• L'autre jour, traînait chez mon père le magazine Books de novembre 2013.  L'article sur l'espionnage des écologistes est édifiant.    Celui sur Jésus, un rebelle parmi d'autres?, également.  Par contre, j'ai été très déçue par le texte sur "le droit au bruit vaut-il le droit au silence?", qui ressemble à bien des égards à ce que j'ai coutume d'appeler de la "masturbation intellectuelle".

    En revanche, l'article intitulé "Le vice caché des sciences de l'homme" m'a enthousiasmée...enfin, on se comprend.

    Il y est question d'un chercheur en anthropologie, Joe Henrich, qui fit une découverte étonnante lors de ses études.  Avec deux collègues, Steven Heine et Ara Norenzayan, il a publié un article retentissant.  Henrich a parcouru le monde pour soumettre à toutes sortes de population des tests soumis dans les pays occidentaux.  Voici les enjeux ...  Florilège d'extraits ayant retenu mon attention.

    "Une enquête parue en 2008 portant sur les six plus grandes revues de psychologie montre clairement la portée du postulat: plus de 96% des sujets testés dans le cadre d'études menées entre 2003 et 2007 étaient occidentaux, et 70 % d'entre eux étaient originaires des seuls États-Unis.  Autrement dit, 96% des sujets venaient de pays représentant 12 % de la population mondiale".

    Or

    "En poursuivant leurs recherches, les trois spécialistes remarquèrent un autre phénomène étonnant: d'étude en étude, une certaine peuplade semblait particulièrement différente des autres.  Qu'il s'agisse de la perception, du comportement ou des raisons d'agir, les résultats qu'elle obtenait tendaient toujours vers une extrémité du spectre des résultats.  Ils finirent par intituler leur article "Le peuple le plus bizarre du monde?" [ 75 pages en anglais ici]  "Bizarre" signifiait à la fois différent des autres et "occidental, instruit, industrialisé, riche et démocratique" [en anglais, le terme correspondant à 'bizarre' est weird, acronyme de 'Western, educated, industrialized, rich and democratic'].  Ce ne sont pas seulement les us et coutumes qui distinguent les Occidentaux.  C'est la façon même dont il se représentent les autres, et jusqu'à leur manière de voir la réalité, qui les différencient du reste de la planète, et de l'immense majorité de leurs ancêtre.  En outre, parmi les Occidentaux, les Américains sont ceux qui s'écartent le plus de la moyenne.  Cela a conduit les chercheurs à conclure que 'les sujets américains sont exceptionnels y compris au sein d'une population qui est elle-même à part; ils sont des extraterrestres parmi les extraterrestres'.  Autrement dit, les scientifiques n'auraient pu choisir pire population pour recruter des sujets de tests et en tirer des conclusions générales.  Cela revenait à étudier les pingouins en s'imaginant que les informations recueillies vaudraient pour tous les oiseaux."

    "Dans leur article, le trio de chercheurs mentionne des études transculturelles présentant la psychologie "bizarre" des Occidentaux comme la plus mégalomane et la plus égotiste * de la planète:  nous sommes plus enclins à nous mettre en avant individuellement qu'à nous présenter en groupe.  Notre esprit est en outre plus analytique, et tend à concentrer son intérêt sur un objet plutôt que de l'appréhender dans son contexte. Nous semblons aussi nous distinguer par notre manière de comprendre la nature.  Des études montrent que l'environnement artificiel où grandissent les petits citadins occidentaux les empêchent d'entretenir des liens profonds et complexes avec elle."

    "Tous trois affirmèrent que leur but n'était pas de distribuer des bons points à telle ou telle forme de psychologie - mais simplement de dire que nous ne comprendrons jamais l'homme si nous n'allons pas voir au-delà du mince fragment d'humanité aujourd'hui surreprésentés dans les tests.  Pourtant malgré ces protestations, il m'était difficile de ne pas déceler un message entre les lignes.  Lorsqu'ils écrivent, par exemple, que les enfants occidentaux apprennent à connaître la nature dans un "environnement appauvri, à la fois en termes de culture et en terme d'expériences" et qu'ils ressemblent à cet égard à des "enfants souffrant de malnutrition", il est difficile d'y voir une bonne chose."

