• Une fois n'est pas coutume.  J'ai envie ce soir de partager un coup de coeur pour une BD découverte grâce à un papa passiflorien qui l'avait emprunté à la bibliothèque d'Auderghem et qui nous a permis d'en profiter.  Il s'agit de: OMNI-VISIBILIS.

    Le scénario est de Lewis Trondheim et les dessins de Mathieu Bonhomme.

    L'intrigue est prenante. En gros:

    Hervé, trentenaire en relation libre avec Chloé, se réveille un matin paffligé d'un don pour le moins curieux: le monde entier voit, entend, sent, ressent  physiquement tout ce que lui-même voit, entend, sent, ressent physiquement. 

    Ce don: une aubeine pour la publicité, et pour les gouvernements.  Je n'en dis pas plus et vous invite à découvrir la BD. 

    J'adore ce postulat de départ et j'aime la chute, avec l'idée qu'elle suggère.  Celle-ci mériterait une autre BD.  Un Big Brother incarné*. 

    *sur Big Brother, voy. aussi les activités de la National Security Agency qui intercepte et enregistre la majorité des mails échangés sur la planète.


    votre commentaire
  • Voici une initiative heureuse...impulsée par des personnalités reconnues (la liste ici - je connais personnellement l'un ou l'autre de ces courageux).  Elle vise à réunir 1000 citoyens belges le 11 novembre 2011 à Tours et Taxis: le G1000. Et ce, en vue d'innover la démocratie pour une démocratie délibérative.  Lisez l'entièreté du manifeste ici.

    Extraits choisis:

    Notre analyse


    1. La crise belge n’est pas uniquement une crise de la Belgique, elle est aussi une crise de la démocratie. Dans une démocratie, les citoyens choisissent de se gouverner eux-mêmes, soit par suffrage direct (comme dans l’ancienne Athènes), soit par suffrage indirect (comme en Belgique). Ce dernier système s’appelle la démocratie représentative : la démocratie par délégation. La Belgique est une démocratie représentative depuis sa constitution en 1830.

    [...]

    Une solution alternative

    La démocratie est un organisme vivant. Mais pour notre époque, celle du web 2.0, aucune nouvelle forme démocratique n’a été trouvée.

    1. L’innovation est stimulée dans tous les domaines, sauf dans celui de la démocratie. Les entreprises, les scientifiques, les sportifs et les artistes doivent innover, mais quand il s’agit d’organiser la société, nous faisons encore appel aux schémas hérités de 1830.

    2. Différents pays occidentaux ont expérimenté ces derniers temps des formes de démocratie délibérative. Dans une démocratie délibérative, les citoyens sont invités à prendre activement part aux délibérations portant sur l’avenir de leur société. Lorsque le conseil municipal de New York s’est posé la question de la réaffectation du site Ground Zero, il a réuni mille New-yorkais pour en discuter. Au Canada, au Danemark et au Royaume-Uni, on a organisé des débats entre citoyens. Et en Islande, en 2011, même la rédaction d’une nouvelle constitution a été confiée à un groupe de vingt-cinq citoyens. Des citoyens qui ont l’occasion de se concerter peuvent trouver des compromis rationnels. Cela a même réussi dans des sociétés profondément divisées comme l’Irlande du Nord.

    3. Aucune véritable tradition de démocratie délibérative ne s’est jusqu’à présent implantée dans le gouvernement belge. Les cinquante dernières années, les représentants du peuple se sont trop occupés de la réforme de l’État pour prodiguer une attention sérieuse à la réforme de la démocratie. La démocratie délibérative offre pourtant une méthode intéressante pour tenter de surmonter certaines impasses de la démocratie représentative. Elle ne prétend pas faire abstraction du fonctionnement des parlements et des partis, mais veut en être le complément. La démocratie délibérative pourrait bien être la démocratie de l’avenir.

    Est-ce comparable à un référendum ? Non. Dans un référendum, on ne fait que voter, dans la démocratie délibérative, il faut aussi parler et écouter. Le débat est le cœur battant de la démocratie. Lorsque les citoyens s’entretiennent réellement, ils réussissent plus facilement à concilier leurs propres intérêts avec l’intérêt général. Les voix de nombreuses personnes peuvent de ce fait aider à enrichir les décisions de quelques-uns.

