• Voici un projet qui m'a parlé: créer une école dans une maison.  Pas n'importe quelle école, mais une école nouvelle.  Explications.  aticle reproduit du site du Groupe belge d'éducation nouvelle


     

    Un tableau noir dans une cuisine.

    La maison des enfants à Buzet.

    lundi 8 octobre 2007 par Charles Pepinster

    C’est une maison. Dans un village – Près de l’ancienne école communale. A 100 mètres de l’école maternelle. Elle appartient à la commune de Floreffe. C’est une maison avec cave, cuisine, salle à manger, salon, chambres, greniers…comme dans toutes les maisons de BUZET.

    Avant 1993, cette maison était occupée par une famille. Depuis 17 ans déjà, l’instituteur ne l’habitait plus. L’école avait fermé ses portes, faute d’élèves. Une maison donc avec une vraie cuisine, de vraies chambres pour dormir…

    Rouvrir une école au village

    En 1993, changement ou, plutôt, remaniement. La maison, sur la place du village porte désormais le nom de « Maison des enfants ». C’est écrit sur un panneau de bois que Julos Baucarne, poète et chanteur wallon, a accroché à la façade sous les applaudissements du bourgmestre, de plusieurs villageois et de toute la nouvelle équipe éducative entourant une trentaine d’élèves de primaire, une vingtaine de maternelle.

    L’intérieur remanié

    On sent qu’on y habite, dans cette maison (des souvenirs sur la cheminée, une boîte aux lettres pour un vrai facteur…) mais on s’aperçoit vite que ce _sont des enfants qui y vivent pour apprendre :
    dessins aux murs, poèmes en grand, système solaire pendu au plafond, étagères aux crayons, livres, feutres et … tableau noir. Tableau noir juste à- côté de l’évier de la cuisine, en face du frigo.
    Dans la salle à manger, encore un tableau noir. Mais aussi des tables et des chaises en carrés, ainsi que l’un ou l’autre ordinateur près d’une armoire sans vaisselle, occupée par des dictionnaires, ciseaux, cahiers,
    A l’étage, c’est le domaine des livres et des ordinateurs dans deux des anciennes chambres à coucher : bibliothèque centre de documentation, le cœur de l’école primaire.
    Une troisième chambre est destinée aux travaux de groupes, sans surveillance. En autonomie comme disent les enfants. Plus on monte, plus on va vers la lumière. Deux vastes greniers éclairés par des Vélux comportent des tables et des chaises disposées au gré des activités.
    Dans le plus grand local sous le toit, on peut rassembler, chaque matin, tous les élèves pour organiser les apprentissages de la journée :

    • les moments des projets (arboretum, contacts avec une maison de repos…)
    • les moments d’expression (théâtre, graphisme, musique…)
    • les moments de construction de savoirs savoureux sur des points de programme jugés importants.
      En prolongement du plus petit grenier, il y a un théâtre d’environ 20 m2 : sol en hêtre clair, Vélux, décors, le tout un rien surélevé, où on joue des pièces tous les jours.

    Pourquoi une maison ?

    Au début du XX ème siècle, toutes les communes ont été obligées d’ouvrir une école communale et de prévoir un logement pour le maître d’école. A Buzet, en 1993, j’ai demandé au bourgmestre non pas d’occuper l’ancienne école (d’ailleurs utilisée par un comité de quartier) mais bien la maison, jadis occupée par la famille de l’instituteur.

    En effet, je voulais rouvrir une école communale d’Education Nouvelle résolument placée sous le signe de la créativité, la débrouillardise, la solidarité, la responsabilité, l’alliance avec les parents… Il m’apparaissait que 9 pièces d’une maison étaient plus propices à cette éducation qu’une grande salle rectangulaire trop froide et trop bruyante, pas assez intime pour une bonne concentration des enfants lors de la construction des savoirs.

    D’autres raisons de choisir une maison quand on peut !

    L’intégration des enfants dans le tissu social local offre des avantages tels que :

    - des contacts plus faciles avec des habitants voisins en particulier les personnes âgés souvent isolées,
    - des petites entités où les enfants et les parents de ceux-c se connaissent mieux, se parlent davantage,
    - des problèmes de circulation plus simples : la ronde des voitures à l’entrée et à la sortie des classes est réduite. Les enfants du quartier marchent désormais davantage,
    - les quartiers ne sont plus vidés d’enfants pendant la journée ; leur vivacité rajeunit le quartier ;

    Vers l’auto – régulation.

