « pose ce couteau », et ce en le regardant bien droit dans les yeux.  Les explications sur la dangerosité du couteau suivent le geste de dépôt.  L’auteur compare une telle attitude à celle, critiquable du parent qui, affolé, arrache l’ « engin », des mains de son fils.  Dans le 1er scénario, c’est l’enfant qui a agi, qui a posé l’acte, suivant l’ordre de l’adulte dont le ton ne trompe pas sur son caractère indiscutable.  Dans le second scénario, l’enfant subi un acte imposé et « agi » par sa mère qui prend et dépose le couteau.  « Il a subi passivement son activité propre ; sur le moment, il ne comprend pas grand-chose sinon que sa mère a crié et que lui-même a eu peur » (p. 117)


    Ce qui m’intéresse, c’est la suite de ce second scénario.  «  Soit l’enfant continuera à se soumettre à cette peur au prix d’une inhibition et d’une incompréhension durable.  Soit, curieux, il n’aura de cesse de chercher à comprendre en quoi, le couteau est un objet si particulier qu’il a pu mettre sa mère dans cet état et, par conséquent, à s’en emparer dès que celle-ci aura le dos tourné…Il n’obéit pas, provoque la colère parentale quand on le découvre, accompagnée du besoin de lui retirer le couteau des mains, précisément parce qu’il n’obéit pas !  Rapidement, cet enfant ne comprendra plus que la soumission » (p. 117)


    Dans un de ses livres (Au cœur des émotions de l’enfant ou Il n’y a pas de parents parfaits), Isabelle Filliozat rapporte une scène similaire, à propos d’un garçon, qui lors d’une fête, jette des cailloux sur un invité à table.  Ce geste provoque la colère de ses parents.  L’enfant ne comprend pas, et veut s’assurer que c’est bien le fait d’avoir jeté les cailloux qui est à l’origine de l’ire de son père ou sa mère, du coup, il reprend une poignée de petites pierres et réitère son geste…catastrophe assurée…et beaucoup d’incompréhension pour le garçon…

    Pour MARCELLI, l’autorité qui autorise avant d’interdire ou d’obliger instaure une relation de confiance avec l’enfant.  Cela implique que « les parents apprennent à l’enfant à demander avant de prendre » (p.  117).  Cela est venu me titiller.

    C’est que mon fils me demande, ou à mon homme, très souvent, « je peux ? » avant de prendre / toucher un objet.  Quand je dis très souvent, c’est que parfois, même, pour ce qui me paraît des évidences (mais, c’est sans doute là qu’est le quiproquo, ce qui me paraît évident ne l’est sans doute pas à ses yeux), il me demande mon autorisation.  

    L’exemple de l’enfant en salle d’attente m’a tout de suite fait penser à mon collègue qui se demande comment éduquer sans punir.  Voici la scène.  Thomas est un enfant en salle d’attente qui ne cesse d’importuner les secrétaires.  Il ne figure pas parmi les patients de Marcelli.  Ce dernier ne le connaît donc pas.  Toutefois,  vu le remue-ménage que l’enfant cause, le pédopsychiatre lui demande de rester calme. Thomas lui répond d’un ton que d’aucuns qualifierait d’effronté.  Le spécialiste décrit ce qu’il ressent :


    « Bien que pédopsychiatre expérimenté, je ne peux m’empêcher de ressentir dans l’instant de cette interaction une attitude de défi de la part de Thomas, avec une dimension de moquerie (son petit sourire en coin) et un fugace sentiment d’être bafoué dans mon autorité dont la trace est un affect d’irritation qui m’envahit…  Il est rare que j’intervienne de la sorte mais quand je suis amené à le faire, les enfants ‘’obéissent’’ assez facilement.  Identifiant rapidement ces émotions, je m’accroupis pour être à sa hauteur : ‘’Non, je n’ai pas l’intention de te courir après ni de te faire du mal !  Je veux que tu viennes avec moi dans la salle d’attente.’’  Finalement, Thomas se laisse prendre par le bras (pas par la main qu’il refuse de donner) et reste quelques brèves minutes dans la salle.  Heureusement, on vient alors le chercher. » (pp. 76-77).