    [...]

    Principes

    Optimisme. Un sommet des citoyens comme le G1000 reconnaît le sérieux de la crise belge, mais se défend de tout cynisme. L’initiative veut être une réflexion positive et constructive sur la recherche de solutions.

    Complémentarité. Le G1000 ne se rend pas coupable d’antipolitique, mais croit que la politique est trop précieuse pour ne la laisser qu’aux politiciens. Nous n’entendons pas ravir leur travail aux partis. Le G1000 est un geste généreux de la population citoyenne envers la politique de partis.

    Plus d'infos: visitez le site http://www.g1000.org

    Et participez!


    votre commentaire
  • Cette jeune docteure en sciences économiques de l'Université de Bourgogne[1], actuellement maître de conférence en économie et, surtout, co-présidente d'Attac France a présenté lundi 6 juin sa candidature à la tête du FMI.  

    Clairement, le but d'une telle démarche a le mérite d'évoquer dans la presse la nécessité de réformer cette institution largement décriée.

    Plus d'infos:

    "La candidature de Christine Lagarde est encore pire que celle de DSK", Le Monde, 8 juin 2011 

    "Aurélie Trouvé, l'"autre" Française candidate à la tête du FMI," L'Express, 6 juin 2011.

    Son CV ici

    Co-auteur de "Proposition pour une nouvelle politique agricole européenne", juin 2010.

     


    [1] Thèse intitulée Le rôle des Régions européennes dans la redéfinition des politiques agricoles


    votre commentaire
  • Congé aujourd'hui. L'occasion de procéder à certaines besognes administratives dont une au centre ville.  Du coup, toute la petite famille a poussé la marche jusqu'au Carré de Moscou.  Destination: camp des indignés de Bruxelles (j'ai appris son existence grâce à la conférence sur l'objection de croissance à l'Espace Delvaux).

    Curieuse de palper moi-même le pouls de ce mouvement, de comprendre comment "pratiquer la démocratie autrement", j'avoue avoir besoin de temps pour méditer là-dessus...

    Pour l'heure: visite en photos.

    Arrivée au camp.  L'endroit est quelque peu désert.  Déception de ma part, j'avoue

    Arrivée au camp

     

    Le lieu d'accueil

     

     

     

     

     

    Sous la tente communautaire

     

    Des musiciens

     

    D'autres musiciens avec, en toile de fond, des tentes

     

     

     

     

     

    Très sympa...Ce monsieur propose de masser afin de dénouer les tensions internes.  De manière générale, il offre grâcieusement ces dons depuis maintenant 4 ans. Il m'a expliqué préférer le troc (de services) à l'argent.

     

     

    Les toilettes sèches.  Inodores.  Comme quoi, cela marche.  Pas besoin de ces we chimiques

     

     

     

     

    La constitution d'un jardin potager avec compost

     

     

     

     

    La cuisine

    Les fruits et légumes viennent de dons des magasins environnants, si j'ai bien compris

     

     

     

    Palabres


    2 commentaires
  • GSM et cancer : les conseils de prudence

    SCIENCES Pour la première fois, l'OMS a admis un lien entre téléphones portables et cancer. Quelques principes de précaution. A lire sur passionsante.be

    lu sur LeSoir mercredi 01 juin 2011, 15:26

    Pour lire le communiqué de presse officiel sur le site de l'IARC (OMS) c'est ici

     

    l'étude Interphone - communiqué de presse: ici


    votre commentaire
  • « Je souhaite que le Cambodge se développe mais pas comme ici, en Europe ». Voici une phrase simple qui prouve, s’il le fallait encore, le bon sens de ma mère.  J’étais jeune (et naïve) me semble-t-il, la première fois que ce vœu pieux fut énoncé.  Il m’a marquée.  Je me rappelle avoir tout à fait compris les réticences de ma mère pour le développement des pays industrialisés.  En même temps, je me souviens avoir pensé qu’un autre « développement » était impossible.  Je ne voyais pas comment le Cambodge pouvait sortir de la pauvreté autrement qu’en érigeant des villes, important des voitures, édifiant des usines et entreprises, bref, en copiant l’Occident.   Envisager un autre modèle me paraissait tout simplement utopique.