    La trentaine d’élèves qui se sont présentés le 1er septembre 1993 avaient l’habitude des locaux scolaires quasi standardisés : des grandes boîtes avec des rangées de bancs, alignées le long de couloirs rectilignes. Agés de 6 à 12 an, se connaissant à peine, certains d’être intéressés à la confection de l’horaire, de n’être jamais punis, ni récompensés, ni soumis à des examens, jamais dénoncés à leurs parents… Ces enfants ont mis quelques jours, voire quelques semaines pour certains avant de se poser, de trouver leurs marques, de profiter du jardin, de s’intéresser aux ateliers d’expression, au théâtre et ensuite … à l’écriture, au calcul etc. On a beaucoup discuté, réfléchi ensemble (adultes, enfants) et, peu à peu, les travaux en autonomie se sont calmés, régulés. La soif d’apprendre a pris le dessus de telle manière que les nouveaux élèves, d’année en année, s’acclimatent vite à vivre dans ce que Maria Montessori appelait déjà la « Casa dei Bambini ».

    Perspective d’avenir.

    Les visiteurs, dont les parents, se disent tous impressionnés par l’atmosphère détendue qui règne dans la Maison des Enfants. Les écoliers se relaient pour faire visiter la maison, répondant aux questions avec beaucoup d’à-propos. Une question revient souvent dans la bouche des visiteurs : « Pourquoi ne fait-on pas plus souvent l’école ainsi ? » Je me plais à répéter que ce qui se fait à Buzet est tout à fait légal. J’étais inspecteur pour le ministre de l’éducation dans ce secteur quand le bourgmestre André Bodson m’a demandé les conditions légales pour la réouverture de l’école tellement souhaitée par un comité de village dynamisé par Pierre Manil. J’ai proposé de prendre aussitôt ma retraite et de devenir instituteur de classe unique J’ai aussi fait remarquer que la loi, lue de manière émancipatrice, permettait :
    - d’occuper une maison,
    - de ne pas faire de classes d’âges : 1re, 2e, 3e
    - d’organiser des concertations avec les élèves,
    - de permettre les travaux en autonomie,
    - de laisser les récréations libres,
    - de ne jamais punir, ni récompenser,
    - d’abolir les devoirs obligatoires et de les remplacer par des devoirs au choix,
    - d’éviter tout redoublement,
    - de supprimer les examens, les bulletins habituels, classements, donc sans perdre une année tous les 6 ans,
    - de terminer l’école primaire par un chef-d’œuvre pédagogique, que j’ai inventé en 1983, et non par de examens cantonaux ou diocésains,
    - de faire du théâtre tous les jours,
    - d’explorer les champs, les bois, les musées,
    - de faire entrer des visiteurs qui font apprendre,
    - d’inviter la presse écrite, la télévision,
    - de correspondre, d’utiliser l’Internet,
    - de vivre 3 jours à l’école (dormir…) au lieu d’aller en classe verte, de neige ou de forêt,
    - de bannir le coca-cola et de fabriquer du jus de pommes...

    Ce qui montre que dans des villages ou des quartiers de ville, on pourrait investir des maisons de ci de là, de la cave au grenier, avec deux adultes rémunérés.

    On pourrait même, dans les agglomérations faire des rues des enfants, sans voitures puisqu’on interdit bien la circulation pour favoriser le commerce. Pourquoi encore construire des écoles qui risquent de souffrir des inconvénients de la concentration ?

    Charles Pepinster.

    Remarque importante

    Dans une grosse école j’ai vu s’établir des alliances entre deux ou trois classes ordinaires communicantes gérées en « plateau », largement indépendantes des autres classes.

    Des « Maisons des Enfants » dans des grosses boîtes ? C’est possible. C’est peut-être l’avenir parce que c’est plus humain, c’est plus propice à l’Education Nouvelle. Tous capables.

    Adresse courriel de la Maison des Enfants :
    mdebuzet@swing.be
    Adresse postale : Place de Buzet
    5150 Buzet (Floreffe)
    Tél : 081/45.01.80

     


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  • Le numéro du mois de la revue Politique est consacré à l'école.  Jacques LIESENBORGHS  coordinateur de ce dossier, avait publié une opinion dans La Libre Belgique de vendredi dernier sous le titre de "L'école à réinventer".