    MARCELLI décortique cette scène.


    « Il refuse de ‘’donner la main’’ et il faut lui ‘’’prendre le bras’’, différence subtile mais évidente entre l’obéissance et la soumission.  Il est vrai que le sourire et le regard dans les yeux donnent à l’adulte le sentiment d’une provocation avec le risque d’une escalade dans la répression »

    Le médecin explique aussi l’importance de s’être agenouillé à hauteur de Thomas, posture qui, de fait, n’était pas menaçante.

    A côté d’autres considérations, dont les arguments ont paru, à mes yeux plus faibles, d’autres très intéressants mais que je ne développerai pas ici (je ne peux que conseiller de lire le bouquin), il en est une, par contre, que je ne peux taire.  Il s’agit de la cohérence éducative.  Dieu que ce terme est courant dans les ouvrages d’éducation, de psychologie.  Papa et maman doivent défendre le même point de vue.  Les auteurs qui disent le contraire sont connus pour leur vision « alternative », comme Filloziat (vous aurez compris que j’aime cet auteur, qui fut une révélation avec Je t’aime, je t’en veux où elle explique que les enfants ne sont pas obligés d’aimer leurs parents !).  

    Et bien, Daniel MARCELLI, que je ne connaissais pas du tout, même pas de nom, ne défend pas une cohérence éducative.

    Certes, pour les grands principes, c’est préférable que les parents s’entendent entre eux.  Mais, l’auteur ne condamne pas du tout, mais alors pas du tout, le fait que papa et maman ne soient pas d’accord sur tout.  Au contraire, il peut être sain pour l’enfant de saisir que l’un et l’autre ont parfois des divergences de points de vue.  Il donne l’exemple du papa qui accepte que son fils mange avec les doigts alors que ce dernier s’en étonne, faisant remarquer que sa maman, elle, s’y oppose.  Et Daniel MARCELLI de donner quelques conseils pour que cette discordance ne soit pas préjudiciable et pour l’enfant et pour les parents (pas de discrédit de l’autre parent.  Voy. pp. 206 et svt + pp. 222 et svt)…

    J’ai adoré ces passages, car comme l’auteur, j’estime qu’il est sain que l’enfant sache que deux personnes peuvent vivre ensemble tout en n’ayant pas la même opinion sur tout, en particulier dans un domaine aussi important que l’éducation.  Je n’estime pas que l’autorité de l’autre parent soit à ce point important qu’elle mérite qu’on punisse ou crie sur un enfant.  L’autre parent qui n’est pas d’accord avec une attitude de son conjoint peut intervenir, devant l’enfant, pour prendre la défense de ce dernier.  Bien sûr, tout est question de mesure.  Toute intervention doit respecter et l’enfant et l’autre parent.  Mais, cette conviction s’est d’autant plus forgée depuis que j’ai appris la notion de « témoin secourable » (Alice Miller, Bruno Betelheim).  C’est aussi le déclic enclenché par la lecture de Je t’aime je t’en veux qui me conforte dans cette position.  Le parent qui est absent ou qui ne dit rien porte sa part de responsabilité dans les propos cassants ou les actes répréhensibles de l’autre.  Le père qui laisse la mère dire à ses filles qu’elles sont grosses porte sa part de responsabilité.  Et ce, quand bien même les adultes assurent que c’est pour le bien des enfants que la mère répète cela, avec la caution du père.

    Par ailleurs, MARCELLI est conscient que « l’autorité n’est pas une relation naturelle ».  