    "Au contraire de la plupart des peuples de la planète, les Occidentaux (et les Américains en particulier) ont tendance à penser de manière analytique, et non holistique, globale."

     

    En clair, celles et ceux qui, dans nos sociétés occidentales, tendent de penser de manière holistique, défendent une prise en compte globale dans la santé, dans le travail, dans la vie, ces personnes-là sont certainement minoritaires dans la société occidentale industrialisée.  Que les individus tentés de les traiter de "fous", voire de "marginales et marginaux",  s'en avisent.  Ce sont ces montreurs du doigt qui constituent en réalité une minime minorité du monde (12% de la population).

    Pour une petite critique de notre société, voir l'excellent livre "Le Papalagui", qui vaut bien la lecture d'Ivan Illich :-)  En plus agréable :-)

    Extrait audio sur le temps

    Extrait audio sur la ville

    Et pour rire, Nicolas Ferroni sur l'anthropologie.

     

     

     ***********

     

    Dans le dictionnaire sur internet du Centre national de ressources textuelles et lexicales, LE dico que je consulte en ligne, égotiste signifie:

    A.  Qui fait constamment référence à soi.

    B.  Synon. de égocentrique, égoïste

    C. Qui manifeste l'exaltation du moi dans son unicité.


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  • Balade matinale ce dimanche 16 mars. 

    Les aubépines bourgeonnent.  Elles sont excellentes dans les haies pour la biodiversité.  En plus, mon homme les aime, alors qu'il n'apprécie pas spécialement les plantes à épine...Il les trouve belles.^^

    Oh!, un bourgeon en pleine croissance!

    Les magnolias en fleur, quel spectacle splendide!

     

    Et arrivée au champ des Cailles.  Maarten s'active sur le champ. On ne le voit pas bien sur la photo.

     

    direction vers notre parcelle

    Avant d'y aller, j'admire la spirale aromatique

    Notre parcelle: rien n'a poussé frown

    Le jardinier qui occupe les parcelles jouxtant la nôtre a bricolé un banc qui agrémente un côté de notre parcelle.

    Des choux de Bruxelles qui doivent être mangés!  J'oublie chaque fois d'en parler en plénière, de ces légumes qui restent sur les plants!

    fin de cette visite rapide, effectuée pour ouvrir les esprits à la sieste, par le pôle plantes médicinales.

    La partie déjà cultivée

    Un sillon pour de nouvelles plantes

    de l'autre côté

    Après la sieste, vient l'heure de THE activité du week-end: les moutons au Couvent Saine Anne.

    Pour nous y rendre, nous passons par le champ des Cailles.  Le temps est clairement printanier.

    Anja, au loin, en plein travail

    Cela s'active sur la parcelle maraîchage.  A l'arrière-plain, les maraîchers sont très occupés à lancer la saison !

    Oh!  Une Cambodgienne rencontrée il y a longtemps...Elle est en visite sur le champ, en famille et avec un ami.

    Aucun jardinier ou presque.  Ils sont tous au Couvent Sainte Anne.  Par contre, le pôle pédagogique est actif aujourd'hui.  Des parents d'élèves de Sainte-Thérèse se démènent près des composts.

    Ils-elles sont en nombre, par contre, celles et ceux venu-e-s pour le pôle pédagogique

    Et voici les bacs de compost, fabriqués à partir de palettes.  On est ici de l'autre côté du champ, à une entrée/sortie à l'opposée de celle que nous empruntons habituellement. Il s'agit de l'entrée / sortie sur l'avenue des Cailles. 