    La plupart des articles de ce dossier sont librement accessibles sur le site de la Revue.  Je vous invite à les découvrir, et en particulier, celui, excellent, de Bernard REY, "Pourquoi des élèves actifs".  Cet article étant sous droit d'auteur, je ne m'autoriserai pas de le reproduire ici.  Je ne peux toutefois pas m'empêcher, vous me connaissez, à épingler quelques larges extraits (la mise en gras vient de moi):

    "Cette remise en cause de ce qu’on pense spontanément et cet effort pour expliquer les faits, telles sont les deux dimensions d’une même opération intellectuelle qui consiste non pas à décrire la réalité, mais à l’interroger, à poser à son propos des problèmes, bref à la problématiser. Il se pourrait bien finalement que la véritable activité, celle qui fait apprendre et qui conduit à l’autonomie intellectuelle et du même coup à l’estime de soi, consiste non pas à prendre connaissance de la réalité, mais à la problématiser, c’est-à-dire à s’interroger sur elle.

    Notons, en passant, que ces activités qui consistent à interroger la réalité plutôt que d’accepter servilement des informations délivrées par l’enseignant constituent peut-être la meilleure garantie d’une authentique laïcité. Car elles donnent aux élèves l’habitude de distinguer radicalement un savoir d’une croyance. Dans le deuxième cas, on accepte d’adhérer à ce que des autorités nous enjoignent de penser. Dans le premier cas, on comprend soi-même pourquoi les choses sont telles qu’elles sont."

    "Ainsi une activité scolaire a, la plupart du temps, un sens second et c’est lui qui fait accéder à la compréhension de lois et de règles générales au-delà du cas particulier de l’activité immédiate. Le but premier est d’accomplir une action, le but second est de comprendre quelque chose."

    "Il se pourrait bien que la véritable mixité sociale ne consiste pas seulement à ce que des élèves d’origines sociales différentes se côtoient dans les mêmes lieux, mais à créer les conditions pédagogiques pour que les élèves de milieux défavorisés accèdent au sens des activités scolaires."

    "Le premier est que les activités scolaires (à la différence des activités extérieures à l’école) n’ont pas d’autre but que de construire l’humain. En ce sens elles ne « servent » à rien au sens ordinaire du terme. Même dans le cadre d’une pédagogie de projet, c’est l’apprentissage qui doit primer. Une école « active  » est celle qui arrive à ritualiser suffisamment les situations pour que tous les élèves le comprennent et s’estiment dignes des efforts à faire pour se construire eux-mêmes.

    Le deuxième principe est que les activités qui visent cette construction de soi-même ne consistent pas à accumuler des informations sur la réalité. Elles doivent conduire plutôt à s’interroger sur la réalité, à s’interroger sur ses propres opinions et ainsi à prendre confiance dans sa propre raison. L’enjeu est qu’on passe de « les choses sont ainsi » à « mais pourquoi sont-elles ainsi ? Puis-je contribuer à les changer ? ». Les implications pour la construction d’une citoyenneté active sont évidentes".

     

    De nouveau, on retrouve, parmi plein d'arguments très intéressants, cette réflexion sur l'obéissance, sur le sens de l'apprentissage, de l'éducation: inculquer l'"obéissance", notion que beaucoup confondent avec "discipline" ou transmettre l'esprit critique, la capacité et le réflexe d'interroger le sens des choses, dont les choses enseignées?

    Paradoxalement, j'entends souvent qu'aujourd'hui, le problème vient de là, que les élèves exercent à outrance cet esprit critique. 

    N'est-ce pas également le rôle des pédagogues, éducateurs, parents que d'apprendre à exercer avec discernement ce sens critique, mais aussi à eux-mêmes s'interroger sur le sens de leurs gestes et de leurs paroles?  N'est-il pas non plus de leur rôle que de constamment se questionner pour entretenir leur estime de soi, de sorte à accepter l'opposition d'un plus jeune, à ne pas se sentir menacés parce qu'un plus jeune a osé remettre en cause leurs comportements, leurs discours, leur mode (ou réflexe) de pensée.  N'est-il pas temps que les adultes s'interrogent sur le sens qu'ils accordent à l'autorité, leur approche d'une autorité "au-dessus" d'eux, mais également, leur vision de l'autorité qu'ils exercent vis-à-vis de plus jeunes?

