• 21 août 2015.  J’ai cru que j’étais enceinte.

    Depuis que je suis tombée enceinte la 1ère fois, j’ai senti toute cette ambivalence en moi.  Cette envie de fonder une famille, de donner la vie à 3 enfants, et en même temps, ce constat que durant près de 10 ans, ma vie se concentrerait quasi exclusivement sur mon état soit de femme enceinte, soit de femme allaitante, du moins de mère d’enfants de moins de 3 ans.

     J’avais depuis longtemps calculé.  Du moment où j’ai accepté que j’allais avoir un bébé, je n’ai eu de cesse que de calculer.  Enceinte à 30 ans, un bébé à 31 ans.  Pour 3 bébés, et un délai raisonnable entre les bébés (3 ans maximum et minimum), j’aurais 40 ans quand mon dernier bébé rentrerait en maternelle.  Il naîtrait à l’orée de mes 37 ans.  Et je me répétais ce constat : 37 ans, que c’est tard !  Que c’est vieille pour avoir un bébé !  Que cela augmente les risques de trisomie (voy. notre expérience du tri-test), les complications et surtout, que la santé physique à 37 ans n’est pas la même qu’à 30 pour les nuits hachées et du coup, la patience et la bienveillance en famille. 

    Ma fille est née alors que j’avais 33 ans.  2 ans et 9 mois séparent mes 2 enfants.  J’envie les femmes qui enfantent de manière rapprochée, mais j’ai conscience que ce n’était pas possible pour moi, pour nous, de faire plus rapproché que 2 ans et 9 mois.  Pour nous, cet écart était le minimum.

    Ma fille fut un bébé facile. Elle est arrivée vite dans mon ventre.  Elle en est sortie rapidement aussi (voy. mon récit d’accouchement ici).  Elle était facile après.

    Il n’en demeure pas moins que cette vie avec 2 enfants nous réservent son lot de tracas et de fatigues, certes mêlés aux joies et aux rires.  Il n’empêche, nous étions éreinté-e (comme tout parent, oserais-je). 

    Notre premier nous avait épuisé-es avec ses colères et ses excès de furie qui ont mis 4 ans à se réguler (de 2 à 5 ans).  C’était à peine fini avec Fiston que c’était au tour de sa petite sœur de prendre la relève.  A partir de ses 2 ans, elle nous en fait voir de toutes les couleurs.  Ce ne sont pas des colères comme son frère, elle a son propre style. 

    Notre envie de 2ème enfant est née après que nous ayons pu récupérer des nuits complètes et réparatrices.  Nous avons eu quelques mois de grâce.  J’en avais fait échos ici d’ailleurs.  Nous avions trouvé un équilibre à 3.  Puis…je suis tombée enceinte.  J’étais devenue hors service, paralysée que j’étais par les nausées et autres joyeusetés.  Mon homme a assuré l’intendance, la logistique et surtout, les débuts de crises avec Fiston.  Il en a pleuré.  Littéralement.  Je veux dire, des larmes furent réellement versées. 

    Nous en avons bavé avec notre fils.  Je l’ai souvent partagé ici.  Nous nous sentions tellement impuissant-es. 

    L’œuf ou la poule ?  Ma grossesse a-t-elle déclenché, favorisé les crises ?  Si je n’étais pas tombée enceinte, aurait-ce été aussi difficile avec notre fils ?  Aucune idée. Mais, c’est certain que si, au moment de vouloir notre 2ème enfant, nous savions ce que nous aurions à traverser, nous aurions sans doute remisé notre envie de progéniture. 

    Sachant ce qui nous attendait, nous aurions attendu ; du coup, pour la suite de la croissance familiale, ce fut la seule d’envisageables.  Nous avons attendu.

     Le temps passait et l’envie ne venait pas.

    Rationnellement, pourtant, il était clair que je voulais 3 enfants.  Que nous voulions 3 enfants.  Mon chéri et moi. 

    Emotionnellement, cependant, je sentais que je n’aurais pas pu faire face.  Mon homme encore moins.  Il refusait cette idée.  Son refus me braquait. En même temps, je ne le comprenais que trop bien.  Parallèlement à cette compréhension et à mon absence d’envie d’avoir un autre nourrisson, je voyais le temps filer, les années se dérouler (presque) tranquillement, du moins, trop vite à mon goût.

    Dès que j’ai atteint mes 36 ans, je me suis sentie terriblement vieille.  Dans mes prévisions théoriques et purement personnelles et hypothétiques, j’aurais eu mon dernier enfant avant mes 37 ans.   J’ai eu 37 ans cette année.  Une vie professionnelle complètement à l’arrêt.  L’envie d’un 3ème bébé a commencé à poindre son nez, émotionnellement je veux dire.  Je ne vous parle pas de mon envie rationnelle qui ressemble à un plan de vie (ce qui, en soit, est déjà foireux ; d’avoir un plan de vie, je veux dire) : avoir 3 enfants – et je vous/nous épargnerai un discours et les réponses à la question qui tue et que je trouve déplacé : pourquoi t’échines-tu à vouloir un 3ème enfant ?   Est-ce qu’on demande à une femme qui veut avoir sa 1ère progéniture pourquoi elle la veut ?  C’est comme « allaiter », il y a un âge après lequel c’est mal considérer de donner le sein.  Après 2 enfants, c’est bizarrement considéré de vouloir élargir sa tribu.  Bref.

    Restait à être deux.  Parce que, a priori, souvent, on est deux pour faire un bébé (remarquez qu’il arrive qu’on doive être 3 ou plus, les FIV, les donneurs de sperme, les mères porteuses, les adoptions, etc.). 

    Après discussions, nous sommes bien sur la même longueur d’ondes, mon chéri et moi.

    Pour Fiston, nous n’avons rien attendu du tout.  Il était imprévu mais bienvenu (nous avions cessé toute contraception dès notre décision de nous engager l’une envers l’autre, vers mai-juin ; bébé a habité mon utérus dès décembre).  Pour Princesse aux pieds nus, 2-3 mois se sont écoulés entre le vœu et sa réalisation. 

    J’espère de tout cœur que notre dernier viendra tout aussi rapidement.  

    C’est la première fois que je suis si impatiente de tomber enceinte.  Avant ma 2ème grossesse, j’en avais envie, et j’ai accueilli, par 2 fois, mes règles avec déception. 

    Récemment, je ne sais quel enchantement m’avait hypnotisée.  J’ai caressé une conviction émotionnelle que j’étais enceinte.  J’ai commencé à ne plus porter mes enfants, à faire attention à mon ventre, et le protéger de coups éventuels (de mes enfants, s’il et elle exprimaient une colère par un geste démonstratif).  J’ai commencé à avoir des nausées, à avoir mal au ventre (j’avais eu ça pour mes 2 grossesses).  Bref, j’ai commencé à somatisé un début de grossesse tellement j’en avais envie.  J’ai surtout mal interprété ces signes corporels. 

    Je commence donc à comprendre ces femmes qui attendent avec impatience leur grossesse.  Or, je ne veux pas tomber là-dedans.  Je me suis refusé à tomber dans cette impatience après la lecture de 3 fées pour un plaidoyer.  Je formule donc le vœu de ne pas attendre désespérément une grossesse et de ne pas accueillir mes règles avec rage et colère ou tristesse.  Je ne puis, toutefois, écarter la déception, comme celle qui m’a surprise à la vue du sang il y a quelques jours…L’aventure ne fait que commencer.

     


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  • Dernièrement, le Bois des Rêves s'est distingué par une attitude grotesque.

    Amélie Neveu, une maman allaitant son enfant de 16 mois dans la pataugeoire s'est vue intimer l'ordre de quitter ce petit bassin. 