     

     

     

     

     


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  • Après notre passage par le champ, nous continuons notre route vers le Couvent Saint-Anne (avenue Paul Wiener), quelques maisons plus loin que le Calypso en partant du square des Trois Tilleuls.    Aujourd'hui, les bonnes volontés sont appelées à planter des piquets afin de permettre aux moutons de sortir brouter l'herbe.  Je découvrira aussi la possibilité de s'inscrire au GASAP Fromages du Bercail.  Pour 120 euros, pour une période du 15 avril au 15 octobre, les membres de ce GASAP recevront en primeur deux fromages chaque semaine. Les détails devraient être communiqués...A l'heure d'écrire ces lignes, les Gasap comptent plus de 35 membres inscrits en une journée!

    En chemin, je découvre cette maison d'hôtes

    Nous avions prévu d'y être après la sieste des enfants, avions estimé notre arrivée à 14h, 14h30.  Il est en réalité plus de 16 heures quand nous débarquons.

    Et voici, enfin, l'entrée du Couvent. Il s'agit d'une propriété privée.  Les bergers et fromagers bénéficient du verger, de la bergerie et fromagerie, en échange du bon entretien de l'espace.  Il paraît que celui-ci en avait besoin.

    A droite de mon homme que vous avez vu sur la photo précédente:

    Les bergers nous souhaitent la bienvenue.

    Alors, on suit les instructions (en fait, on était déjà venu une fois chercher les 30 bouteilles de jus de pomme ramenées en brouette, alors que les bergers étaient en plein chantier dans la fromagerie.  On voit une photo plus loin).

    L'ensemble est MA-GNI-FI-QUE!  Et insoupçonnable de la rue.  Bruxelles regorge de ce genre d'endroits insolites et mystérieux en pleine ville.

    La fromagerie en travaux, de l'auto-construction, grâce au crowfunding.  Antoine et Jérémy ont reçu 6000 euros en 5 jours, et au total 8000 euros.   Ici aussi, certains jardiniers sont particulièrement présents dans les travaux de construction.

     

    Le parcours est fléché ^^

    Ca y est, le verger commence:

     

    La propriété est immense et splendide.

     

    Des jardiniers en plein travail

    Les jardiniers de tout à l'heure qui redescendent par un autre chemin.

    On ne le dirait pas comme ça, à voir les photos, mais le verger grouille de monde!  La preuve qu'il est immense, on trouve encore facilement des coins déserts.

    Et voici la table avec les recruteuses de membres du Gasap :-), toutes les deux des jardinières très actives auprès des professionnels.

     

     

    Jérémy en pleine discussion avec une future membre du Gasap.

    Vue sur le verger où s'activent les bricoleurs du jour.

    Moment festif autour de tartes aux pommes, pommes venant du verger même!

    Alors, les moutons?  Ils sont là.

    Vue sur la bergerie

    Oh, qu'est-ce qu'il y a à regarder? 

    Deux agneaux sont nés ce matin-même! Les tout-petits, comme tous les agneaux qui viennent de naître depuis peu, sont dans un enclos protégé de la bergerie, en compagnie de leur mère.  Et ce, afin de privilégier et préserver le cocon mère-bébé. 

    Arrive le moment très émouvant où les moutons sortent enfin, grâce aux barrières installées.  Pour certains, c'est la découverte de l'herbe!

    Ma fille veut suivre les moutons.  Elle bêêêêêle avec eux.

    Mon fils imite les agneaux qui sautent.  On a compris l'expression "saute-monton".  Les agneaux sautent littéralement lorsqu'ils se déplacent.

     Et en prime, une petite vidéo

     

    Les agneaux découvrent l'herbe printanier from Den on Vimeo.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Repéré à la librairie...lu en une journée, tant la lecture est facile, le contenu peu dense. Il est toutefois très intéressant. Je mets des extraits ici dès que je remets la main sur ce bouquin.

    17 mars '14 - Moins de bins, plus de liens - La simplicité volontaire, un nouvel engagement social, d'Emeline DE BOUVER [2008]


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  • Salut à toutes et à tous très chers amoureux de l'agriculture de qualité et de proximité,

    Nous n'avons pas beaucoup donné de nouvelles ces derniers mois mais vous vous imaginez bien qu'on a pas chômé!!! Que de choses à vous raconter mais d'abord, un point important: bloquez la date du dimanche 16 mars de 10H à 17H: on aura besoin de vous au couvent Sainte Anne pour la plantation des arbres fruitiers (22 nouveaux arbres hautes et demi-tige) et la mise en place de la clôture à mouton! (toutes les infos en fin de mail)!

