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19 juin '14 - HP ou le sujet qui fâche et qui me fait perdre sur tous les bords
Nous sommes toutes et tous des HP
Après la pleine conscience, c'est sur une nouvelle autre tendance très à la mode également que mes propos vont se pencher. La HPitude des gens! Avez-vous remarqué comme tout le monde s'auto-proclame HP (en Belgique, on ne dit plus surdoué - trop connoté - mais HP comme haut potentiel - tout autant connoté, selon moi ). Quand les gens n'osent pas se qualifier comme tels, ils et elles (surtout elles, ai-je noté) drapent leur enfant de cette particularité. N'en déplaise à Jeanne Siaud-Facchin qui dans L'enfant surdoué (p. 171) prétend que les parents sont les meilleurs prédicteurs. Si ceux qui manquent d'objectivité ne représentent qu'une minorité, force m'est de conclure soit que je suis entourée que de HP, soit que je suis entourée de cette minorité de parents. En effet, mon expérience me guide à constater que, dès lors que le sujet HP est abordé, les masques tombent. Il pleut des HP. L'un parce que son enfant obtient 90 % sans effort dans une école élitiste, l'autre parce que son enfant connaît l'alphabet avant ses copains et copines. Bref, les indices ne manquent jamais.
Et pour tout vous dire, pour confirmer comme cette mode est tendance...je suis comme tout le monde, à ma très grande déception, j'en suis moi-même venue à me poser cette question. Suis-je HP? Mon enfant est-il HP? Comment, diable!, suis-je tombée dans le panneau?
Une copine HP
Les faits remontent à la fin de l'année dernière. Lors de retrouvailles avec une copine que j'apprécie pour sa simplicité, laquelle inclut une humilité (réelle, pas la fausse) rare de nos jours, celle-ci me confia très rapidement qu'elle avait fini, alors qu'elle s'était jurée ne jamais céder, par se faire tester. Première pensée, encore naïve: "tester, tester....Quoi? HIV? Non, ça ne colle pas avec son air...de quoi elle cause? " Je suis tombée des nues lorsqu'elle m'a parlé de HP. "Oh non, pas toi ! pas toi aussi! Ce sont les personnes désireuses de se mettre en avant qui revendiquent cette étiquette. Tu n'es pas comme ça. Pas toi! Tu n'as pas besoin de cela." J'ai été envahie par une vague de déception mais son humilité, la simplicité de son comportement m'a convaincue de l'écouter avec la plus grande ouverture d'esprit. L'écouter pour la comprendre. Elle avait effectué un test auprès d'un ou une psychologue, elle reposait donc sa prétention sur autre chose que sa subjectivité. C'était déjà un point pour elle. Je lui enviais de pouvoir revisiter son enfance avec cette grille de lecture. Et aussi de pouvoir mettre des mots sur ce qu'elle était depuis cette révélation. Elle avait ainsi découvert, à son grand soulagement, que le fait pour elle de voir les chiffres et les notes de musique en couleur porte un nom scientifique: la synesthésie. Oh, je l'enviais, cela doit être joli de voir les chiffres en couleur, moi qui suis en mauvais termes avec eux...La déception, l'envie, le tout chapeauté par une colère diffuse. Diffuse mais bien présente et forte, très forte. Elle m'envahissait, envahissait tout mon tronc. Et incompréhensible. Je ne comprenais pas l'origine ni la cause de cette colère.
La colère comme point de départ
Cette colère fut un point de départ. Un point de départ essentiel. La colère et la haine que je pouvais ressentir par ailleurs, je la trouvais certes démesurée mais je parvenais quand même à en donner des raisons. Pour cette colère et cette tensions dans mon corps et dans mon estomac face à cette question de HP, seul le vide se présentait devant moi. Je ne pouvais la rattacher à aucune raison objective. Du moins, en ce qui concerne mon amie. Parce que pour le reste, rationnellement, je peux dire sans peine que je suis remontée contre les étiquettes qui visent, selon moi, à porter une marque de distinction pour nourrir son ego: HP, BABI...