    Sur la notion d'obéissance, il y a tellement à dire...Je compte en toucher un mot dans un autre billet. 

    Pour l'heure, cher lecteur, n'oubliez pas, l'autorité implique plus de devoirs que de droits.  Pour moi, seule une autorité légitime mérite d'être respectée (bon, cela reporte la question sur la légitimité de l'autorité)...Une autorité qui met l'accent sur ses pouvoirs sans considération des devoirs qui lui sont impartis n'a rien compris au sens du mot et de la notion d'autorité...

    Sur ces belles paroles, je m'en vais affronter le froid...


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  • source: http://politique.eu.org/spip.php?breve129

    Au-delà des écoles actives (Débat - 07/12 - Bruxelles)

    Un débat organisé en collaboration avec la Haute école Galilée.

    Les écoles à pédagogie active ont le vent en poupe. Des projets fleurissent ici et là, en Wallonie et à Bruxelles. Que peuvent-elles apporter à un système scolaire sclérosé par des inégalités à tous les étages ? Et quand on parle d’inégalités à l’école, on ne peut manquer de parler d’absence de mixité sociale.

    Avec Bernard Rey, professeur de sciences de l’éducation à l’Université libre de Bruxelles, auteur de l’article "Pourquoi des élèves actifs ?" dans le dossier de Politique "Ecole, tout repenser" (n°72, nov.-dec 2011).

    Discutants : Noëlle De Smet (Changements pour l’égalité) et Guy Pirard (militant des écoles alternatives (Snark) et ancien préfet de l’Athénée Charles Janssens)

    Animation : Jacques Liesenborghs, coordinateur du dossier de Politique.

    Le mercredi 7 décembre 2011 à 19.00 à l’Ihecs, rue de l’Etuve 58-60, 1000 Bruxelles.

    Entrée libre, réservation souhaitée (diffusion@politique.eu.org).


    Un bref compte-rendu ici: [2011-12-15] Conférence-débat: au-delà des écoles actives


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  • Voici un EXCELLENT extrait d'un article du Ligueur des parents, dans le numéro du mois d'octobre consacré à la transmission des valeurs du parent à l'enfant (belle thématique que celle-là. D'ailleurs, ce numéro est très intéressant dans son entièreté.  Je le recommande).  La ligue des familles est, de manière générale, très "classique" dans ses idées (même si j'observe que chaque numéro critique doucement mais fermement le consumérisme ambiant, ambiant notamment à l'école).  Mon commentaire suit la citation.

    "0-7 ans: le bien et le mal

    Partager, vraiment?  Dans cette transmission de valeurs, il y a un grand piège: certains voudraient par exemple que l'enfant apprenne celle du partage.  Mais, pour y arriver, il faut qu'il prenne conscience du sens de la propriété.  Si, le parent décide à la place de l'enfant qu'il doit partager sa petite voiture, celle-ci ne lui appartient déjà plus.  La voiture devient l'objet de l'adulte puisque celui-ci a tout pouvoir sur l'objet.  On ne peut partager que ce qui est à soi.  Le partage est une valeur importante qui se déclinera plus tard en solidarité, mais elle ne peut s'acquérir que si on a transmis la valeur de la propriété.  Sinon, on obtient l'effet inverse et on développe l'égoïsme chez l'enfant qui voudra protéger ce qui lui appartient."  Propos recueillis par Michel Torrekens auprès de la psychologue Diane DRORY.

    1ère remarque: concernant le "Il faut"

    Dès lors que l'on s'intéresse au développement personnel, que l'on découvre la littérature liée à la psychologie, à la communication efficace, non violente, on est invité à prendre conscience des automatismes: gestes automatiques (la claque qui part sans réfléchir), des phrases automatiques (le "attention, tu vas tomber" prononcé par réflexe), voire des phrases-poison que l'on se dit à soi-même (t'es nulle, t'es grosse) que l'on n'énonce pas toujours clairement verbalement mais qui se présentent souvent furtivement dans notre tête dans certaines circonstances.  Parmi ces phrases automatiques, il y a le fameux: "il faut", "tu dois".  J'ai une pensée particulière pour A. à l'heure de penser et d'écrire ces lignes.  Nous avons récemment discuté sur ces quelques mots qui peuvent parasiter notre langage...même lorsque nous sommes conscients que notre communication se verrait améliorer sans eux.