    « On pourrait même dire le contraire : la relation d’autorité est une relation complexe, enracinée dans la culture, une relation qui implique une capacité de retenue, de réflexion, de temporisation, une relation qui ne va pas de soi mais qui s’apprend progressivement.  Les parents ne sont pas toujours en toutes occasions des personnes exemplaires, des modèles de perfection : il leur arrive de faillir et de se laisser aller à l’acte irréfléchi, à la réponse ‘’naturelle’’, plus ou moins impulsive et spontanée. Si le recours à la soumission reste suffisamment rare, alors ces quelques défaillances dans la fonction d’autorité du parent ne sont pas délétères.  Elles auront peut-être même l’intérêt paradoxal de montrer à l’enfant que le parent n’est pas toujours une personne parfaite.  Ces ‘’petites défaillances’’ dans la fonction parentale peuvent, au contraire, montrer la limite propre à chaque personne, les parents comme les autres.

    Enfin, quand le souci principal du parent est de protéger physiquement l’enfant, la contrainte physique peut devenir le recours nécessaire, en l’absence duquel il serait en danger : l’excès de dogmatisme peut aussi être néfaste et s’abstenir de maintenir un enfant qui serait en danger, au seul motif que la maîtrise physique conduit à la soumission, peut aussi masquer une forme subtile de sadisme et de ‘’douce violence’’ à son égard » (pp. 232-233)

    Bref, l’autorité, cela se travaille d’abord avec soi, cela implique un travail sur soi.  Que je rêve que tout professionnel de la petite enfance soit conduit à une telle réflexion personnelle.  Qu’est-ce que l’autorité pour lui ?  Comment se sent-il face à un enfant « qui sape son autorité » ? etc.  Que chacun retienne que « [l]a désobéissance n’est pas un acte de menace directe envers celui qui a exercé l’autorité » (p. 242)

    Enfin, MARCELLI émet des recommandations quant un enfant transgresse une règle (p. 229).  Discernement et hiérarchie sont indispensables.  L’auteur parle de sanction, sans vraiment développer.  Je rattache le contenu de la sanction telle que le définit Dolto dans « Les punitions ».

    Depuis la lecture du livre de MARCELLI, j’ai le sentiment d’être réconciliée avec le terme « obéissance », de ne plus le voir comme une connotation négative.  L’auteur a su décrire les conditions, qui selon moi, rendent l’obéissance souhaitable et constructive.  L’obéissance doit se détacher de la notion de soumission.  Elle implique toujours une liberté, car, elle s’inscrit dans une éducation qui mène l’enfant à un jour désobéir en conscience à ses parents, parce que celui-ci assumera ses propres idées et positions, et ce, parfois, au détriment des valeurs véhiculés par ses vieux.  Et c’est à cette autonomie que doit conduire l’éducation.  

    De plus, pour que l’obéissance ait un sens, elle relève d’une relation de confiance avec une autorité.  Laquelle, avant d’interdire ou d’ordonner, autorise.  Une autorité autorise.  Et c’est exclusivement sur un lit d’autorisations que les rares interdictions prendront tout leur sens.   

    Enfin, l’autorité s’apprend, est loin de relever d’une relation naturelle.  Elle ne se décrète pas.  Elle s’établit sur base d’une confiance mutuelle.  C’est parce que l’enfant sait que l’obéissance que je lui demande vise à le protéger qu’il m’obéit.  Alors, assurément, dans ces conditions, j’accepte pleinement la notion d’obéissance dans la fonction éducationnelle.

    « [2012-02-03] Fabienne LOODTS, Le livre des nuages [janvier 2012][2012-02-07] "Douch est un Cambodgien comme moi" LLB 04/02/12 »

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  • Commentaires

    1
    FrançoiseBz
    Mardi 7 Février 2012 à 23:05

    ... Que de mots!

    Mais si comme tu le dis l'obéissance découle de la confiance, il me semble que, tout comme la confiance ne s'enseigne pas, l'obéissance non plus! Tu ne trouves pas?