Cette conversation avec mon amie, et la colère qui avait été réveillée, m'ont beaucoup travaillée à ce moment-là. Je parlais de ce sujet autour de moi. Mais mes pistes de réflexion sur les raisons de ma colère se perdaient dans des méandre nébuleuses. En clair, elles ne débouchaient sur rien. J'étais à deux doigts de laisser tomber quand le message d'une maman m'interpella. Elle s'interrogeait sur la HPitude de son enfant. Sa description du comportement de son enfant commença par une phrase qui ne manqua pas de hérisser mes poils: bébé, sa fille était un BABI. Entendez, un bébé aux besoins intenses. Pour le reste, l'attitude de l'enfant ne différait pas tant que cela de celle de tous les enfants...du moins, de mon grand.
J'avais deux possibilités: passer mon chemin ou foncer dedans et voir ce que cachait cette colère. Et c'est là que le fait d'être en pause-carrière montre tout son avantage : la disponibilité pour creuser ce genre de choses qu'en temps ordinaire, l'ouragan du quotidien empêche de s'y attarder. Je me suis donc décidée à consulter (l'E.M.D.R. et plus tard, la pleine conscience).
Les BABI, une étiquette de plus
Relancée, décidée à pondre un article incendiaire sur cette mode HP et BABI, je me suis décidée à visiter un site qui explique ce qu'était un BABI. J'avais déjà été une fois sur un tel site. Je m'étais empressée de zapper. Les descriptions des BABI ressemblent aux descriptions des HP, ou aux descriptions de l'astrologie. Il y a tellement à boire et à manger que nous nous y retrouvons toutes et tous dans les descriptions. C'était mon opinion lorsque Fiston avait quelques mois. Elle n'a guère changé. Sauf que...Sauf qu'il faut bien avouer que cette description colle très bien à Fiston. Mais pas du tout à ma Princesse. Je vous laisse surfer BABI sur internet. Ce sont toujours les mêmes mots (que les blogs se piquent aux uns aux autres). Lorsque Petit Prince était petit, j'avais haussé les épaules: pour moi, TOUS les bébés sont aux besoins intenses. Mon bébé est EXACTEMENT TOUT ce que vous décrivez. Et il est comme tous les bébés, il a besoin de sa maman. Point. Evidemment, je n'avais que mon bébé. Avec Princesse, j'ai connu une autre speciwoman. Et non, elle ne répond en rien aux caractéristiques des BABI. Elle a un tempérament différent. Alors, suis-je ok pour parler des BABI...Bah, je réfute toujours l'étiquette et tout ce qui s'ensuit. Mais...mais, j'en suis quand même venue à nuancer ma radicalité. Si je refuse l'étiquette, je dois quand même reconnaître un fait: mon aîné correspond totalement à la description d'un BABI. Et tous les enfants ne sont pas comme ça. Pour preuve, ma seconde ne colle aucunement à la liste des qualificatifs...Première brèche donc...
Une littérature vulgarisée décevante, un pré-test qui ne veut rien dire
Après les BABI, je me décide à explorer la piste des HP. J'écume la toile. J'achète un bouquin. Plein d'âneries de raccourcis. Un second, une vraie insulte pour les gens qui ne se collent pas l'étiquette de "surefficient mental", pour les "normo-pensants" (sic), ces "inférieurs" (sic, p. 153) qui perçoivent un décalage nié par les "supérieurs" (sic, ibidem). La littérature vulgarisée est extrêmement décevante à mes yeux. Les vidéos que je communiquais dans ce billet partagent la plupart de mes interrogations et critiques (vraiment, à visionner!).
La lecture de ces ouvrages et des sites internets accentuaient la tension dans mon ventre, la colère également de lire parfois autant d'âneries. J'ai voulu aller plus loin. Je suis allée à une conférence de l'asbl Douance. J'y ai écouté beaucoup de bêtises. "Tout le personnel du service de psychiatrie d'Erasme est HP", "Tout le personnel de la Commission européenne est HP".
Et la colère était toujours présente. J'ai même été jusqu'à rencontrer, par deux fois, une psychologue d'Erasme, spécialisée sur la surdouance. Le questionnaire d'auto-évaluation que j'ai rempli ne me paraît nullement scientifique. Il semble que, selon ce questionnaire, je sois plus proche de la moyenne des HP. Ben, voyons...la validité statistique est nulle: 15 HP et 9 du groupe de contrôle. J'ai refusé la partie du test sur les émotions. En effet, comment donner des réponses tranchées alors que les réponses auraient été drastiquement différentes avant mes 18 ans, entre mes 18 et 27 ans et après 27 ans ? Il n'empêche, ce résultat a renforcé la tension dans mon ventre. Pourquoi être allée jusque là?