    La jeune femme narre sa mésaventure sur fb comme suit.  (Si vous l'avez déjà lue, sautez cette étape en allant directement ).

    Vendredi 17/07/2015, à la piscine du Bois des Rêves d’Ottignies en Belgique, l’on m’a sommé d’arrêter d’allaiter mon petit garçon en publique. L’on m’a humiliée et l’on a attaqué un de mes droits fondamentaux et de ceux de mon fils.

    Alors que j’étais en train de répondre à un besoin primaire de mon fils en lui donnant le sein, j’entends des paroles me gifler les oreilles : « Elle a pas bientôt fini de sortir ses nichons celle-là ?! »

    Un saut d’adrénaline me submerge en un instant. Un sentiment instinctif de défense envers mon fils prend possession de moi. Je réponds « pardon ?! »
    - « C’est vraiment dégueulasse ce que vous faites ! Vous ne pourriez pas faire cela ailleurs ? »
    - « Si cela vous dérange, vous pouvez partir,regarder autre part. J’ai le droit d’allaiter mon fils ».
    - « Ce n’est certainement pas moi qui partirai ».
    - « Et bien très bien, moi non plus. »

    Je me retourne vers mon fils,choquée et blessée de ce qui vient de m’être dit mais voulant m’apaiser et passer à autre chose. J’entends alors « j’ai une grande gueule et je vais pas me laisser faire ».

    Deux minutes après, se dirige vers moi une jeune fille habillée dans l’uniforme des surveillants de la piscine. Je comprends directement qu’elle veut me demander de partir. Je la regarde - et je pense que je me lève - tout en disant « c’est une blague, vous venez me demander d’arrêter d’allaiter mon fils ? »
    La personne me rétorque que je dois partir de là, que je n’ai pas le droit de faire « ça » à cet endroit que je dois le faire plus loin, à l’écart. Lorsque je lui demande si c’est parce que je sors mon sein que cela pose problème elle me dit que non mais qu’il y a des enfants autour et c’est également rien que pour le fait qu’il pourrait tomber (sous-entendu, mon fils … Je comprends qu’elle était prise au dépourvu et ne savait que me répondre).

    Je lui réponds « vous vous rendez compte que c’est pour ce genre d’injustice que nous, mères allaitantes, nous battons constamment! Le droit de pouvoir nourrir notre enfant où et quand il en a besoin. » Je lui manifeste également mon incompréhension face à l’aberration de ses arguments. Je lui dis que je suis scandalisée par ce qu’elle vient me demander et qu’il est clair que je ne vais pas rester dans cette enceinte.

    Ma voix tremblait. Alors que je m’étais faite attaquée gratuitement, insultée dans l’intention des propos par une femme, l’on vient cautionner cet acte en me priant d’arrêter mon comportement pervers : nourrir et apaiser mon garçon. Je venais tout bonnement de me faire expulser de la piscine, devant tout un publique, en sous-entendant que j’étais une exhibitionniste…

    Au fur et à mesure que j’avance, les larmes montent, m’agrippent la gorge et me submergent. Un grand sentiment d’humiliation, de gêne profonde dominait. Je me sentais discriminée, comme un paria.

    Mon frère, qui m’accompagnait m’expliquera plus tard qu’à ce moment-là, une rage pris le pas sur le sentiment d’énervement qu’il ressentait juste avant. Il alla tout d’abord demander à l’étudiante son nom (inscrit en fait sur son badge) et lui fit comprendre qu’il allait voir la direction. Ensuite, il alla demander un règlement et c’est là qu’il rencontra la « sous-responsable » des lieux. L’étudiante qui m’avait expulsée avait déjà devancé mon frère pour protéger ses arrières en allant la trouver. La sous-responsable donna comme excuse, à mon frère, qu’il était écrit dans la loi que l’on devait se couvrir en publique pour allaiter.

    Je suis, ensuite, moi-même allée à sa rencontre. Je lui dis que j’entends bien qu’elle pense que c’est interdit par la loi mais qu’elle se trompe totalement. Elle maintient que si, c’est écrit. Elle me dit que l’allaitement est quelque chose de bien mais que la liberté d’une personne s’arrête là où commence celle des autres. Je lui dis que justement, c’est cela qui n’a pas été respecté. Elle me dit qu’il faut respecter la pudeur de chacun, les religions, ... Je lui dis que dans ce cas-là, ils devraient aussi demander aux femmes de couvrir leurs épaules.

    Je lui dis que c’est une atteinte à mes droits fondamentaux. Je lui explique que je fais partie d’un groupe de mères allaitantes et que je suis sur le groupe de La Leche League et que je raconterai ce que l’on vient de me faire vivre, que cela leur fera de la mauvaise publicité.

    Je lui dis que l’on a tellement fait la promotion du biberon durant le 20e et 21e siècle que l’on a oublié que l’allaitement est tout ce qui a de plus naturel. Elle me dit que cela n’a rien avoir avec la promotion du biberon mais qu’il faut cacher et que pour cela il y a des tissus ou alors se mettre dans un endroit à l’abri des autres.

    Je dis que c’est tellement triste que les lieux publiques soient comme cela au lieu de sensibiliser à ce qu’il y a de plus naturel et changer les mentalités. Elle me répond alors que si on laisse faire cela on va en arriver à tous les débordements et qu’une femme aura le droit de faire une fellation à son mari !

    STUPÉFAITE, SCANDALISÉE et profondément ATTERRÉE par le parallélisme qu’elle vient de faire, je m’esclaffe en lui faisant part de mon sentiment. Elle hoche la tête avec vigueur montrant qu’elle est intimement convaincue du lien qu’elle vient de faire, de sa véracité.

    Je décide alors de ne pas m’attarder plus longtemps dans des échanges si stériles… Je pars…

    Mon frère finira la conversation avec la personne en lui résumant tous les arguments que l’on nous a sortis les uns à la suite des autres pour justifier le fait de ne pas pouvoir allaiter à la piscine : Tout d’abord ce n’est pas un problème de sein à l’air mais que mon fils risquerait de tomber, ensuite c’est parce qu’il ne faut pas choquer les autres personnes et enfin parce que ce serait interdit par la loi. Mon frère demandera alors « Vous dites qu’il faut le faire dans l’herbe, plus loin mais pas dans la piscine pour ne pas choquer les gens. Et si d’autres personnes étaient venues tout de même se plaindre en la voyant allaiter dehors, dans l’herbe, ne seriez-vous pas également venue lui sortir es mêmes arguments ? Non ? Donc en fait ce n’est qu’un problème d ’eau dans lequel l’on se met pour allaiter ? »

    Je m’interroge : Et si un parent avait crié sur son fils, l’avait fessé, giflé en publique serait-on intervenu de façon si violente ou aurait-on plutôt jugé que c’est un problème de famille ? Je doute, malheureusement que l’on aurait choisi la première option… La parentalité bienveillante est encore malheureusement trop tabou… Trop de mères en font encore et toujours les frais…

    Il est sale d’être mammifère. Il est sale de ne pas voir le sein que comme un objet destiné à exciter la gente masculine. Il est sale d’utiliser sa poitrine pour sa fonction première : NOURRIR sa progéniture.

    « Neveu Amélie, mère allaitante et militante »

    Les journaux 7/7 et La Capitale rapportent l'incident.

    Le passage le plus surprenant de l'affaire réside dans les justifications données à Amélie Neveu:

    La personne me rétorque que je dois partir de là, que je n’ai pas le droit de faire « ça » à cet endroit que je dois le faire plus loin, à l’écart. Lorsque je lui demande si c’est parce que je sors mon sein que cela pose problème elle me dit que non mais qu’il y a des enfants autour et c’est également rien que pour le fait qu’il pourrait tomber (sous-entendu, mon fils … Je comprends qu’elle était prise au dépourvu et ne savait que me répondre).