    Or l’utopie, j’avoue, je ne suis pas fan.  Mon pays a traversé une période noire instaurée par des gens mus par le souci, ô combien louable, de concrétiser des idées progressistes telles que les égalités sociales, la réhabilitation des paysans et des travailleurs manuels, la primauté de l’intérêt collectif sur l’individuel, etc.   Du coup, tout slogan qui prône ces revendications me laisse de marbre, dans les meilleurs des cas, éveille ma méfiance, voire mon rejet, dans les autres.

    Les objecteurs de croissance avaient donc peu de chance de trouver grâce à mes yeux.  Prôner moins de travail alors que les chômeurs peinent à joindre les deux bouts ; prôner la fin de la croissance alors que sans croissance, c’est simplement la récession ; non merci.  Non, à la décroissance si on l’aborde exclusivement avec ces lunettes-là, lesquelles sont peinturlurées de fausses croyances et de préjugés grossiers.

    Je vous vois froncer les sourcils.  Aurais-je viré de bord ?

    Certes.  Ma réponse est plutôt oui que non.  Le déclic est tout récent.  Il reste teinté de méfiance.  Mon adhésion demeure prudente.  Je ne souhaite pas tomber dans le même travers que celui qui a conduit mes parents et leur génération à croire et défendre leurs idées, empreintes en théorie, il est vrai, de justice, d’égalité et de progrès social, mais imbibées, dans la réalité, de terreur, de famine et de sang. 

    Qui a ouvert une brèche dans mon petit cerveau ? 

    Coline Serreau, avec son film Solutions locales pour un désordre global a joué le rôle catalyseurDiffusé à l’Espace Delvaux en janvier, ce documentaire fut suivi d’un débat auquel a participé Laurent Lievens.  Ce dernier s’est clairement prononcé en faveur de la décroissance.  Ce mot, que j’avais relégué dans un tiroir de mon esprit, fermé à clef avec l’estampe : « à ne pas ouvrir », s’est rappelé à mon bon souvenir.  Depuis janvier, j’avoue avoir déverrouillé ce tiroir pour le comprendre.  Je ne suis qu’au début de ce cheminement.

    Quelques mois plus tard, c’est donc avec grand intérêt que j’assiste pour la première fois à un débat expressément consacré à l’objection de croissance[1]

    En scène, trois messieurs.  Le premier orateur est Jean Cornil, ancien directeur-adjoint du Centre pour l’égalité des chances, d’obédience politique socialiste.  Le deuxième à prendre la parole est Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la CNE (chef du syndicat Centrale nationale des Employés).  Enfin, Paul Aries, professeur et écrivain engagé, clôturera ce trio.

    S’il est un fait certain, c’est que le sujet n’est plus réservé à une bande de « zouaves rigolos excités » : la salle est archi-comble.  Les organisateurs sont les premiers surpris.  Moi aussi.  Cela signifie donc que le mot percole dans l’esprit de plus en plus de personnes. 

    Après réflexion, ce constat ne devrait pas étonner.  Les gens sont clairement en recherche de sens.  Un sens à leur vie et un sens à l’humanité.    La société de consommation dans laquelle nous vivons pousse à toujours plus, tant et si bien que ceux-là mêmes qui ont toujours plus et qui cherchent toujours plus en viennent à se demander, à bout de souffle, le but de cette course frénétique[2]

     

    Jean Cornil

    Jean Cornil aborde d’ailleurs cette question très rapidement.  Il parle de crise anthropologique, celle que nous traversons maintenant que nous remettons en cause le triomphe et le culte de la raison, du progrès et de la science.

    Son tout premier propos vise à recadrer le but de l’objection de croissance.  Clairement, il ne s’agit pas d’enjoindre le chômeur d’ici qui a du mal à boucler les fins de mois à être plus pauvre, à travailler moins, à consommer moins…Il n’est pas non plus question de dire au pauvre d’un pays du Sud qui vit dans la misère à consommer et travailler moins.  C’est une évidence mais, d’expérience, je suis convaincue que l’évidence mérite toujours d’être dite.  Jean Cornil semble partager cette opinion.

    Cet objecteur de croissance expose son enthousiasme face à des expériences étatiques qui sont en train de se dérouler au Venezuela et en Bolivie, pays qu’il vient de visiter. 