    Et maintenant, place aux nouvelles!

    Revenons d'abord au mois de décembre avec l'installation des moutons dans leur nouvelle bergerie au Couvent Sainte Anne. Les voilà bien au chaud et surtout bien au sec pour l'hiver!

    Fin décembre, nous lancions un crowdfunding (www.growfunding.be) pour financer la fromagerie. Nous avons récolté les 6000 € demandé en 5 jours et au final, nous avons reçu plus de 8000 €!!! C'était complètement fou et inespéré, merci mille fois à tous nos généreux donateurs!

    Pendant ce temps, nous avons lancé les travaux de cette fameuse fromagerie et nous arrivons tout doucement à la fin des travaux... elle est superbe! L'AFSCA (agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) n'a qu'à bien se tenir!

    Et puis la dernière nouvelle et bien ce sont les petits agneaux... et oui, il y en a déjà 8! Le truc complètement fou, c'est que sont toutes des femelles! Elles sont trop mignonnes et sautillent dans tous les sens! Et ce n'est pas fini, on en attend encore une dizaine dans les semaines qui viennent! Donc n'hésitez pas à venir les voir le dimanche 16 mars!

    Pour le fromage, on commencera en douceur en avril (si nous recevons bien toutes les autorisations). On laisse donc les agneaux téter leur mère pendant 45 jours et une fois sevrés, ils iront au Chant des Cailles dire bonjour aux maraîchers et aux jardiniers. Les mères resteront au couvent et nous commencerons à les traire deux fois par jour!

    Concernant la vente de fromages, nous sommes en train de concocter un petit document qui présente les différentes possibilités d'achat: engagement sur 6 mois, marché hebdomadaire, commandes, magasins bio et Horeca,... Nous aurons une table d'information à ce sujet le dimanche 16 mars au couvent!

    Et finalement, pour ce fameux dimanche 16 mars, voici le programme:

    • Ouverture des portes à 10H
    • Plantation des 22 arbres fruitiers et mise en place de la clôture
    • Table d'info sur la vente des fromages
    • Bergerie, fromagerie et verger en libre accès
    • Vers 16H, si on a fini la clôture, on libère les brebis et on les laisse déguster les premiers brins d'herbe du printemps!
    • Pour manger à midi: auberge espagnole (chacun apporte un petit quelque chose à partager pour le Pic Nic), le jus est offert!

    N'hésitez pas à passer, même pour une heure, même juste pour venir jeter un coup d'oeil... Adresse: 26, avenue Wiener à Watermael-Boitsfort.

    Et pour ceux qui veulent donner un coup de main, n'hésitez pas à apporter bêches, pelles, pinces coupantes et marteaux, ça sera bien utile!

    A très bientôt et profitez bien du printemps qui est déjà bien là...

    Jamina, Jérémy et Antoine


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  • Nous faisions de la permaculture sans savoir que nous en faisions, tel Monsieur Jourdain.

    pédagogie Steiner
    accouchement à domicile
    allaitement
    médecine holistique
    GASAP
    Banque éthique
    coopérative

    ...


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  • Lorsqu'ils m'ont conçue, mes parents ne nourrissaient aucun projet de famille.  Au fin fond de leur camp de rééducation, leur issue n'apparaissait guère réjouissante. Pourquoi enfanter dans ces conditions?  Ma mère a pourtant écouté cet appel de la vie.  Mon père n'a pas compris.  Quelle folie l'avait donc emportée, pour procréer dans leurs conditions de vie: la liberté leur était confisquée, leur famine calculée, leurs pensées contrôlées?  Quelle inconscience gouvernait donc sa femme de vouloir un enfant lorsque le monde qui l'accueillera baigne dans une telle terreur, où leur vie, à chacun, ne vaut guère plus que celle de main-d’œuvre gratuite? 