    Si j'ai pu être choquée de cette phrase dans 7/7, j'avoue être revenue sur ce choc:

    Amélie a été priée d'allaiter son fils ailleurs parce qu'elle se trouvait dans la pataugeoire des enfants, un endroit, il est vrai, peu approprié pour nourrir un bébé.

    Après coup, je dois reconnaître que l'endroit est inhabituel. 

    Toutefois, il est surtout inhabituel en ce que les femmes qui allaitent, en général, se tiennent à l'écart, et beaucoup veillent à "cacher" leur sein.

    L'incident est choquant dans le déroulement des événements et dans les arguments avancés.  La violence du jugement de la dame par qui tout a commencé:

    « C’est vraiment dégueulasse ce que vous faites ! Vous ne pourriez pas faire cela ailleurs ? »

    Une telle critique est totalement inappropriée.  Et ce qui est révoltant, c'est que les autorités du lieu a cautionné cette insulte, en y ajoutant d'autres clichés.

    Alors, certes, certaines personnes pourraient répondre que personne ne donne son biberon dans la pataugeoire.  Peut-être.  Mais, une personne aurait-elle été jusqu'à insulter un papa ou une maman qui donne ainsi un biberon?  La direction aurait-elle cautionné que des insultes puissent se dérouler dans son enceinte sans intervenir?  Pour une femme allaitante et militante, une telle insulte ne peut être le dernier mot.

    Si la direction du Bois des rêves avait réagi en expliquant qu'on ne nourrit pas son bébé dans la pataugeoire, que ce soit au sein ou au biberon, ou à la cuillère, une telle interdiction pourrait encore se justifier.

    A ma connaissance, la direction n'a à aucun moment évoqué les questions d'hygiène.  Pour la nourriture dans l'eau, on comprend aisément.  Sans entrer dans le débat, je pourrais avancer qu'apporter 2 gouttes de lait maternel dans l'eau chlorée n'allait pas dégrader l'hygiène de l'eau (les pipis et cacas des couches le font suffisamment pour que l'eau supporte 2 gouttes de lait maternel).

    Le souci vient des arguments complètement rétrogrades et conservateurs qui furent avancés:

    1- les soucis de sécurité (l'enfant pourrait tomber) qui n'ont aucun sens.  Aucun parent ne pourrait jamais tenir son enfant dans l'eau vu le danger potentiel de laisser son enfant s'échapper de ses bras.

    2- la pudeur. 

    Du coup, on en vient à cette question de pudeur.

    La femme pudique qui se couvre, c'est son choix.  Les autres qui ne veulent pas voir une femme qui allaite détournent le regard, c'est leur choix.  Sous prétexte de ne pas choquer les autres personnes, une femme allaitante devrait se couvrir est un argument du même ordre que sous prétexte qu'une femme qui sort sans soutien-gorge s'expose davantage et risque de mettre mal à l'aise, ou une femme qui met une mini-jupe et risque donc de mettre mal à l'aise, ou une femme qui se maquille à outrance et risque donc de mettre mal à l'aise, etc., devrait mettre un soutien-gorge, mettre une jupe plus longue (mais attention, pas trop longue, histoire de ne pas se faire refouler de l'école.  Rappelez-vous de cette jupe ostentatoire!), devrait ne pas se maquiller trop au goût de certaines personnes.  Si les personnes ont un souci avec ce qu'elles considèrent comme l'impudeur d'autres, elles détournent les yeux, n'en pensent pas moins, et continuent leur vie. Point.

    Mais, ce qui est intéressant, c'est que ce n'est pas tellement l'endroit (la pataugeoire) qui pose problème.  A la lecture du témoignage d'Amélie Neveu, on conclut que si une dame s'était offusquée de l'allaitement dans l'herbe, à savoir, un peu plus loin, la réaction aurait été la même.  Ce parallèle surréaliste avancé confirme cette intuition:

    "si on laisse faire cela on va en arriver à tous les débordements et qu’une femme aura le droit de faire une fellation à son mari !"

    Il s'agit clairement de comparer une femme qui allaite à une femme qui gratifie son mari (pas son amant ou son concubin, ou son petit ami, admirez le choix des mots) d'une fellation.  Ben voyons.  Et c'est là que tout l'événement révèle l'attitude anti-allaitement. 

    SI la direction avait simplement voulu que la femme allaite plus loin, elle aurait pu s'excuser de réagir face à l'attitude anti-allaitement de l'autre femme.  Ensuite, elle aurait pu inviter la maman de prendre place sur une chaise à quelques mètres de la pataugeoire.  Le tout en douceur, et le tout en s'excusant du désagrément d'une telle demande.  Les événements n'auraient pas pris une telle tournure. On aurait pu alors pester sur l'argument d'hygiène complètement foireux, mais c'est tout.

    Autre remarque concernant la pudeur envers les enfants...

    A force de pudeur dans la société...

    Un enfant de 4-5 ans, venu chez moi et me voyant allaiter mon bébé s'inquiétait et ne comprenait pas ce que je faisais. Il était abasourdi, incrédule de découvrir qu'un bébé pouvait recevoir du lait du sein de sa maman (sa mère l'avait biberonné, ainsi que son petit frère).  Cet incident m'a choquée et j'y pense souvent quand il est question d’allaitement. 

    Trouve-t-on normal qu'un-e enfant ne sache pas qu'un-e enfant puisse être nourri-e par le lait de sa maman?  C'est du même ordre, si pas pire, qu'un-e enfant qui croie que les poissons sont carrés et panés (une fillette de 6 ans venue il y a 1 semaine à la maison ne connaissait pas le mot "arête" et ne savait pas qu'il y avait des arêtes dans un poisson - donc, cette croyance sur les enfants "ignorants de certaines réalités " est loin d'être un mythe).

    Enfin, j'aime cette conclusion d'Amélie Neveu:

    "Je m’interroge : Et si un parent avait crié sur son fils, l’avait fessé, giflé en publique serait-on intervenu de façon si violente ou aurait-on plutôt jugé que c’est un problème de famille ? Je doute, malheureusement que l’on aurait choisi la première option… La parentalité bienveillante est encore malheureusement trop tabou… Trop de mères en font encore et toujours les frais…


    Il est sale d’être mammifère. Il est sale de ne pas voir le sein que comme un objet destiné à exciter la gente masculine. Il est sale d’utiliser sa poitrine pour sa fonction première : NOURRIR sa progéniture."

    Au-delà du choc à la lecture de ce témoignage, il m'a fallu du temps pour analyser les faits.  Les railleries lues sur internet sur l'attitude d'Amélie Neveu, et ma propension spontanée à soutenir cette dernière m'ont conduite à décortiquer ce qui, dans l'événement, était inacceptable.

    Les commentaires sont affligeants.  Et détail intéressant, l'enfant allaité a 16 mois. Du coups, d'autres, qui se déclarent certes favorables à l'allaitement, ne peuvent se retenir d'émettre des réserves vu l'âge de l'enfant.  Certaines commentatrices ou certains commentateurs dénient à l'enfant le statut de "bébé".  "A 16 mois, on n'est plus un bébé".  En filigrane, on pourrait lire "A 16 mois, un-e enfant ne prend plus la tétée".  Donc, une mère qui allaite en public son enfant de 16 mois est indigne et mérite de se faire insulter.  Et là aussi, ressurgissent tous les clichés  sur l'allaitement.  Tout cela parce que la société intime une mère allaitante à le faire dans la discrétion.