    Cet écologiste tardif identifie de multiples révolutions en cours.  Il en explique trois.

    1°  la révolution dans notre rapport à la nature, et en particulier, aux animaux

    Selon Jean Cornil, nous devons absolument revoir notre relation à la nature : 

    ¥         pourquoi arracher une mauvaise herbe ?  

    ¥         pourquoi tuer une araignée ? 

    ¥         pourquoi manger des animaux ?  

    Ce constat trouve écho en moi.  J’ai presque fini de lire le numéro de Books qui posait la question suivante : Faut-il manger les animaux ?  Clairement, à mes yeux, la réponse est négative.  Pourtant, j’avoue, la concrétisation de cette évidence est de loin plus difficile.  

    Comme Jean Cornil, j’appelle à une prise de conscience et un changement de paradigme.  Que le monde H devienne un monde non H.  L’humain n’est pas le centre du monde, mais un élément parmi d’autres, dont les végétaux, les minéraux et les animaux.

    2°  la révolution dans notre rapport à nous-mêmes

    Classique.  Il s’agit de revoir les valeurs que nous entendons défendre dans notre existence.  La compétition, le travail, le productivisme, le chiffre…sont-elles des valeurs qui méritent d’être au centre de nos préoccupations ?

    3°  la révolution dans notre rapport aux autres

    Ce dernier point vise notre rapport à la chose publique : le politique et notre façon de faire du politique.  Des réflexions méritent d’être menées à ce niveau-là également (voy. par exemple l’initiative être gouverné au 21ème siècle, notamment avec cet article).

     

    Felipe Van Keirsbilck

    Les organisateurs ont été bien inspirés d’inviter un syndicaliste pour enrichir le débat.   L’homme annonce tout de suite le ton.  Contrairement à ses deux compagnons de scène, il n’est pas là pour prêcher des idées mais pour défendre les affiliés. 

    Il souhaite, dans un premier temps, nuancer le procès intenté à la croissance.  Au syndicaliste d’inviter le public à une réflexion sur ce que la technologie a aussi apporté comme confort et bien-être au travail.  Il donne l’exemple de cet employé de banque dont l’unique travail consistait, par le passé, à encoder les virements papiers.  Je comprends ce qu’il veut dire, mais dans un débat sur l’objection de croissance, illustrer la bêtise d’un travail dans le cadre d’une banque pour vanter les bénéfices des progrès techniques, il faut le reconnaître, cela a quelque chose d’incongru. 

    Dans un second temps, il aime raconter sa correspondance imaginaire avec Albert Frère (voy. ici le texte original qu’il a résumé à l’oral).   Dans une première lettre dans laquelle il cite quelques extraits du bouquin de Tim Jackon, Une société sans croissance,  le syndicaliste invite le millionnaire à procéder à des investissements écologiques en masse.   Albert Frère répond qu’il est conscient de l’enjeu, une part de ses investissements est d’ailleurs « durable ».  Cette réponse ne satisfait pas Felipe Van Keirsbilck qui propose donc à son correspondant de lire l’entièreté du livre de Tim Jackson.  Albert Frère écrit une deuxième lettre dans laquelle il remercie ce chercheur associé à Econosphère.  Il explique son enthousiasme et sa volonté de se conformer aux recommandations de Tim Jackson. 

    Toutefois, un post scriptum appelle une réponse 

    « PS : il y a un point sur lequel le livre n’est pas clair : est-on bien certain que de tels investissements peuvent garantir un rendement suffisamment élevé ? »

    Felipe Van Keirsbilck s’étonne de ce post scriptum. Si Albert Frère avait bien lu l’ouvrage, il comprendrait que le but de ces investissements n’est pas qu’ils rapportent de l’argent, mais tout au plus que les sommes investies ne perdent pas de valeur. 

    Cette réponse ne satisfait pas l’Albert Frère imaginaire qui, du coup, renvoie son exemplaire du livre de Tim Jackson à Felipe Van Keisbilck. 