Des souvenirs qui émergent
C'est qu'à côté des inepties lues, notamment sur l'enfance et la scolarité, je dois avouer que certains éléments de mon enfance sont revenus à la surface. Des pensées et des comportements qui étaient mon quotidien et que j'avais complètement oblitérés. Je n'y avais tout simplement plus jamais pensé. Alors que j'ai quand même fait une psychothérapie personnelle de près de 2 ans, une thérapie de groupe pendant 1 an, quelques séances de thérapie de couple, plus tard, quelques mois de psychothérapie avec une autre psychologue, encore plus tard, une psychothérapie à tendance psychanalytique, depuis fin de l'année dernière-début de cette année, des séances d'EMDR. Non pas que je sois une bouffeuse de psy, c'est plutôt qu'à un moment, je reconnais tout simplement avoir besoin d'aide. Bref, ce furent autant d'occasions d'explorer mon enfance. Or, certains éléments, pourtant essentiels pour comprendre mon état psychologique d'alors ne m'étaient jamais revenus à la surface.
Pour mon fils ou pour moi?
A ce stade, il est clair que la question mérite d'être posée : qui m'intéresse dans ce cheminement? Mon fils ou moi?
La réponse n'est pas univoque. Disons que c'est parti de moi, de ma colère et de mes interrogations sur mon enfance. Et de là, je n'ai pu fermer les yeux sur le comportement de mon fils. Ce qui a amplifié ma perplexité.
Toujours est-il que c'est cette colère face à la problématique des HP qui m'a convaincue de recontacter le monde psy, que j'avais déserté depuis deux-trois ans, évitant l'hémorragie de mon compte en banque. Depuis ces quelques années de répit, j'avais laissé de côté tous les aspects de "développement personnel", avec un arrière-goût critique (j'ai en tête une des idées phares de ce livre).
Après avoir lu les bouquins, les sites internet, rencontré la psy, j'ai décidé que j'avais fait le tour. J'avais en tête qu'un jour prochain, pas trop lointain, je rédigerais un article pour critiquer les livres lus. Point.
Seulement, il y a quelques jours, une autre copine me propose, sans être elle-même convaincue, et dieu que je la comprends, de voir du côté de la piste HP pour mon fils. Cela relance le débat dans ma tête. Et l'autre jour, après trois heures de déambulations à la librairie, après avoir jeté mon dévolu sur 3 livres dont deux livres enfants, je tombe sur un livre qui me paraissait plus sérieux au rayon psychologie-éducation enfant.
Perdante à tous les coups
La tension qui m'habite peut être résumée ainsi. En écrivant, en m'intéressant simplement à ce sujet que sont les surdoués, je me sens perdante.
1) enfant, j'ai toujours voulu être surdouée. Mes parents vouent une admiration sans borne à l'intelligence cognitive, celle qui est valorisée par l'école. J'étais fascinée. Pré-adolescente et adolescente, j'avais lu déjà pas mal sur cette question. Il m'a fallu faire le deuil de ma surdouance.
2) je réfute la domination de l'intelligence cognitive. Il m'a fallu beaucoup de travail sur moi pour reconnaître, très tard (après l'université) d'autres formes d'intelligences et pour leur accorder une place honorable (et non de sous-fifre à l'intelligence rationnelle).
3) dans cette même veine, je critique énormément le test de QI. Celui-ci accorde une place dominante à l'intelligence visio-spatiale. Ici un exposé que j'ai beaucoup apprécié. Je critique de manière générale toute forme d'examen, de test...
4) Les HP, c'est la mode maintenant, se revendiquent surtout un cerveau différent, du moins, qui travaille différemment. Et surtout, on voit poindre une autre caractéristique sensée les singulariser: l'hyper-sensibilité. Or qui n'est pas hyper-sensible selon les circonstances de sa vie ? Du coup, quel autre critère me paraît plus sensé (c'est le cas de le dire?) si ce n'est le test de QI que je récuse par ailleurs? Vous comprenez pourquoi j'ai l'impression d'être en face d'un poisson qui se mord la queue. Toutes les caractéristiques subjectives ne me paraissent pas suffisamment pertinentes. En même temps, le seul instrument "objectif" me paraît des plus critiquable à mes yeux.