    Par la suite, refusant d'en rester sur un sentiment d'injustice, j'ai introduit auprès de l'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes, une plainte portant sur cet incident.  Il s'agit, à mon sens, d'une discrimination indirecte visant la femme.  Une mère allaitante s'est faite insultée, avec la bénédiction de la direction du Bois des Rêves, et après avoir connu une telle humiliation publique, cette femme ne pouvait que quitter les lieux pour protester contre l'insulte indirecte subie (fellation, exhibitionniste).  La discrimination est indirecte car elle ne vise pas en tant que telle la femme.  Mais, de fait, seule une femme ne pourra jamais allaiter.  Un homme ne risque donc jamais de subir pareille humiliation et insulte de la part du Bois des Rêves.

    Voici la teneur de mon signalement à l'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes, dont j'ai reçu l'accusé de réception aujourd'hui.  Je veillerai à compléter mon premier message envoyé par le billet que vous venez de lire:

    Bonjour,
    Une dame allaitant son bébé dans la pataugeoire du Bois des Rêves, le 17 juillet, s'est vue intimer l'ordre de quitter la pataugeoire pour cause d'indécence.

    Après avoir prétexté des raisons de sécurité (l'enfant, voyez-vous, aurait pu tomber dans l'eau), après avoir comparé l'allaitement à une fellation ("si on acceptait ça, on acceptait tout, même une femme qui ferait une fellation à son mari !"), la mère a dû quitter la piscine, humiliée.

    Dans un article de 7/7, la journaliste est "un endroit, il est vrai, peu approprié pour nourrir un bébé".

    Un père devrait-il se cacher pour donner un biberon? Serait-il soupçonné de risquer de faire tomber son bébé?

    A mon sens, cette attitude touchant à l'interdiction d'allaiter s'apparente à une discrimination indirecte fondée sur le sexe, loin de la problématique de l'exhibition sexuelle de l'allaitement que le Bois des Rêves veut imposer.

    Dans l'attente de vos nouvelles, vous trouverez ci-dessous des liens dans des articles de presse.

    J'inviterai également la maman concernée de porter plainte par elle-même.

    Bien à vous,

    A suivre...

    Pour les questions juridiques, lire l'ouvrage de [2011-07-28] Martine HERZOG-EVANS, Allaitement maternel et droit, Paris, L'Harmattan, 2007 

    Ce livre concerne la France mais les propos juridiques valent pour la Belgique. Rapidement, parce que je ne me suis pas encore penchée sérieusement sur ces questions:
    Il n'existe aucune interdiction d'allaiter "en public" son enfant.  De même, la loi n'impose nullement le port d'un voile pendant l'allaitement.  L'interdiction d'exhibitionnisme ne s'applique pas au cas de l'allaitement.  Celui-ci ne rentre pas dans les situations d'exhibitionnisme visées.  Enfin, il serait curieux qu'allaiter soit condamné sous prétexte d'outrage aux bonnes mœurs.  

    ***

     


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  • Il y a peu, j'ai rencontré d'autres femmes actives dans la revendication pour une naissance respectée.  J'ai cru comprendre que pour nombre de ces femmes, notre société induisait la douleur liée à l'accouchement.  A l'image de l'enfant à qui un-e adulte répète qu'il/elle va tomber et qui du coup, tombe, une femme à qui la société répète que l'accouchement fait mal a mal lors de son enfantement.  Cela a l'air logique, en fait.

    Se répand même l'idée que certaines femmes "parviennent" à un accouchement orgasmique (le mot "parvenir" n'est pas anodin de ma part, j'y reviendrai). 

    J'avoue, je suis très mal à l'aise avec ce genre d'apologie de l'accouchement sans douleur, de l'accouchement orgasmique.

    Même lors de mon accouchement idéal (celui de ma fille qui ressemble quasi en tous points à la description rédigée quelque temps auparavant de mon accouchement idéal), j'ai eu mal.  Il m'est rétorqué que c'est normal, vu que nous vivons dans une société qui dit que l'accouchement fait mal, j'ai donc intégré le message que j'aurais mal.

    Le souci avec ce genre d'argument est du même ordre que celui qui dit que l'inconscient existe et que si une personne remet en cause ce postulat, c'est parce que, inconsciemment, elle refoule.  Son inconscient l'empêche d'admettre l'existence de son inconscient...Vous me suivez?

    Si, la prochaine fois que j'accouche, je n'"atteints" pas un accouchement orgasmique, ce sera sans doute parce que je n'y crois pas et que je n'aurais pas assez lâché prise.

    Certes, je ne souhaite pas remettre en cause le témoignage de certaines femmes.  Après tout, il existe de tout dans ce monde (comme les femmes souffrant du syndrome d'excitation sexuelle).

    Ceci dit, je me demande si en grandissant dans une société où l'accouchement n'est pas associé à la douleur, les femmes seraient majoritaires à connaître des accouchement sans douleur.  J'ai lu par exemple rapidement le témoignage d'une femme ayant vécu un accouchement orgasmique.  Elle reconnaît avoir connu de la douleur ET du plaisir. 

    Je me pose des questions sur le fait de NIER la douleur.  Même dans le récit de Leboyer et de cette femme qui l'a tellement surpris avec son accouchement naturel, je n'ai pas compris que la femme n'avait PAS MAL.  Mon interprétation du récit et des images que j'ai vues sur youtube n'est pas que les femmes n'ont pas eu mal, mais qu'elles ont réussi à intégrer la douleur pour la transformer.  Ce qui est fondamentalement différent à mon sens.  Car cela implique quand même d'accepter que la douleur tout en admettant que celle-ci puisse ne pas devenir souffrance.  J'ai lu que certaines personnes distinguaient la douleur de la souffrance.  Je trouve cette distinction judicieuse. 

    A mon sens, un accouchement fait mal. Une femme qui accouche éprouve de la douleur. Mais, cette douleur peut être vécue autrement que comme de la souffrance, c'est-à-dire une douleur qui submerge et anéantit tellement que la personne s'y perd et ne retrouve jamais pied.

    Nier le fait que la douleur est une composante de l'accouchement revient à donner une injonction aux femmes qui, si elles étaient libérées dans leur corps et dans leur sexualité, devraient pouvoir atteindre un accouchement orgasmique!  L'accouchement sans douleur, voire l'accouchement orgasmique, le Graal des parturientes!  Nier la douleur de l'accouchement, c'est faire sur l'accouchement ce que l'entourage fait pour le post-partum: nier l'ambivalence que peut éprouver la femme venant d'enfanter.  Et déesse sait comme je suis favorable à la reconnaissance et au soutien de la femme face à cette ambivalence.

    Autre question qui me taraude: en quoi serait-ce honteux de reconnaître que l'accouchement fait mal?  Après tout, une migraine fait mal à la tête et les personnes dans la majorité reconnaissent leurs maux de tête.  Lors d'une angine, on reconnaît facilement avoir mal à la gorge.  Le passage d'un bébé au travers de notre corps de femme, ce n'est pas rien.  Lorsque l'on voit le processus, il n'est rien d'étonnant que la femme éprouve de la douleur, me semble-t-il.

    Ne pas savoir que cela peut faire mal peut, au contraire, accentuer la douleur en raison de l'anxiété que l'ignorance induit.  A mon humble échelle, je peux donner mon expérience de mon opération des yeux subie il y a bien 7-8 ans.  Après celle-ci, j'ai ressenti de la douleur comme si du sable irritait constamment mes yeux.  Lorsque je suis sortie du laboratoire, cela ressemblait à de simples picotements désagréables. 