    Par ce jeu intellectuel non dénué d’humour, l’orateur démontre la limite des arguments en faveur de l’absence de croissance.  Comment convaincre ceux qui détiennent les capitaux de sortir de ce modèle ?[3]

     

    Paul Ariès

    Je l’avoue sans fard, je ne connaissais pas Paul Ariès avant de comprendre, par le ton de la présidente de la Vénerie (association co-organisatrice de l’événement) rencontrée la semaine dernière, que l’homme avait un nom dans le milieu.  Je me suis pourtant abstenue de chercher des informations sur cette personnalité.  J’avais envie de profiter de cette ignorance pour me forger moi-même une opinion sur ce monsieur.

    Verdict : cet écrivain chercheur est un bon orateur.  C’est certain.  Il parle avec emphase.  On le sent rodé à ce genre d’exercice.  Pourtant, je n’ai pas retenu grand chose de ce qu’il a exposé.  Il a mentionné quelques chiffres convaincants, a précisé ne pas vouloir verser dans la culpabilisation.  Le reste de son discours a ricoché sur mon cerveau, sans y laisser de trace…

    Je suis certaine que sa contribution théorique est primordiale, son discours, ses actions et interventions nécessaires et salutaires.  Toutefois, j’ai été dérangée par ce qui devrait être une bêtise. 

    Son discours a été très régulièrement ponctué d’une référence à son magazine Sarkophage, dont j’aime beaucoup le slogan : Comprendre, c’est désobéir[4].  Alors, était-ce de la publicité ou de l’information ?  La limite entre les deux n’est pas aisée à établir.  Certes, la publicité est de l’information, du moins, une communication.  Mais pourquoi profiter d’une tribune publique pour faire de la publicité pour son journal d’information ?  Le citer, d’accord, mais y faire référence à tout bout de champ…je n’appelle plus cela de l’information. 

    Or, faire de la publicité lorsque son discours vise, au final, à mettre un terme à la pollution publicitaire, cela me heurte. 

    Comme plaider pour la gratuité puis tenir un stand à part (d’un autre stand général consacré à une série d’ouvrages sur le sujet) exclusivement dédié à ses propres ouvrages qui sont à vendre…j’y vois une antinomie entre le discours et le geste.  Je ne condamne pas la démarche car j’ai conscience que l’on vit dans le monde qui est le nôtre. Je ne puis toutefois ne pas relever ce fait et m’interroger sur le sens du discours prononcé.

    Au-delà des interventions unilatérales des trois orateurs, ce sont surtout les interactions avec le public qui m’ont marquée.

    Un jeune homme a ainsi remercié les invités de marque qui proposaient une alternative au, je cite, « militantisme chiant ».  Il a ensuite demandé aux trois héros du soir de se rejoindre dans leur discours.  Il est vrai que siégeaient sur scène : un fervent défenseur de la décroissance (Paul Ariès) ; un représentant de l’objection de croissance du Mouvement politique des objecteurs de croissance : mpOC (Jean Cornil) et un homme qui a d’emblée déclaré être dubitatif : ni contre ni pour la croissance (Felipe Van Keirsbilck). 

    Tout de suite, les trois hommes ont nié ne pas se rejoindre.  Et je pense effectivement que leurs propos respectifs dénonçaient les mêmes constats : les inégalités sociales abyssales (termes employés à maintes reprises par Jean Cornil), le consumérisme, le toujours plus, le capital (des sous virtuels sur un compte en banque qui peuvent recueillir encore plus de zéros, à l’infini), la pollution, la finitude la planète, etc.  Tous les trois sont d’accord pour inviter à une réflexion sur le sens de la vie, à décroître le capital, la recherche devenue frénétique du profit, etc.

    Tous les trois s’accordent pour dénoncer la dette du Tiers Monde.  Felipe Van Keirsbilck a, à chaque fois, été le plus concret.  Vous voulez faire quelque chose ? Militer pour  le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers Monde.  Cette invitation a été lancée suite à une question du public sur qui était, en fait, les pays riches ?   Lorsque l’on sait que « les PED ont remboursé l’équivalent de 102 fois ce qu’ils devaient en 1970, mais entre temps leur dette a été multipliée par 48 »  (en 2009 ; page 8 du document), on peut effectivement se poser la question de savoir qui enrichit les pays riches, lesquels ont bâti leur fortune grâce au pillage des colonies.  