    Exemples: "il le faut bien", "il faut tout manger", "il faut bien travailler à l'école", "il faut dire merci", "tu dois m'obéir",  " tu ne dois pas pleurer", "tu dois répondre quand je te pose une question (à côté du: on ne répond pas quand je parle), "tu dois aller dormir", "tu dois mettre ton manteau dehors", "tu dois me tenir la main dans la rue", etc.  Sans oublier le fameux: "il faut partager", "tu dois partager".

    Alors, s'il est bien deux expressions qui, chez moi, actionnent des sirènes d'alarme, ce sont ces fameux: "tu dois" et "il faut".  Dans la majorité des cas où ces mots affleurent mes lèvres, je m'abstiens, entame une rapide réflexion et tente de reformuler : qu'est-ce que je veux dire?  Comment le dire autrement? 

    Souvent, cela prend plus de temps.  Mais je préfère prendre plus de temps que d'empoisonner ma communication avec des "il faut" et "je/tu dois". 

    2ème remarque: le partage

    Voilà un sujet qui m'intéresse beaucoup.  J'avoue que je me suis souvent sentie impuissante, démunie lorsque mon fils se disputait un jouet avec un autre enfant, que l'objet de leur conflit appartienne à mon petit, à son camarade ou à aucun des deux (comme à la Maison verte, ou à la crèche).  Comment faire?

    Il est facile de faire la leçon: "il faut partager".  J'entends souvent cette phrase dans les bacs  à sable des plaines de jeux.  Est-ce si évident qu'il faille partager?

    Je me suis souvent demander si la maman* qui sermonne de cette façon apprécierait que j'exigeais d'elle son GSM, son I-pod, son manteau, le livre ou le magazine qu'elle occupée à lire, la pomme qu'elle est en train de manger,  etc. , sous prétexte qu'"il faut partager". 

    Le partage, au même titre que la solidarité, est une valeur que, j'imagine, la majorité des gens souhaite transmettre à leurs enfants.  J'appartiens à cette majorité.

    Cela ne m'empêche pas de m'interroger et de rester perplexe quand, dans le bac à sable, je vois une mère* qui dicte à son très jeune enfant, comme une vérité, énoncée parfois sévèrement, parfois avec douceur: "il faut partager".  Et alliant le geste à la parole, ne voilà-t-il pas ce parent qui prend l'objet convoité par l'autre enfant pour le lui remettre. 

    Quelque chose m'a toujours chagrinée, et choquée, dans cette certitude d'adulte.  L'extrait reproduit plus haut a réussi à exprimer en des mots très simples et très clairs l'ambiguïté et le non-sens de cette "vérité" (attention, cela est vrai pour une certaine tranche d'âge, plus tard, le raisonnement devrait être plus argumenté):

    "Si, le parent décide à la place de l'enfant qu'il doit partager sa petite voiture, celle-ci ne lui appartient déjà plus.  La voiture devient l'objet de l'adulte puisque celui-ci a tout pouvoir sur l'objet.  On ne peut partager que ce qui est à soi.  Le partage est une valeur importante qui se déclinera plus tard en solidarité, mais elle ne peut s'acquérir que si on a transmis la valeur de la propriété.  Sinon, on obtient l'effet inverse et on développe l'égoïsme chez l'enfant qui voudra protéger ce qui lui appartient."

    Quand mon enfant et un autre lutin se disputent un jouet, je continue à me sentir quelque peu démunie, mais un peu moins que par le passé.  Il semble établi sous nos latitudes que l'antériorité de la possession implique un droit premier sur la chose (principe que, déjà en soi, je questionne.  Mais bon, j'ai fini par me lasser de vouloir remettre cela en question, c'est ainsi que cela se passe ici.  Point).