    Je suis très circonspecte vis à vis de tous ces bouquins qui sortent ces temps-ci et nous parlent d'autorité, d'obéissance, de limites, de cadres, d'enfants-rois, d'enfants-tyrans... Malheureusement tout cela est bien dans l'air du temps et si nous suivons ce "prêt à penser" au lieu de faire fonctionner nos neurones, nous risquons en définitive de ne pas faire de nos enfants les citoyens libres que nous voudrions qu'ils soient. Ne serait-ce pas justement l'effet recherché? (outre le faire de gagner des sous en vendant des livres à des gens qui n'en ont pas si besoin que cela)

     

    « On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est.  » (Jean Jaurès)

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    2
    Den Profil de Den
    Mercredi 8 Février 2012 à 12:11

    Le débat est loin d'être clôt...Pour moi, pourtant, les choses sont claires.  Et non parce que je lis des livres qui font gagner des sous à leurs auteurs, mais parce que je lis, je mâche et digère ce que je lis ET VIS.  Si, pour toi, lire un livre se limite à prendre du "prêt à penser", nous n'avons pas du tout la même vision du livre.  Je ne fais pas dans le "prêt-à-penser".

    Cet échange me rappelle un autre échange qui a eu lieu sur un forum.  J'y listais les bouquins en ma possession, pour les mettre à disposition d'autres parents.  Et horreur, dans cette liste, il y a le livre de Thirion sur le sommeil (en co-auteur). Une des mamans du forum s'est insurgée que je puisse citer ce livre.  Vade retro satana...Une autre maman demande, candide, si vraiment, elle peut oublier ce livre...L'autre de répondre clairement par l'affirmative car Thirion et sa co-auteur y conseillent ce fameux remède à 2 balles qui consiste à laisser pleurer son nourrisson 5 minutes, puis, 10 minutes, puis 15 minutes, etc.

    Alors, là, j'ai rigolé rouge.  façon de parler. 

    Et si on laissait chacun se faire une opinion, lire ce que chacun veut, réfléchir, et avancer dans son raisonnement? 

    Et si certains pouvaient avoir l'humilité de comprendre qu'il n'est pas obligatoire d'être d'accord avec TOUT ce que pense quelqu'un, fut-il un auteur, fut-il un spécialiste, fut-il un "sachant".  Et, soit dit en passant, que ces personnes comprennent qu'avoir (et lire) un livre de qqun ne signifie pas non plus automatiquement qu'on adhère à ses idées.

    Maintenant, on pourrait disserter sur ce que tu dis, quand tu prétends que l'obéissance ne s'enseigne pas, comme la confiance ne s'enseigne pas.  Si, l'obéissance "s'enseigne", du moins, s'apprend, se construit, d'abord dans le chef des parents.

    Rappeler qu'avoir de l'autorité, ce n'est pas se faire obéir au doigt et à l'oeil.  Ce n'est pas crier plus fort que son fils...Je trouve cela positif.

    Maintenant, si tu considères que tu ne mets pas de limites, ou de cadre à ton enfant car il n'en a pas besoin, c'est ta manière de voir ou de dire les choses.  Si, pour toi, dans l'exemple cité par cette maman, ce n'est pas de l'obéissance mais de la confiance, je m'en réfèrerais à ce que j'ai écrit.  Je considère que cette position n'est pas dénuée d'hypocrisie.

    Tu te dis circonspecte avec ces thèmes à la mode. Tant mieux pour toi si tu n'as pas besoin de telles lectures.  Et oui, le fait que cela vienne à la mode est symptomatique et les sociologues (et psychologues, historiens, et autres) n'ont pas attendu pour étudier cette évolution...

    En tout cas, pour en terminer, au risque de me répéter, quel dédain que de penser que ceux qui lisent certains livres sur certains sujets se soumettent à du "prêt-à-penser".  Que ceux qui défendent une telle critique communiquent à la masse de gens trop cons pour penser par eux-mêmes, ce qu'ils peuvent lire pour approfondir leurs questionnements et leurs réflexions, sans se faire accusés de vouloir du "prêt-à-penser".

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