    M’a également parlée une interpellation d’un autre jeune homme qui se réjouissait de voir que la salle comble traduisait un véritable intérêt de la population, prête semble-t-il à toucher au tabou du mythe de la croissance.  Cette personne mentionnait les campements à Liège (voy.  sur « livre du visage » (f¨******k)  et aussi le campement des indignés à Bruxelles), suite à l’appel espagnol.  Elle s’indignait sur le fait, qu’après une telle conférence, les gens rentraient bravement chez eux et ne faisaient rien.

    Jean Cornil et Paul Aries n'ont eu de cesse que de répéter qu’une multitude d’expériences avaient lieu.  Certaines à un niveau étatique, allusion explicite à certains pays d’Amérique latine. 

    Autre piste pour agir ?  Seul Felipe Van Keirsbilck a répondu concrètement.  Militer au sein d’un syndicat car ce dernier est ce qu’en font ses affiliés.  Que faire dès le lendemain de la conférence ?  Travailler moins et tenir sur son frigo un post-it de tout ce qu’on aime faire.

    Ce même intervenant du public expliquait également comment les lois ne facilitaient pas les solutions et initiatives citoyennes alternatives.  Les lois et procédures sont lourdes, par exemple, pour fonder une petite entreprise respectueuse de normes environnementales.

    Jean Cornil a tout de suite embrayé.  Clairement, dit-il, nous sommes dans une société de la norme.  Dès lors que l’on sort du canevas de masse, l’on est soit criminalisé, soit traité comme un fou.  Il rapporte l’expérience vécue par Jean-Baptiste Godinot de Respire asbl  à la Commission de la santé publique, de l’Environnement et du Renouveau de la Société de la Chambre des représentants lorsque cet écologiste convaincu a défendu la proposition de loi déposée par Jean Cornil sur l’interdiction de la publicité des 4x4.  L’ancien député a expliqué que le débat qui se tenait en ce moment même à l’espace Delvaux était INCONCEVABLE dans l’hémicycle parlementaire.  En 2009, les députés avaient écarquillé les yeux sur Jean-Baptiste Godinot, le prenant pour un  farfelu vivant en dehors de la réalité, sur une autre planète.  C’est dire comme le combat est immense (en-dehors des arènes politiques ?).

    Jean Cornil se définissait comme un objecteur de conscience oups, lapsus, de croissance.  Il comprend tout à fait le propos soulevé par ce jeune homme.  Ce sont des pans entiers de la société qu’il y a lieu de revisiter : l’école, la télévision, la publicité.  Je ne vous cache pas avoir applaudi à tout rompre à l’audition de ces paroles.

    Concernant l’obéissance, j’ai beaucoup médité sur cette notion.  J’ai été particulièrement choquée par une maman qui expliquait ne pas apprendre à ses enfants à obéir.  J’étais vraiment en colère.  Il y a obéir et obéir, soutenais-je.  Quelques mois et lectures plus tard, je comprends parfaitement pourquoi cette maman honnit le terme « obéissance ».  

    Définition du Larousse.

    Obéissance N.f. action de celui qui obéit ; fait d’obéir.  ◊ obéissance passive : soumission aveugle aux ordres reçus.

    Obéir v.t.ind. [à] (lat. Oboedire) 1.  Se soumettre à la volonté de qqn, à un règlement.  Obéir à ses parents, à ses supérieurs, à la loi (…)  2. Céder à une incitation, à un sentiment.   Obéir à ses instincts. 3. Répondre au mouvement commandé, fonctionné correctement.  Les freins n’obéissent plus. 4.  Etre soumis à une force, à une nécessité naturelle.  Les corps obéissent à la pesanteur.  – REM.  Obéir peut s’employer au passif : Quand je donne un ordre, j’aime être obéi.

    Je refusais d’associer obéissance et soumission. Or, la définition d’obéissance implique une soumission.  Mon but n’est pas de disserter ici sur la notion d’obéissance.  Toutefois, je profite de l’occasion pour exprimer clairement mon opinion.  Je partage l’avis de cette maman citée plus haut, c’est parce qu’on nous a appris à obéir qu’aujourd’hui, nous « obéissons », « acceptons » un ordre qu’intellectuellement et instinctivement, nous savons parfaitement qu’il est injuste.   A mon sens, le salut passera surtout par la désobéissance civile (j’ai en tête d’écrire sur cette notion).  