    Cependant, à mesure que l'anesthésie locale se dissipait, la douleur s'intensifiait.  Tellement qu'à un moment, j'ai émis des doutes sur la "normalité" de ma douleur.  Le chirurgien ne m'avait pas parlé d'une douleur plus sourde, plus lourde que cela.  Mon homme s'est démené pour obtenir un membre du personnel soignant au bout du fil.  J'ai dormi toute l'après-midi, afin de laisser passer la tempête.  En fin de journée, quelqu'un rassura mon cher et tendre au téléphone.  C'était normal et cela allait passer. Moi, avant de m'endormir, je le suppliais de demander si c'était normal ou si nous devions d'urgence retourner à l'hôpital.  Il est évident que si j'avais été prévenue que les douleurs pouvaient devenir intensives, je me serais épargnée toute mon inquiétude quant à savoir si celles-ci traduisaient les suites logiques de mon opération ou si, au contraire, elles exprimaient un problème post-opératoire.

    De même, à force d'avoir lu des témoignages sur l'accouchement (une de mes manières de ma préparer à mon 1er accouchement), j'ai, certes, été surprise de l'ampleur des contractions, mais j'étais préparée au fait que cette ampleur pouvait arriver.  A aucun moment, je ne me suis dit que ce n'était pas "normal" d'avoir si mal.  Je savais qu'enfanter pouvait impliquer des douleurs atroces.  ET je savais aussi que la douleur est une perception et qu'il existe des méthodes propres à chaque personne pour atténuer la douleur.  L'accueillir, l'accompagner et la laisser partir, par exemple.  Bouger.  Changer de position.  Prendre un bain.  Chanter.  Etc.  A chaque femme ses techniques.   Elles sont plus efficaces pour atténuer la sensation de douleur inhérente, à mon sens, à l'accouchement, plutôt que de déployer de l'énergie pour lutter constamment lutter contre (j'ai accouché par deux fois dans cette posture, de lutte contre la douleur.  Et ça va, je suis vivante, et prête à retraverser cela une 3ème fois le temps voulu.  Amazone, même dans l'enfantement..he [1] ), ou de se poser constamment si elle est normale, ou de se demander constamment si ce ne serait pas mieux de prendre la péridurale.

    Accepter l'existence de la douleur, c'est la replacer à sa juste place.  J'aime cette image et interrogation de Stéphanie Saint-Amand [2].  Les sportifs et sportives peuvent ressentir de la douleur due à l'entraînement sportif.  Celui-ci induirait une "bonne douleur", puisqu'elle a du sens (des exploits sportifs)[1].  A l'opposé, la culture de notre société ôte tout sens à la douleur d'un accouchement.

    En résumé, je suis favorable à une société qui accepte l'idée qu'un accouchement soit douloureux; cette société reconnaîtrait que cette douleur est physiologique et acceptable ET qu'il existe des solutions parfois simples pour qu'elles restent tolérables pour toutes les femmes amenées à les éprouver.  De fait, je m'interroge sur le discours tendant à nier la douleur des accouchement.  Lorsqu'on me dit que certaines sociétés ne véhiculent pas l'idée que l'accouchement fait mal, et du coup, les femmes qui accouchent n'ont pas mal.  J'ai tendance à penser autrement (mais je ne fourvoie peut-être totalement; je ne peux prétendre avoir raison. Je n'en sais rien). 

    Peut-être que dans ces sociétés, la douleur de l'accouchement n'est pas  négativement perçue, de sorte qu'il n'est pas fait tout un foin autour de celle-ci. La femme qui y accouche ressent de la douleur, mais cette dernière est naturellement intégrée, comprise et considérée comme normale.  D'où cette idée que l'accouchement ne fait pas mal, parce que "ce mal" ne mérite pas qu'on en débatte, et surtout pas que l'on vise à l'annihiler (par la péridurale, par exemple).

     

     

    ________________________

     

    (1) Très honnêtement, je peine encore à être dans l'acceptation du sens de la douleur de l'accouchement.  Ce qui, en somme, est pleinement cohérent avec ma vision de la vie. Après de longues réflexions, j'en suis arrivée à la conclusion que la vie des hommes n'a pas de sens.  Elle n'a aucun sens. Ma vie n'a aucun sens.  Pas plus que la vôtre ou que celle de votre voisin-e, que le Président des États-Unis.  A défaut de voir un sens à la vie, puisque nous, êtres humains, sommes bien dérisoires par rapport à l'existence du monde, j'en suis arrivée à la conclusion que le seul sens qui soit acceptable est simplement que notre présence sur Terre est un accident.  Et quitte à être un accident, autant que notre existence sur Terre nous apporte du plaisir et du bonheur.

    Pour en revenir sur le sens de la douleur de l'accouchement, lors de mes deux expériences, déesse que j'ai pesté!  Que les personnes qui défendent l'idée que la nature est bien faite, qu'il convient de lui faire confiance, que le Créateur/la Créatrice, que Dame Nature, l'Univers, etc.  a bien bâti l'homme et la femme...Il n'empêche, pourquoi, si cette force qui a créé la vie est tellement douée, pourquoi a-t-elle fait que cela soit quand même douloureux d'accoucher?  Elle aurait pu aller jusqu'au bout de la physiologie et prévoir un processus plus puissant pour annihiler la douleur, non?

    éphanie Sain

     

     

    (2)Stéphanie Saint-Amand a rédigé une thèse de doctorat sur l'accouchement.  Il y est question de la douleur et des réponses médicales à celle-ci: DÉCONSTRUIRE L’ACCOUCHEMENT : ÉPISTÉMOLOGIE DE LA NAISSANCE, ENTRE EXPÉRIENCE FÉMININE, PHÉNOMÈNE BIOLOGIQUE ET PRAXIS TECHNOMÉDICALE 

     

     

     

     


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    En l’affaire Konovalova c. Russie, 

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

    Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
    Khanlar Hajiyev,
    Mirjana Lazarova Trajkovska,
    Paulo Pinto de Albuquerque,
    Erik Møse,
    Ksenija Turkovi
    ć
    Dmitry Dedov,
    juges,
    et de Søren Nielsen, greffier de section, 

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 septembre 2014, 

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

     

    Procédure

     

    1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 37873/04) contre la Fédération  de Russie et dont une ressortissante de cet État, Mme Yevgeniya Alekseyevna Konovalova ( « la requérante »), a saisi la Cour le 5 août 204 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 

     

    1. La requérante a été représentée par M. Konovalov, avocat pratiquant à St-Pétersbourg.  Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. G. Matiouchkine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. 

     

    1. La requérante alléguait que le fait qu’elle fut contrainte de donner naissance à son enfant en présence des étudiants en médecine a emporté violation du droit interne et de la Convention.

     

    1.  Le 9 mars 2009, la requête a été communiquée au Gouvernement. 

     

     

    Les faits

     

    I.  Les circonstances de l’espèce

     

    1. La requérante est née en 1980 et vit à St-Pétersbourg.

     

    A.     L’hospitalisation de la requérante et la naissance de son enfant

     

    1. Le matin du 23 avril 1999, la requérante, enceinte, fut amenée au service gynécologique de l’hôpital de l’Académie de médecine militaire de Kirov alors que les contractions avaient commencé. 

     

    1. Lors de son admission, elle reçut une brochure de l’hôpital qui contenait, entre autres, un avertissement informant les patients qu’ils pourraient être appelés à participer au programme de formation clinique de l’hôpital.  L’avertissement stipulait :

     

    « Nous vous demandons de respecter le fait que le traitement médical dans notre hôpital est combiné avec la formation des étudiants en obstétrique et gynécologie.  Par conséquent, tous les patients sont impliqués dans le programme de formation clinique. »

     

    1. Le moment exact où elle reçut la brochure est incertain.

     

    1. A 9 h, la requérante fut examiné par un médecin.  Celui-ci établit qu’elle était enceinte de 40 semaines et diagnostiqua des complications de grossesse en raison d’une légère polyhydramnios (excès de liquide amniotique).  Le médecin nota que les contractions de la requérante apparaissaient prématurées et que celle-ci souffrait de fatigue.  A la vue de ses symptômes, des narcotiques lui furent administrés.  Elle dormit de 10 h à midi.