    Pour le formuler plus simplement: le premier qui touche un jouet, qui s'amuse avec, paraît être celui qui est légitime d'en réclamer la jouissance immédiate.  Au deuxième arrivé d'attendre son tour.  Si un enfant arrache le jeu des mains du mien et que mon petit ne dit rien, je n'interviens pas.  Après tout, s'il ne dit rien, et ne manifeste pas son mécontentement, je n'ai pas à intervenir. 

    Par contre, si mon chéri pleure, crie, ou exprime à sa manière, qu'il n'est pas d'accord qu'un autre lui dérobe ce qu'il tenait, je réagis.  Mon premier geste est de dire à mon loulou qu'il peut lui-même signifier à l'enfant "voleur" qu'il n'est pas d'accord.  Quand il ne parlait pas, je lui disais de crier, voire de pleurer.  Maintenant qu'il sait parler et dire "pas d'accord", je l'invite à aller dire à l'autre "pas d'accord quand tu prends mon jouet".  Si mon fils ne veut pas (souvent parce qu'il est trop en colère, ou parce qu'il est intimidé), c'est moi qui y vais. Je joue au messager: "Tu entends mon fils?  Il dit qu'il n'est pas d'accord que tu prennes le jouet avec lequel il était en train de jouer".   Je peux aussi lui dire, en mon propre nom, que je ne suis pas d'accord par sa méthode.  Il peut demander à jouer avec l'objet, mais je ne suis pas d'accord qu'il l'arrache des mains.  Je récupère souvent le jouet sans souci.  Si le geste de rendre l'objet n'est pas volontaire, je demande à mon enfant s'il veut vraiment ce jouet.  Si oui, je préviens l'autre que je vais prendre l'objet de ses mains pour le rendre à mon enfant.  En même temps, je négocie avec mon fiston et lui demande s'il est prêt à le passer quand il aura fini de jouer.  Souvent, c'est oui.  Dans ce cas, je suis soulagée.  Si c'est non.  Ben, c'est non.  Et là, j'attends de voir comment va réagir l'autre.  Souvent, les choses font que la crise passe d'elle-même.  Parfois, il est nécessaire de négocier plus âprement.

    Dans l'autre sens, si mon enfant désire jouer avec un camion avec lequel s'amuse déjà un autre petit, ou même avec un camion posé là tout seul, à côté d'un gamin, je propose à mon fils de demander à l'enfant que l'on suppose être le propriétaire s'il peut emprunter le jouet.

    J'estime que l'autre est en droit de refuser de prêter SON jouet (si le jouet n'appartient à personne, c'est différent).  Dans ce cas, soit je négocie plus sérieusement, soit j'explique à mon enfant que le propriétaire ne souhaite pas partager.

    J'ai parfois peur de donner l'impression à mon loulou que son souhait de prendre un jouet est secondaire, passe après le désir d'un autre petit.  Car je demande très souvent à mon fils s'il veut VRAIMENT l'objet.  Souvent, je lui demande d'attendre un peu, histoire d'éviter une bagarre.  J'espère qu'il n'en retient pas que son envie est secondaire à celui d'un autre enfant.  Mon intention n'est pas de cet ordre. 

    La première raison est très pragmatique. Il m'est tout simplement plus facile de demander à mon fils que je connais et dont j'apprécie la patience de patienter, plutôt que de le demander à un enfant inconnu. 

    Il s'agit aussi pour moi, de faire comprendre que la patience permet parfois d'obtenir ce que l'on souhaite, un peu plus tard, certes, mais avec moins de conflit, en mobilisant moins d'énergie.  En effet, il arrive souvent que l'envie  ne vaille pas la peine d'un grand conflit, d'une longue dispute, de crise de larmes de la part de l'autre, de cheveux tirés, de morsures, de tapes, etc.  Il suffit parfois de quelques minutes de patience et de frustration... 

    Enfin, je le reconnais.  Tout simplement, en toute humilité, je ne sais pas comment faire autrement.  Que de compter sur la chance que la situation se règle par elle-même, parfois au gré d'un flottement, d'une distraction...

     


     

     

    *car, avouons-le, ce sont surtout des mères qui fréquentent les plaines de jeux avec leur petit.  Stéréotype ou pas, il me semble que cela soit une réalité.


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  • Le temps est maussade.  L'envie nous prend de passer du temps dans une librairie où un espace convivial est prévu pour les enfants.  On y trouve notamment des trains sur rail que les petits peuvent manipuler à leur guise.