    C'est donc peu que d'affirmer que ma venue dans le ventre de ma mère relevait déjà d'une surprise, proche d'un premier petit miracle.   Ma survie dans celui-ci en constitue certainement un deuxième.  Ma mère, souffrant de malaria, avait perdu tout appétit, s'affaiblissait de jour en jour.  Son état de santé se dépréciait tant et si bien que la question du choix s'est assez vite imposée.  Sauver la mère ou l'enfant?  La réponse de mon père fut logique.  Pour ce faire, il fallait, dans un premier temps, revigorer ma mère.  Cette dernière était donc prise dans une dialectique de vie/mort: soit empirer son état et mourir, soit aller mieux et (faire) tuer son bébé...

    Ma mère n'alla pas mieux.  Au bout de 6 mois de grossesse, l'état de ma mère n'a cessé de se décliner.  L'avortement n'est plus envisageable, vu son état de faiblesse. Le pseudo-personnel soignant renonça à "me "trouer mon petit cerveau".  Il ne restait guère d'alternative pour sauver ma mère que de la laisser mener à terme sa grossesse.  Ma mère bénéficia d'un petit régime de faveur - elle pouvait manger des légumes et quelques morceaux de poisson - que les Khmers rouges lui accordèrent, sans doute pris de pitié pour cette jeune femme rongée par la maladie et par un fœtus qui s'accrochait en dépit de tout.  La jeune femme responsable des aspects médicaux, me qualifiera de "bébé très têtu", ajoutant que "normalement, avec les comprimés de quinine et les antibiotiques, il [le bébé, càd moi] devrait être mort et expulsé depuis longtemps.  Mais il résiste bien. Puisque c'est ainsi, à partir d'aujourd'hui ([au terme du 6ème mois], je vous donne des fortifiants. Je n'envisage plus de vous le faire perdre."*

    Après cet épisode, "boostée" par des sirops pour enfants périmés depuis longtemps, fortifiant en fer pour enfants des pays occidentaux, ma mère traversa un 8ème et 9ème mois de grossesse en meilleur état...

    Vint le moment de sortir de ce cocon moyennement douillet...

    Que croyez-vous?  Que j'aie désiré sortir?

    Le 5 juillet, ma mère perd les eaux.  Je vivrai 2 jours dans une poche fissurée.  Je suis bloquée.  Le 6 juillet, le col de ma mère est ouvert. Mon père aperçoit le sommet de mon crâne.  Je reste prisonnière de ce corps.  La césarienne s'impose.  Pour tenter de sauver ma mère.  Non pour me sauver.  Plus personne ne croit que je puisse naître vivante, et si, par miracle, je l'étais, je ne serais pas normale.  J'ai eu l'occasion de brosser brièvement le tableau ici (je me trompe quand j'y écris que ma mère perd les eaux le 6 juillet).

    Il faut croire que l'Univers, que Dieu, que mon Karma ou que la chance fut de mon côté.  Non seulement je suis née, mais en plus avec tous les organes à la bonne place. Même le cerveau.  he

    La suite fut une gageure.  La famine sévit.  Que ma mère ait eu assez de lait pour me nourrir relève d'un autre miracle (d'où ma persistance à contester qu'en Belgique, où la faim ne sévit pas, une femme puisse manquer de lait, puisque ma mère qui manquait de tout a quand même réussi à produire du lait dans des conditions extrêmes). Nombre de nourrissons né-e-s sous les Khmers rouges subiront les conséquences de la famine imposée à leur mère, dans les camps, ainsi que lors de la fuite des bombes. 

    D'ailleurs, en parlant de bombes, notre fuite au milieu de ceux-ci relève également d'un miracle, tellement miraculeux que certaines personnes n'hésitent pas trouver suspicieux la survie des survivants.  Ce phénomène de "sûrement coupables parce qu'encore en vie", est connu.  J'en parlais ici.

    J'avais 6 mois quand le Cambodge tombe sous l'occupation vietnamienne, quelques mois de plus quand mes parents décideront de fuir vers la Thaïlande, entre les mines, les bombes et rongés par la famine (voy. cet article de Msf qui parle des réfugiés cambodgiens)...