    Enfin, j’aimerais partager une dernière réflexion.  Faudra-t-il que l’on invente le concept de « slow conference » pour ne pas être constamment pressé par le temps ?  Certes, si je comprends l’enjeu de ne pas éterniser les allocutions ni débats, j’ai été frappée par cette volonté affichée dès le départ de tenir le timing, ne pas être en retard, de terminer à temps, de pas retenir le public plus longtemps …  Cette même préoccupation hantait la conférence de Pierre Rabhi.  Quel paradoxe que d’insister sur le temps qui passe alors que la rencontre vise, entre autre, à appeler à prendre le temps…


    Le 1er juin 2011

     

     

    Contrat Creative Commons licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 Belgique

     


    [1] Le but de mon article ne vise pas à rédiger un « compte-rendu » de la conférence, mais de partager ce qui chez moi a trouvé écho.  Ce que je raconte est donc totalement partiel, partial et subjectif.

    [2] Il me semble, en effet, que le public relevait de la classe moyenne qui se situe du bon côté des statistiques lorsque l’on dénonce les inégalités sociales. 

    [3] Dans son texte écrit, l’auteur explore une piste soufflée par Bernard Friot dans Puissances du salariat

    [4] Depuis mes lectures des derniers mois, j’ai complètement remis en cause mon respect pour l’autorité et les lois  Je considère maintenant que la désobéissance aux lois et normes est plus que légitime dans un contexte qui ne permet pas d’autres moyens d’action.  Il en a été question lors de la conférence.  Voy. donc plus loin dans le texte.


    votre commentaire
  • Il est des mémoires qui méritent notre attention.  Celui-ci a tout de suite attiré le mien en raison du sujet traité : l’éducation à domicile au Québec

    L’auteure, Christine Brabant (de la famille d’Isabelle[1] ?  La question m’est venue spontanément), a consacré son travail de fin d’étude à l’analyse des motivations des familles ayant opté pour l’éducation à domicile au Québec.  Quelque 169 pages expliquent de long en large sa démarche, ses entrevues, et ses conclusions.

    Je n’ai pas lu ce travail.  Autant l’annoncer d’emblée.  Il figure dans ma liste à lire un jour.

    Toutefois, - ceux qui me lisent l’auront compris, j’aime les conclusions-, je relève ceci dans ses conclusions (page 119, aussi lisible dans un article qu’elle a rédigé avec deux autres auteurs et qui résume son travail[2]) :

    Comme la recherche sur l'efficacité de l'éducation à domicile n'émet que des conclusions favorables sur la réussite scolaire et sociale des enfants concernés, cette pratique met les chercheurs en éducation et les autorités scolaires au défi de la comprendre et d'apprendre de cette vision marginale de l'éducation des enfants d'âge «scolaire». C'est dans l'optique d'une ouverture à ces questionnements, d'une meilleure compréhension de cette pratique et de ces familles qu'il faudra établir un dialogue avec ce mouvement éducatif et soutenir les parents dans leur travail d'éducation s'ils en expriment le besoin.

    Ce mémoire est loin d’être passé inaperçu.  Il a notamment reçu le prix Desjardins d’excellence pour étudiants-chercheurs à la maîtrise 2004. Le Ministère du Québec l’a également épinglé (ici).  La liste des publications de cette auteure est disponible ici ; certains sont disponibles sur internet. 


    [1] Isabelle Brabant est l’auteure de Une naissance heureuse.  Toutes les familles ayant accouché à domicile ou en maison de naissance la connaissent.  Ici un article qui en parle.