     

    1.   A 14h, le médecin établit de nouveau que les contractions étaient prématurées et lui prescrivit un médicament anti-contraction en vue d’annuler le travail prématuré. 

     

    1.   Entre 14 et 22 h, la requérante subit divers examens médicaux.  Les médecins ne diagnostiquèrent nulle autre pathologie excepté ses contractions irrégulières.

     

    1.   Selon la requérante, vers 15 h, elle fut informée que son accouchement était fixé au lendemain et qu’elle donnerait naissance en présence d’étudiants en médecine.

     

    1.  A 22h, la requérante fut induite au sommeil par des narcotiques.  Elle fut suivie la nuit par des médecins.

     

    1.  A 8 h le lendemain, après le réveil de la requérante, la fréquence et l’intensité de ses contractions s’intensifièrent.  Les médecins détectèrent des traces de méconium dans son liquide amniotique, ce qui indiquait que le bébé risquait de souffrir d’hypoxie.  Il fut prescrit à la requérante un médicament visant à améliorer l’hémodynamique du placenta utérin (le débit de sang dans le placenta).

     

    1.  A 9 h, les médecins procédèrent à un examen cardiotocographique et évaluèrent l’état de santé tant de la mère que de son fœtus comme satisfaisants.  Ils décidèrent également de mener un accouchement vaginal.  Selon la requérante, elle refusa la présence des étudiants en médecine à son accouchement.

     

    1. La naissance dura de 10 à 10h34 en présence des médecins et des étudiants en médecine, lesquels avaient apparemment reçu des informations sur son état de santé et son traitement médical.  Durant le travail, les médecins effectuèrent une épisiotomie (incision).  Ils diagnostiquèrent une légère asphyxie chez l’enfant.  A 13h, il fut placé dans une unité de soin spéciale pour bébé et y séjourna jusqu'au 13 mai 1999, jour de départ à la maison de la requérante.

     

    B.     La plainte de la requérante à l’hôpital

     

    1.  Le 10 août 1999, la requérante introduisit une plainte auprès de l’hôpital, demandant une réparation pour le dommage moral induit par les mesures prises en vue de retarder l’accouchement.

     

    1. En réponse, l’administration de l’hôpital mena une enquête interne.  Les conclusions de celle-ci furent consignées dans un rapport du 14 août 1999.   Celui-ci confirma que l’accouchement se déroula selon les normes, et qu’à son admission, la plaignante avait été informée de la présence du public durant son accouchement.  L’extrait pertinent du rapport se lit comme suit :

     

    «  Les étudiants en 4ème médecine étaient présents dans la pièce d’accouchement durant [le travail de la requérante], le 24 avril 1999.  Cette présence n’a pas pu avoir d’impacts négatif sur l’issue de l’accouchement.  La gestion de l’accouchement fut conduite par [le Chef du département de la maternité].  Lors de son admission, [la requérante] avait été prévenue de la présence possible d’un public durant son accouchement.  Les obstétriciens n’ont pas retardé délibérément l’accouchement.  Les traitements administrés le furent dans les meilleurs intérêts de la maman et du fœtus selon les circonstances particulières de l’accouchement de la requérante… »

     

    1. Le 19 août 1999, l’hôpital rejeta la requête de la requérante, affirmant l’absence de fautes dans la gestion de cette naissance.

     

     

    C.     La procédure civile contre l’hôpital

     

     

    1.  Le 27 juillet 2000, la requérante introduisit une action contre l’hôpital devant le Tribunal du district de Vyborg (St-Pétersbourg).  Elle demandait la réparation du préjudice moral et des excuses publiques pour le retard délibéré de son accouchement ainsi que la présence non-autorisée de tiers durant celui-ci.

     

    1.   Le 4 septembre 2002, le Tribunal du district ordonna une expertise sur l’affaire de la requérante.  Des experts furent enjoints d’examiner si oui ou non l’accouchement de la requérante avait été délibérément retardé et si oui ou non, son accouchement fut affecté par la présence d’étudiants. 

     

    1.   Dans leur rapport datant du 27 septembre 2002, les experts conclurent que :

     

    « L’hôpital a fourni à la requérante les soins médicaux sans avoir commis de fautes susceptibles d’avoir détérioré la santé soit de la mère soit de l’enfant.  Le traitement médical était adéquat et fourni en temps utile.  Après son admission, la requérante fut minutieusement examinée par des médecins, qui ont établi un diagnostique correct et préparé un projet de naissance adéquat.  Vu la prématurité des contractions de la requérante et sa fatigue générale, la prescription de narcotique doit être considérée comme une mesure appropriée.  Le traitement pour les contractions prématurées qui s’ensuivit était nécessaire…

     

    La naissance d’un enfant est stressante pour toute femme.  La présence des étudiants en médecine [de l’hôpital], même lors du second stade de l’accouchement, quand la parturiente est en phase d’expulsion, ne pouvait pas affecter la gestion du travail.  L’accouchement  aurait seulement pu être négativement affecté lors de la première phase.  Durant l’expulsion, une femme enceinte est généralement concentrée sur son activité physique.  La présence d’un public ne pouvait pas l’affecter négativement dans son travail.  Les documents médicaux montrent qu’il était impossible de retarder l’accouchement lors du second stade, le stade de l’expulsion involontaire.  Les documents dans le dossier de la requérante ne contiennent aucune preuve pour étayer que la naissance ait été intentionnellement retardée dans le but de permettre à des étudiants en médecine d’étudier ce cas. »

     

    1.   Le 25 novembre 2003, la Cour du District débouta l’action de la requérante.  Se basant sur le rapport d’experts cité plus haut, la Cour jugea la qualité du traitement à l’hôpital adéquat.  Elle nota de surcroît que la loi interne, en particulier, la Loi sur les soins de santé, en vigueur à cette époque, n’exigeait pas que le patient consente par écrit à la présence des étudiants en médecine.  Elle précisa également le fait que la requérante fut informée à l’avance de sa participation dans le programme de formation puisqu’elle avait reçu une brochure hospitalière contenant un avertissement explicite sur la présence possible des étudiants en médecine durant son traitement.  La Cour du District a rejeté, parce que sans fondement, son argument selon lequel elle avait s’était opposée à la présence du public durant la naissance.  La Cour a accepté le témoignage oral de son médecin  selon lequel aucune pareille opposition n’avait été formulée.  La Cour ne vérifia pas les déclarations du médecin à ce propos en questionnant d’autres témoins et ne rapporta aucune autre preuve en lien avec ce point.  La Cour conclut que les médecins hospitaliers avaient agi légalement et ne lui avait causé aucun préjudice non-pécuniaire. 

     

    1. Les extraits pertinents du jugement peuvent se lire ainsi :

     

    « … la requérante introduisit une action en réparation pour le préjudice moral….[Elle] allégua que la naissance de sa fille avait été intentionnellement retardée en vue de permettre la présence des étudiants en médecine.  [Elle] affirma que la démonstration de son travail, qui fut assurée sans son consentement, lui avait causé des souffrances physiques et psychologiques et avait violé ses droits.  Elle prétendit que la défenderesse [Ndt : l’hôpital] devait payer RUB 300,000 pour le dommage moral.