    En moins d'un an, j'ai côtoyé quotidiennement la peur, l'angoisse, la terreur, la mort, la souffrance, l'horreur des massacres dévoilés à demi-mot, les tortures...J'ai connu la fuite dans les bois, la peur du tigre, la peur des bombes, la peur des mines, la souffrance de la faim, la souffrance de la fuite...

    Vivre signifiait combattre la mort physique.

    Mon arrivée en Belgique n'a pas pour autant signé la fin du combat.  Il m'a fallu prouver que j'étais en droit de vivre.  D'abord, en m'accrochant à ce statut de réfugiée politique, et non économique.  Ce n'est que récemment que j'admets la notion de réfugié économique.  Pendant longtemps, à mes yeux, fuir pour des raisons politiques impliquait le droit de fuir et donc de vivre, droit dénié à celui ou celle qui meurt économiquement. 

    Il m'a fallu prouver que je n'étais pas une parasite venue profiter du système belge.  "M'intégrer".  Oublier ma langue pour vite la remplacer par le français.  Me fondre dans la masse de têtes blondes...

    Dans mon enfance dans les quartiers riches, snobs et racistes, vivre signifiait combattre la mort mentale de mon identité:  réfugiée cambodgienne, celle qui doit "s'intégrer" car elle est venue demander asile aux riches Belges qui n'ont rien demandé.  Il s'agissait de prouver que je ne volais rien à personne, que je ne profitais pas du système, que j'étais capable comme mes camarades de classe de réussir des études.  Parce que seules mes études m'offraient la perspective de ne plus devoir compter le moindre sou, comme le firent mes parents, arrivés en Belgique à plus de trente ans, sans le moindre centime, sans bagage autre que leur fille. 

    Boris Cyrulnick explique dans une conférence comme l'après-guerre fut plus douloureux pour lui que la guerre en tant que telle**

    Ces mots ont trouvé écho en moi.  Je n'ai pas de souvenir conscient de ma toute petite enfance, excepté quelques bribes par ci, par là.  Je suis convaincue que la souffrance de ce vécu est prégnante en moi, certes. 

    Par contre, je possède des souvenirs très ancrés et traumatisants de mes années d'enfance comme Cambodgienne déracinée dans un monde occidental, singulièrement à l'école, tant maternelle, primaire que l'école secondaire, où j'ai du me plier, dans le sens de : me courber, m'astreindre, me tordre à un système visant à me rentrer dans un moule trop étriqué, trop formaté pour moi. 

    Pour certaines personnes, la réussite scolaire est une banalité.  Pour moi, ce fut un combat, une conquête.  Une réelle lutte pour mon intégrité mentale ("faire avec"/ jouer le jeu de / accepter (?) la logique scolaire et la logique occidentale sans décimer la mienne). 

    De plus, accéder à scolarité parmi des enfants de notables (fils d'avocat, notaire, juge, médecin, rentier, etc.) quand on est fille d'ouvrier et ouvrière, fille de l'homme de ménage de l'école (mon père s'est en effet plié à cette condition afin de nourrir sa famille, lui qui fut persécuté et enfermé sous les Khmers rouges sous prétexte d'être un "intellectuel de l'étranger" - autre paradoxe qui mériterait une réflexion en soi), c'est lutter contre une certaine malédiction comme l'énonce Boris Cyrulnik, c'est s'attaquer à un a priori.  Frayer dans un monde de bourgeois et de nobles où il est normal de posséder une villa avec piscine alors qu'à la maison, on partage sa chambre de 16m2 avec sa soeur, c'est la confrontation de deux réalités différentes.  Dans mon ressenti, cette confrontation n'est pas moins violente que les trois premières années de ma vie. 

    Pour moi, "la vie est un combat" était une vérité que je vivais au quotidien. 