    [2] Christine Brabant, Sylvie Bourdon et France Jutras, « L’école à la maison au Québec : l’expression d’un choix familial marginal », Enfances, Familles, Générations, Numéro 1, automne 2004 consacré au thème : Regards sur les parents d’aujourd’hui, disponible à l’adresse suivante : http://www.erudit.org/revue/efg/2004/v/n1/008894ar.html.  On peut découvrir une version pdf ici

     


    votre commentaire
  • Au détour de mes recherches sur l'enseignement à domicile, je découvre des articles intéressants. Celui dont je mets le lien aujourd'hui en fait partie.  Je ne l'ai pas lu entièrement, mais j'ai parcouru sa conclusion, dont voici un large extrait:

    6. Plus qu’un déplacement, le trajet scolaire est l’expression du rapport à la ville Le déclin de la marche et du vélo chez les enfants constitue l’expression d’un nouveau rapport à l’école primaire, laquelle est de moins en moins liée au quartier de résidence et de plus en plus choisie en fonction d’autres critères. Les parents font le choix d’une école en fonction de leurs préférences personnelles, de leur évaluation de ce qui est le mieux pour leurs enfants, la proximité étant un facteur parfois secondaire, dans la mesure où l’automobile rend facilement accessibles les établissements éloignés de la résidence. Le choix de l’école peut en ce sens être assimilé à une logique de consommation. La différenciation des écoles, conçue comme stratégie d’ajustement face aux fluctuations démographiques et aux demandes des parents, est à la fois la condition et le résultat de ce nouveau rapport à l’école.


    En permettant l’arrimage des déplacements des parents et des enfants d’une même famille, l’automobile devient un outil important dans la gestion de plus en plus serrée du temps, notamment le matin. La désaffection de l’école de quartier, bien qu’encore peu importante, apparaît indissociable de l’adoption d’une logique de mobilité motorisée, pour laquelle la distance est une contrainte moins importante que pour les déplacements à pied. L’expérience urbaine est, ce faisant, de moins en moins marquée par la proximité. Dans le cas des enfants, cela signifie un contrôle accru des parents sur leur mobilité, qui s’affirme à travers l’automobile.

    [...]

    Autrefois au coeur du quartier, l’école permettait aux enfants de rencontrer leurs voisins. Il nous faut nous interroger sur la place actuelle des écoles privées et des écoles publiques à vocation particulière compte tenu de leur impact sur la mobilité et leur contribution potentielle pour augmenter la part du transport actif. Car le choix de ces écoles vient réduire les occasions de contact avec ceux qui habitent le quartier, tandis que la motorisation du trajet scolaire fait peu à peu disparaître ce qui était, autrefois, un moment très instructif : le chemin vers l’école.

     Voici des propos qui plaident pour une école de proximité, si ce principe devait encore être démontré. 

    Toutefois, comment assumer le choix pour une école de quartier lorsque celle-ci ne correspond d'aucune façon à ses préférences pédagogiques?

    Ce matin, une maman passiflorienne me relatait la conversation dont elle fut témoin impuissant dans le train entre deux personnes dont un professeur sévissant en 3ème secondaire.  Sévir?  Vous comprendez l'emploi de ce terme après lecture de ce que cette maman me rapporte.

    Cet enseignant expliquait à son interlocuteur comment il concevait des interrogations à ce point difficile que leur réussite relevait d'une gageure.  Il lui arrivait d'en avoir honte mais, selon les termes qui m'ont été rapportés, "cela fait du bien de pouvoir se défouler/se venger".  Il exposait également comment il soupçonnait certains de tricher, car les réponses étaient trop correctes, auraient mérité le maximum, or l'interrogation était rédigée pour ne pas permettre de maximum.

    La maman, indignée par ces propos, l'était tellement qu'elle ne savait par où commencer...

    De mon côté, comment envisager sereinement de mettre mon enfant dans une des écoles de quartier lorsque, en maternelle (2ème ou 3ème), l'institutrice demande à ses élèves de respecter le silence pour dessiner.  "Car il faut se concentrer".  C'est mon homme qui a été témoin, et choqué, par cette scène.  Précision, les enfants ne criaient pas, ne courraient pas dans tous les sens.  Simplement, certains échangaient entre eux.  Alors, est-ce cela, l'école?  Un lieu où se taire à tout prix?

    Bon, là, je dévie.  Je vous invite à découvrir ce texte que je rajoute à mes lectures futures.

     

    Paul Lewis et Juan Torres, « Les parents et les déplacements entre la maison et l’école primaire : quelle place pour l’enfant dans la ville? », Enfances, Familles, Générations, n° 12, 2010, p. 44-64.
    http://www.erudit.org/revue/efg/2010/v/n12/044392ar.pdf


    votre commentaire