     

    Les représentants de [l’hôpital] rejetèrent cette prétention.  Ils alléguaient que [la requérante] était informée du programme de formation dans [l’hôpital] avant d’y être admise…Ils arguèrent également qu’[elle] avait reçu le traitement médical approprié et dans les temps…

     

    [B.], le médecin qui assista [la requérante] durant son travail, déclara lors de son interrogatoire …devant la Cour que les soins médicaux avaient été fournis conformément aux normes exigées et sans retard.  La requérante n’avait exprimé aucune plainte sur la qualité de [ses] soins médicaux.  [B.] affirma également qu’il était impossible de retarder le travail.  Selon elle, la présence des étudiants en médecine dura seulement quelques minutes.  Le curcus étudiant prévoit qu’ils doivent prendre part à des rondes des médecins et au traitement médical des patients…

     

    Eu égard à l’article 54 de la Loi sur les soins de santé, les étudiants du secondaire et des hautes écoles médicales sont autorisés à assister à l’administration de traitement médical dans le cadre des exigences de leur cursus et sous la supervision du personnel médical.  Les règles pertinentes doivent être énoncées par le Ministère de la Santé de Russie.  Les articles 32 et 33 de la Healt Care Act prévoient que de telles interventions médicales ne peuvent être exécutées sans le consentement des patients, lequel doit être confirmé [par écrit].

     

    La Cour considère que la simple présence des étudiants [de l’hôpital] lors de la salle d’accouchement ne peut être interprétée comme une intervention médicale dans le sens des articles 32 et 33 de la Loi sur les soins de santé.  Comme on peut le voir d’après les documents, les ambulances n’amènent pas en principe leurs patients à l’[hôpital].  [La requérante] fut conduite à l’[hôpital] parce que son époux officie dans [l’armée].

     

    Selon les déclarations de [la requérante], elle était consciente de sa participation possible dans la formation clinique (voy. la brochure).  L’affaire examinée ne contient aucune preuve qui étayent ses allégations selon lesquelles elle avait refusé la présence du public durant son accouchement. 

     

    Eu égard à ces circonstances dans la présente affaire, la Cour ne voit pas de motif pour considérer les médecins hospitaliers coupables d’avoir infligé un préjudice moral ou des souffrances physiques ou morales à la requérante.  Partant, [l’hôpital] n’est soumis à aucune obligation de dédommagement [envers elle]… »

     

    1.   Le 24 mai 2004, la Cour de la Ville de St-Pétersbourg confirma le jugement de la Cour du District. 

     

    II.  Le droit et la pratique Russes pertinents

     

    D.    La Loi sur les soins de santé (loi fédérale n° 5487-I datant du 22 juillet 1993), en vigueur au moment des fait litigieux

     

    1.   L’article 32 de la Loi sur les soins de santé prévoyait que le consentement volontaire et éclairé du patient est une condition préalable nécessaire à toute intervention médicale.

     

    1.   L’article 33 établissait que le patient ou son ou sa représentante légale est en droit de refuser une intervention médicale ou de demander l’arrêt de celle-ci, sans préjudice des exceptions citées à l’article 34.

     

    1. L’article 34 stipulait qu’un traitement médical pouvait être administré à une personne sans son consentement ou celui de son ou sa représentante légale si cette personne (1) souffrait d’une maladie dangereuse pour les autres, ou (2) souffrait de maladies mentales graves, ou (3) avait commis un acte socialement dangereux pour lequel un traitement médical était exigé par la loi.

     

    1. L’article 54 exposait que les étudiants du secondaire ou des hautes écoles médicales étaient autorisés à assister au traitement médical dans le cadre des exigences de leur cursus et sous la supervision du personnel médical responsable de leur études professionnelles.  L’implication des étudiants dans les traitement médicaux devaient être réglée par une série de normes devant être adoptées par l’agence exécutive chargée des soins de santé.  De telles règles n’ont pas été adoptées avant le 15 janvier 2007 (voy. paragraphe 31 ci-dessous).

     

    1.  L’article 61 prévoyait que l’information concernant une demande de soin, l’état de santé, le diagnostic de la maladie, ou les autres données obtenues à l’issue d’un examen ou d’un traitement constituent des données médicales confidentielles.  Toute personne doit avoir la garantie ferme quant à la confidentialité des informations afférentes à sa santé.  Il était de surcroît stipulé que la communication d’informations médicales confidentielles par des personnes qui y avaient accès n’était pas autorisée, sauf : (1) lorsque l’examen et le traitement étaient requis pour une personne incapable d’exprimer sa volonté en raison de son état de santé ; (2) lorsqu’il existe des risques de propagations de maladies infectieuses, d’empoisonnement ou d’infections de masse; (3) à la demande d’organes d’enquêtes officiels ou d’une Cour en lien avec une enquête en cours ou une procédure judiciaire. ; (3.1.) à la demande d’organe chargé de la surveillance du comportement d’un condamné ; (4) dans les cas de traitement d’une personne mineure pour addiction à la drogue, en vue de garder ses parents ou ses représentants légaux informés ; (5) lorsqu’il existe des motifs de croire que la santé d’une personne est en danger à la suite d’actes illicites ; (6) en vue de procéder à un examen médical militaire.   Enfin, l’article 61 prévoyait que les personnes qui, conformément à la loi, étaient dépositaires des informations médicales confidentielles étaient, au même titre que les fonctionnaires médicaux et pharmaceutiques, responsables, en fonction de l’étendue du dommage en résultant, de la violation du secret médical en vertu du droit disciplinaire, administratif et pénal conformément à la législation pertinente.

     

    E.     Les règles sur l’admission des étudiants du secondaire et des hautes écoles médicales aux opérations médicales des patients, approuvées par l’Order n°30 du Ministère des soins de santé et du développement social de Russie du 15 janvier 2007

     

    1.   Le paragraphe 4 des règles sur l’admission des étudiants du secondaire et des hautes écoles médicales prévoit que les étudiant peuvent prendre part au traitement médical de patients sous la supervision du personnel médical, à savoir les employés des établissements de soins de santé.  Leur implication doit se dérouler dans le respect des exigences d’éthiques médicales et doit recueillir le consentement du patient ou de son représentant. 

     

    III.  Le droit international pertinent

    A.     Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine

     

    1.   La Convention pour la protection des DH et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine est ouverte à la signature depuis le 4 avril 1997 et est entrée en vigueur le 1er décembre 1999.  Elle a été ratifiée par six Etats membres du Conseil de l’Europe, à savoir, la Croatie, le Danemark ; la France, les Pays-Bas, la Suisse et la Turquie.  La Fédération de Russie n’a ni ratifié ni signé la Convention.  Ses dispositions pertinentes peuvent se lire comme suit :

     

    Article 5 – Règle générale

    Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.
    Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques.
    La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement.

     

    B.     La Recommandation générale N°24 adoptée par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)

     

    1.   Lors de sa 20ème session qui se déroula en 1999, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes adopta l’opinion et les recommandations suivants pour une action par les Etats parties à la Convention pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (ratifiée par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe) :

    « 20. Les femmes ont le droit d’être pleinement informées, par du personnel convenablement formé, des possibilités qui leurs sont offertes lorsqu’elles consentent à un traitement ou se prêtent à des tests, et notamment des avantages probables et des inconvénients éventuels des procédures proposées ainsi que des solutions de rechange.

    22. Les États parties devraient aussi rendre compte des mesures prises pour garantir l’accès à des services de santé de qualité, par exemple en veillant à ce qu’ils soient acceptables par les femmes. Un service est acceptable lorsque l’on s’assure que la femme donne son consentement en connaissance de cause, que l’on respecte sa dignité, que l’on garantit la confidentialité et que l’on tient compte de ses besoins et de ses perspectives. Les États parties ne devraient autoriser aucune forme de coercition, […] qui violent le droit des femmes à la dignité et leur droit de donner leur consentement en pleine connaissance de cause.