    Jusqu'à 24-25 ans, je pensais que c'était le cas pour tout le monde.  Quand j'ai découvert à 25 ans qu'il était possible d'appréhender sa vie autrement, ce fut une révélation!  Certaines personnes vivent leur vie sans l'assimiler à une perpétuelle lutte.  Il est donc possible de vivre autrement que dans la défense, l'attaque, l'opposition, la résistance, la révolte, la compétition, la concurrence...Comment est-ce possible?  Vite, essayer.

    Depuis cette découverte, je m'attache à contester toute insinuation laissant penser que la vie est un combat.  Lorsqu'une connaissance me compara à une Amazone ayant une énergie de guerrière, j'en fus toute retournée.  Lorsqu'elle répétera cette comparaison quelques années plus tard, j'en fus encore remuée.  Certes, dans l'imaginaire collectif, c'est plutôt un compliment.  Chez moi, cela n'a pas du tout résonné comme tel.

    Parce que, depuis 10 ans maintenant, je m'applique à réfuter l'idée que la vie n'est pas un combat.  Et je m'y applique avec toute l'énergie, l'ardeur, la détermination, je dirais même la rage, d'une...guerrière...  Joli paradoxe que voici. 

    Parce que le combat, c'est bien beau, mais, c'est extrêmement éreintant.  Parce que la vie peut certes être parsemée d'obstacles, d'adversités, de défis, même et surtout de révoltes à soulever...mais elle ne peut être résumée à une lutte.  Parce que sinon, pourquoi lutter?  Pour un monde plus juste?  Et après?  A quoi cela sert d'avoir un monde plus juste composé de combattant-e-s constamment prêt-e-s à bondir, attaquer, défendre?

    Alors, il peut être facile de prodiguer des conseils de l'ordre: accueille ton énergie guerrière... Oui, je me suis dit que ma colère, par exemple, n'était pas une énergie néfaste en soi, qu'elle était source d'énergie utile pour des causes qui me tiennent à cœur. 

    Mais, lasse, la guerrière, elle aspire aussi à être capable de baisser les armes et d'adoucir son armure.  Celles-ci lui ont été utiles.  Le lui sont-elles encore aujourd'hui?  Certain-e-s répondront par la négative.  Moi, je peine à en être convaincue dans mes tripes.

    12 mars '14 - Ma vie est un combat - La vie n'est pas un combat

     

     

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    *Extrait du livre de mon père, J'ai cru aux Khmers rouges. Un long chapitre est consacré à ma naissance: "Tu enfanteras dans la douleur".

     

    ** Conférence de Boris Cyrulnick : Sauve-toi, la vie t'appelle

    (à la minute 46) "La fin de guerre n'a pas été la fin des problèmes.  Et même je pense que paradoxalement, j'ai moins souffert pendant la guerre qu'après la guerre.  Parce que pendant la guerre, mon monde était clair.  Il y avait les méchants et les gentils.  [...]  J'étais fier d'avoir échappé à l'armée allemande, fier d'avoir sonné les cloches pour rendre, pour sonner la victoire de la reddition de l'armée allemande.  Et je ne me sentais pas du tout diminué.  Et pas du tout enfant moins.  Alors que je me suis senti enfant moins plus tard à l'assistance publique quand j'ai, pendant quelques années, j'ai pas pu...j'ai fait une quinzaine d'institutions pendant les années qui ont suivi la guerre parce que c'était la guerre, rien n'était encore organisé, parce que je n'avais presque plus de famille, parce que presque tout le monde avait disparu pendant la guerre, parce que tout était compliqué. Et là, je me suis senti enfant moins.  Les autres ont une famille, moi j'en ai pas.  Les autres ont une maman, moi j'en ai pas.  Les autres ont été à l'école, moi je n'y suis pas allé.  Et là, je me suis senti enfant moins. Et je pense que psychologiquement, j'ai plus souffert de l'après-guerre que de la guerre.  Ce qui n'est pas logique mais ça s'est passé comme ça dans un esprit d'enfant. 

    [...]