5) Je suis teintée de jugement très dur: se poser la question, c'est déjà, pour moi, faire preuve d'un certain orgueil, d'une certaine prétention.
6) je me trouve donc déjà très prétentieuse de me poser la question. Or, je déteste la prétention. Re-. Vous avez donc raison de me trouver prétentieuse. Ne me jetez pas la pierre. Nul-le n'est parfait-e.
7) je me demande aussi comment (oui, comment ? !) je peux oser me poser cette question alors que je suis simplement archi-nulle, mais vraiment archi-nulle, pour tous les tests de visio-spaciaux. Là où je me connais des points forts, c'est au niveau verbal. C'est bien le seul. Or, des questions d'exemples que j'ai lues sur le test sur la compréhension verbale, j'en retiens ma critique sur le test de QI, elles relèvent plus de la culture générale. Le test de QI est culturel. Il mesure l'intelligence cognitive telle qu'on la conçoit dans le monde occidental (un billet ici en parle de manière implicite). Pour ce qui est de la mémoire de traitement, je possède une excellente mémoire des choses, des événements, des choses dites. Mais je suis incapable de retenir 2 chiffres, voire même un chiffre (les n° de rue par exemple). Pour ce qui est la vitesse de traitement, je pense que je traite assez vite tout ce qui relève du verbal ou les situations. Mais je suis incapable de traiter rapidement des chiffres, des mesures, des figures géométriques, des volumes, des symboles, bref, ce qui compose la majorité d'un test de QI.
8) Bref, dans tous les cas, je me trouve perdante avec cette question de surdoué-e. Soit je ne suis pas surdouée, et je suis prétentieuse de me poser la question, jusqu'à, comme je l'envisage aujourd'hui, vouloir crever l'abcès et passer le test. Seul le prix du test me retenait pour aller jusqu'au bout. Or, j'ai un filon qui semble sérieux pour que cet obstacle n'en soit plus un. Soit je suis surdouée, et c'est reconnaître la validité d'un test que je récuse par ailleurs. C'est aussi regretter que cela n'ait pas été détecté quand j'étais enfant...
Passer le test, pour aller jusqu'au bout de ma démence
Pour aller jusqu'au bout de ma quête. Et voir comment j'accuserai le coup du résultat. Pour mettre fin de manière définitive à un fantasme. Pour ne plus me poser la question pour mon fils. Parce que j'ai l'impression que si le test s'avérait positif pour moi, cela confirmerait une interrogation très prudente à son propos.
Mon fils, parlons-en
S'il était HP, qu'est-ce que ce constat changerait?
Pas tellement pour lui, si ce n'est le regard des autres (des adultes) pour autant qu'elles et ils soient informé-es de ce fait.
Beaucoup plus pour moi: j'ai l'impression que les reproches, pensées mais non-exprimées, de laxisme se tairaient. J'ai aussi le sentiment que je me sentirais moins mise en cause dans les comportements intenables de mon enfant.
Le risque serait que l'entourage de mon fils (dont nous, ses parents) impute tout comportement débordant à sa "surdouance" sans chercher plus loin, avec cette crainte d'abandonner toute tentative pour trouver une issue à ces excès.
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NB:
En ce moment-même où je pianote sur mon clavier, je ne nourris aucune certitude quant à la publication de ce billet. C'est vous avouer comme le sujet est sensible.
Mais, dieu, il est des coups de fil difficile à faire! Je n'imaginais pas qu'il me serait si ardu de former ce numéro. Aperçu de ma voix intérieure: N'es-tu pas prétentieuse? Relis bien sur le sujet? Tu veux vraiment? Avoue, tu ne t'y retrouves pas vraiment, pas vrai? Tu vas faire perdre son temps à cette psy. Franchement, laisse tomber cette idée saugrenue!
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PS: je publie ce billet écrit il y a un bout de temps. Entre temps, j'avais commencé un billet critiquant la littérature que j'avais lue sur le sujet. Et surtout, entre temps, j'ai passé qqch qui semble être le WAIS III. Vous l'imaginez bien, je rédigerai un billet à ce sujet.
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Tags : HP, surdoué, HPitude, tendance, orgueil
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