    A notre arrivée devant le plateau, placé à hauteur des petits, un enfant de 6-7 ans (appelons-le Elliot.  Précision: je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam, ni aucun des personnages dont je parlerai ci-après), actionne un train composé de plusieurs wagons.  Un autre en dispose de 2 ou 3.  Il en reste un dernier, esseulé, sur le plateau de jeu.  Mon fils s'en empare.  Je le vois y aller prudemment.  Il s'approche du grand convoi. J'ai le sentiment qu'il souhaiterait avoir 1 ou 2 autres wagons.  Il ne le dit pas et ne le manifeste pas clairement, mais c'est mon impression, à le voir tourner doucement autour du long convoi.

    Se succèdent plusieurs interactions avec d'autres enfants qui arrivent.  J'en relèverai 3 que je relate ici, pas forcément dans l'ordre chronologique.

    1) Le plateau de jeu est entouré de toutes parts par des enfants.  Les uns possèdent un train, d'autres regardent.  Une petite fille, 6-7 ans, arrive.  Elle constate la scène: des enfants jouent. La maman de la petite atteint, elle aussi, le plateau, 2 secondes après.  Sa maman pose une question ou émet un commentaire, je ne sais plus.  Toujours est-il que la gamine explique à sa maman: "ils ne veulent pas me laisser jouer".

    2) Un garçonnet, 4-5 ans, débarque devant le jeu.  Il est à peine arrivé qu'il saisit un wagon du long convoi avec lequel Elliot joue. 

    3) Un parent parvient au plateau de jeu avec son enfant (je ne sais plus quel âge).  Ce parent prend un wagon du long convoi avec lequel Elliot joue.

    Imaginons d'autres scènes, avec des adultes cette fois.

    1)  Une dame entre dans une salle.  D'autres adultes sont affairées à écrire.  Alors que quelques personnes disposent devant leur table de plusieurs feutres, bics de couleurs, fluo, etc. , certains se contentent d'un stylo.  La dame souhaite également prendre des notes mais ne possède pas de bic.  Elle décrète tout haut : "ils ne veulent pas que j'écrive".

    2)  Un homme entre dans un de ces cafés qui mettent à disposition les quotidiens du jour.  Un client lit calmement Le Soir, tandis qu'il a également La Libre posée devant lui.  Il passe d'un journal à l'autre.  Que fait-il?  Il compare deux articles?  Il lit simultanément deux articles?  Peu importe.  Toujours est-il qu'il est occupé avec deux journaux.  L'homme qui vient de pénétrer dans ce café s'approche de ce monsieur assis.  Sans rien dire, le nouvel arrivant prend La Libre qu'était en train de consulter le client attablé. 

    3) Reprenons la scène précédente.  Cette fois-ci, ce n'est pas un homme qui entre mais deux messieurs, un petit et un grand.  Le petit indique au grand il souhaite La Libre.  Sans prononcer une parole, le grand se dirige vers la table du client en pleine lecture et prend le journal convoité que ce dernier était pourtant en train d'examiner.

    Questions: les scènes décrites ci-avant vous ont-elles choqué?  A la lecture des trois incidents relatés dans la librairie, avez-vous aussi pensé que quelque chose clochait?  Moi oui. Démonstration:

    1) Après que la fillette ait décrété tout haut que les autres enfants ne voulait pas qu'elle joue, j'ai tout de suite rétorqué qu'elle n'en savait rien, puisqu'elle n'avait pas demandé.  Si cela se trouve, les autres petits ne l'avaient même pas vue arriver. 

    Question: Apprend-on Les adultes/les parents apprenent-ils aux enfants à demander, à exprimer ce qu'ils veulent?

    2) Le petit qui a saisi le wagon du convoi d'Elliot a été interrompu dans son geste.  J'ai indiqué à Elliot qu'il pouvait ne pas être d'accord avec cet acte et j'ai "sermonné" l'enfant "voleur" en lui précisant qu'il pouvait demander avant de prendre (oui, oui, cela se fait, de demander avant de prendre quelque chose à quelqu'un, je t'assure).

    Questions:Les adultes/les parents apprennent-ils aux enfants à demander, à exprimer ce qu'ils veulent, avant d'agir, parfois au détriment d'un autre?  Et les adulte/les parents apprennent-ils à leur enfant de marquer leur désaccord si une autre personne (enfant ou adulte) pose un acte qui leur déplaît?