    Quand j'étais enfant, j'avais un compte à régler avec mon enfance.  C'est-à-dire que quand j'ai voulu faire des études, je n'ai pas touché de bourse.  Tout le monde me disait mais regarde d'où tu viens.  Ce que tu peux faire, c'est être garçon de ferme ou marchand forain.  [...]  Quand j'ai dit que je voulais faire des études -  probablement pour des raisons névrotiques, parce que ce n'était pas équilibré de vouloir faire des études dans les conditions où j'étais, c'était excessif.  Si j'avais été équilibré, j'aurais choisi...Si j'avais eu une famille, j'aurais été ébéniste comme mon père.  Si j'avais été équilibré, j'aurais choisi un métier adapté aux circonstances sociales où j'étais.  Follement pauvres.  C'est-à-dire que...Je ne me sentais pas pauvre, mais quand je repense ou quand j'avais des patients qui me racontaient leur pauvreté, je me disais: "mais bon sang, j'étais encore plus pauvre que ça".  Mais je ne m'en rendais pas compte parce que j'avais une compensation, une illusion de rêve qui était  coupé de la réalité.  [...] En plus de cela, j'avais un courage morbide.

    [...]

    Il y avait un stéréotype culturel qui empêchait les enfants blessés par la guerre, par les drames de la vie, etc.  qui les empêchait de s'en sortir.  [...]  J'avais la rage.  [...]  Notre culture était une malédiction pour ces enfants blessés. "

    A voir/ écouter aussi, où Boris Cyrulnik parle de Lotte et du déni: "on avance, on avance..".: http://www.youtube.com/watch?v=_X92-sShaEY

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    Article à lire avec 8 mars '14 - Grosse colère

     


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  • J'ai peu publié pendant les fêtes.  Pour diverses raisons.  Je partage ici quelques petits travaux auxquels je m'étais attelé. 

    J'ai raccommodé la veste de mon homme.  Je n'ai pas de photo du travail achevé.  Le résultat n'est pas super génial, ceci dit.

    Un haut que j'ai du mal à raccommoder.

    Je me suis appliquée à recoudre ce pantalon de mon fils. 

    Mais, mes coutures n'ont pas tenu une journée!  Mon fils a demandé à sa grand-mère de réparer son pantalon. Je lui ai indiqué que les cars, spiderman et autres joyeusetés n'étaient pas la bienvenue à la maison, mais surtout à l'école.  Du coup, elle a repassé des caches.  Lesquels n'ont pas tenu.  Je les ai cousus.  Et j'ai dessiné un petit Totorro sur l'un d'eux, repassé et tout et tout. Mais, effacé au premier lavage.  Et les caches se sont de nouveau déchirés, malgré mes coutures.  Ahhhh! Rien d'étonnant ceci dit, avec un enfant de 4 ans qui court et glisse partout.

    J'ai enjolivé la veste grise de mon amie Aurore en y piquant de la laine.  Au dos:

    Devant:

    Un mobile oiseaux, cadeau de naissance à la base, mais mon homme refuse de l'offrir.  Il le trouve trop joli.happy

    Une poupée qui se décapitait a été soignée ;-)

    12 mars '14 - Quelques réalisations d'hiver

     J'ai remplacé le corps en le cousant, modèle dessiné à main levée au pif.  Le corps, en coton bio, est rempli de balles d'épeautre et de fleurs de lavande pour qu'il sente bon!

    12 mars '14 - Quelques réalisations d'hiver

    Le plus dur a été de solidariser ce nouveau corps à la tête.

    12 mars '14 - Quelques réalisations d'hiver

    Un petit cousin est né dans la famille. Je lui ai cousu une petite baleine, mais je n'en ai aucune photo.

    *****

    Et voici quelques réalisations de mes enfants. 

    Découvert à mon retour de l'école où je venais de conduire Fiston.  Tigrou, offert à ce dernier par sa grand-mère (celle-ci inonde notre maison de ces choix de jouets arf  Heureusement que, sur ce coup-ci, j'ai toujours apprécié Tigrou et Winnie.  J'imagine que mon homme a langé le pauvre Tigrou sur consigne de ma fille.

    12 mars '14 - Quelques réalisations d'hiver

    Une oeuvre de ma fille:

    12 mars '14 - Quelques réalisations d'hiver

     

     

     


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