    3) Le parent qui a saisi le wagon du convoi d'Elliot a également été interpellé.  Je n'ai pas pu m'empêcher de dire au parent qui prenait ainsi un objet à Elliot avec lequel ce dernier était en train de jouer et qu'il avait aussi l'option de demander à Elliot s'il était d'accord de céder un wagon.  Evidemment, en posant la question, on prend le risque d'une réponse négative. Si on n'est pas prêt à prendre ce risque, on ne la pose pas: on fait comme ce parent: on prend sans demander (version barbare); ou on prévient, non sous une forme de question, mais sous la forme d'une affirmation, que l'on va prendre l'objet (ce que je fais quand je dis: "Fiston, on y va"; si je dis: "Fiston, on y va?", c'est que je suis prête à me voir opposer un refus).

    Questions: comment un adulte qui prend une chose à un enfant sans le lui demander, ou du moins, sans le prévenir, peut-il prétendre apprendre à sa propre progéniture qu'il est plus agréable, voire que la politesse implique dans notre société de demander avant de poser un tel acte qui, visiblement, risque de ne pas plaire à l'autre.  Et même question, en lien avec l'absence de réaction d'Elliot, les adultes/parents apprennent-ils à leur enfant à manifester leur désaccord ?

    Cet épisode autour du train m'a beaucoup marquée, voire choquée.  Je suis encore plus convaincue de la nécessité d'apprendre à mon enfant à communiquer avec l'autre avant de décréter que l'autre ne veut pas communiquer, à communiquer avant de poser un acte sans égard pour autrui, à moi-même veiller à faire ce que j'apprends à mon fils.


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  • Je découvre via fesse-bouc cette vidéo disponible sur un site "classique".  L'experte explique bien l'ineptie de laisser pleurer son bébé "pour ne pas en faire un enfant capricieux": http://videos.parents.fr/video/iLyROoafZoTh.html


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  • C'est au détour d'une recherche en bibliothèque que je suis tombée sur ce livre: Les sociétés et leur école.  Je ne l'ai pas lu, mais ai parcouru son introduction ainsi que sa conclusion (mon truc pour connaître les idées défendues par des auteurs).  Et la thèse avancée par les sociologues à l'origine de ce livre m'a invitée à une réflexion certaine sur le lien entre le diplôme et les inégalités sociales.  A mon sens, ce livre bouscule pas mal nos idées reçues.

    Les vidéos de François Dubet vous donneront un aperçu :

    Entretien avec François Dubet 1/2 – Mediapart

    Entretien avec François Dubet 2/2 – Mediapart

     

    Ici un résumé et une critique de cet ouvrage par un autre sociologue, Philippe COULANGEON:

    Les sociétés malades de leur école ? (PDF - 218.2 ko)
    par Philippe Coulangeon, publié sur

     


    Référence complète: François DUBET, Marie DURU-BELLAT & Antoine VERETOUT, Les sociétés et leur écoleL'emprise du diplôme et cohésion sociale, Paris, Seuil, 2010.


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  • Je l'avais annoncé par ailleurs (ici),la Maison des Potentiels se concrétise en janvier 2012.  Ci-dessous l'invitation pour la journée Portes Ouvertes le dimanche 15 janvier...Les choses bougent dans le monde...

     

     

    Heure dimanche 15 janvier 2012 ·  14:00 -  20:00

    Lieu
    La Maison des Potentiels, une alternative à l'école
    rue auguste van zande 81
    1080 Bruxelles

    Créé par :

    En savoir plus


    La Maison des Potentiels vous ouvre ses portes le 15 janvier prochain à Bruxelles.

    L'occasion de découvrir comment faire l'école autrement, comment respecter les besoins et les rythmes des enfants, les accompagner ensemble vers l'épanouissement, en devenant soi-même épanoui..

    La Maison est un lieu de développement personnel pour petits et grands..

    même si l'inscription n'est pas obligatoire, merci de confirmer votre présence, histoire de pouvoir prévoir boissons et scrogneugneus en conséquence

    A bientôt

    Laurence Legrand
    www.lamaisondespotentiels. be
    contact@lamaisondespotenti els.be
    0476/476.906

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