     

     

    31. Les États parties devraient en outre, en particulier :

     

    e) Veiller à ce que tous les soins dispensés respectent les droits de la femme, notamment le droit à l’autonomie, à la discrétion et à la confidentialité, et la liberté de faire des choix et de donner son consentement en connaissance de cause;

     

     

    F.      La Déclaration sur les droits des patients en Europe

     

     

    1.  La Déclaration a été adoptée dans le cadre des Consultations européennes sur les droits des patients, tenues à Amsterdam les 28-30 mars 1994 sous les auspices du Bureau régional l’Europe de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS/EURO).  Les Consultations débouchèrent après une longue phase préparatoire, durant laquelle OMS/EURO encouragea l’émergence d’un mouvement en faveur des droits des patients, sur, entre autres, l’élaboration d’études et d’enquêtes sur les droits des patients au travers de l’Europe.  Voici les extraits pertinents de la Déclaration :

     

    3.9 [1].  Le consentement éclairé du patient est nécessaire pour toute participation à l'enseignement clinique.

     

     

    En droit

     

    I.  Sur la violation alléguée de l’article 8 de la Convention

     

    1.   La requérante allègue que la présence non autorisée des étudiants en médecine durant la naissance de son enfant emporte la violation de l’article 8 de la Convention.   Cette disposition est ainsi libellée : 

    « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

    2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

     

    A.     Thèses des parties

     

     

    1.   Le Gouvernement soutient qu’il n’y a pas eu d’ingérence dans les droits de la requérante, que la présence des étudiants ne peut pas être qualifiée d’ « ingérence » puisqu’elle avait implicitement donné son consentement à cet égard et n’avait jamais critiqué son traitement à l’hôpital.  De plus, les étudiants n’étaient pas eux-mêmes impliqués dans la procédure médicale, étant seulement des spectateurs.  Le Gouvernement ajoute que toute ingérence dans les droits de la requérante était légale, puisqu’elle était accomplie dans le respect du cursus des étudiants et de la Loi sur les soins de santé.  L’ingérence alléguée poursuivait le but légitime de prévoir les besoins d’un processus éducatif  et était proportionnelle par rapport à ce but parce que les formations en milieu hospitalier constituent les moyens les plus adéquats pour assurer un niveau élevé de la formation médicale.

     

     

    1.  La requérante soutient que la présence du public durant son accouchement constitue « une ingérence » dans ses droits protégés par l’article 8.  Cette ingérence n’était pas légale vu qu’elle n’avait pas donné son consentement écrit, de surcroît.  Elle n’était pas non plus nécessaire ni proportionnelle, en raison de la notification tardive de la présence possible d’un public.  Elle fut par conséquent dans l’impossibilité de choisir un autre hôpital.  Selon elle, elle a appris la présence des étudiants à 15h du 23 avril 1999.  Elle était presque inconsciente à ce moment-là et n’avait pas accès à un téléphone pour contacter sa famille afin de prévoir son accouchement autre part.  En outre, en raison de son état de santé, elle n’aurait pas pu quitter l’hôpital.

     

    B.     Appréciation de la Cour

     

    1.  Sur la recevabilité

     

    1.   La Cour note que la présente requête n’est pas manifestement mal fondée dans le sens de l’article 35, § 3, de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. 

    2.  Sur le fond

     

    (a)  Sur l’existence d’une ingérence dans la vie privée de la requérante

     

    1.   La Cour rappelle que selon sa jurisprudence sur l’article 8, le concept de « vie privée » est une notion large non susceptible de définition exhaustive.  Il comprend des éléments se rapportant à l’identité d’une personne, tels que son nom, sa photo, son intégrité physique et morale [2] et s’étend généralement aux informations personnelles que toute personne peut légitimement espérer ne pas être exposées au public sans son consentement [3] . Il inclut également le droit au respect des décisions de devenir ou de ne pas devenir parent [4] et, plus spécifiquement, le droit de choisir les circonstances pour devenir parent  [5] .

     

    1.   De plus, l’article 8 recouvre l’intégrité physique d’une personne, parce que le corps d’une personne représente l’aspect le plus intime de sa vie privée, et toute intervention médicale, même la plus mineure, constitue une ingérence dans ce droit [6] . 

     

    1. Eu égard aux circonstances de la présente affaire, la Cour note que, étant donné la nature sensible de la procédure médicale qu’a subie la requérante le 24 avril 1999, et le fait que les étudiants en médecine aient été témoin de celle-ci et ont, par conséquent, eu accès à des informations médicales confidentielles concernant l’état de santé de la requérante (voy. paragraphe 16 plus haut), il ne fait aucun doute qu’une telle pratique relève d’une « ingérence » dans la vie privée de la requérante au sens de l’article 8 de la Convention.

     

     

    (b).  Sur la base légale de l’ingérence

     

    1.   Selon la jurisprudence établie de la Cour, l’expression « prévue par la loi » énoncée à l’article 8 § 2 exige, entre autres, que la mesure incriminée ait une base en droit interne [7].  Elle concerne aussi la qualité de la loi en cause ; exigeant qu’elle soit accessible pour la personne concernée, et prévisible quant à ses effets  [8]*.  En vue de rencontrer le critère de prévisibilité, la loi doit énoncer avec suffisamment de précision les conditions dans lesquelles la mesure peut s’appliquer afin de permettre à toute personne concernée de régler sa conduite – si besoin, avec des conseils appropriés.  Dans le contexte du traitement médical, le droit interne doit fournir une protection de l’individu contre les ingérences arbitraires dans ses droits couverts par l’article 8 [9].

     

      

    1.   La Cour note que la présence des étudiants en médecine durant la naissance de l’enfant de la requérante était autorisée conformément à l’article 54 de la Loi sur les soins de santé, qui prévoyait que les étudiants de hautes écoles en médecine sont autorisés à assister à un traitement médical dans le cadre des exigences de leur cursus et sous la supervision du personnel médical responsable pour leurs études professionnelles (voy. paragraphe 29 plus haut).  Par conséquent, il ne peut être affirmé que l’ingérence dans la vie privée de la requérante ne reposait sur aucune base légale.

     

    1.   Ceci dit, la Cour observe que l’article 54 était une disposition légale d’une nature générale, visant principalement à permettre aux étudiants en médecine de participer à des traitements dans un but formatif.  Cette disposition a délégué le pouvoir réglementaire à une agence exécutive compétente, de sorte qu’elle ne contient aucune règle spécifique protégeant la sphère privée des patients (voir paragraphe 29 plus haut).  En particulier, l’article 54 ne contient aucune garantie de protection de la vie privée des patients dans une telle situation.  La Cour note que les règles de droit pertinentes n’ont été adoptées que 8 ans après les événements, sous la forme d’une Order n°30 du Ministère des soins de santé et du Développement social russe du 15 janvier 2007 (voy. paragraphe 31 plus haut).  Ce document contient des dispositions sur les conditions formelles d’obtention du consentement des patients autorisant la participation des étudiants en médecine à leur traitement médical.

     

    1.   Du point de vue de la Cour, l’absence de garantie formelle contre les ingérences arbitraires dans les droits des patients dans le droit interne au moment des faits constituent une lacune grave [10] qui, dans les circonstances de la présente affaire, fut en outre exacerbée par la manière dont l’hôpital et les tribunaux internes ont abordée cette question.

     

    1.   La Cour pointe tout d’abord le fait que la brochure d’information citée par l’hôpital dans la procédure interne contenait une référence plutôt vague à l’implication des étudiants « dans le processus d’examen», sans explication quant à la portée exacte et le degré de cette implication.  De plus, l’information fut présentée d’une manière telle que la participation paraissait obligatoire et ne semblait ne laisser aucun choix de la requérante pour décider si elle refusait ou non d’autoriser la participation des étudiants (voy. paragraphe 7 plus haut).  Dans de telles circonstances, il est difficile de dire que la requérante a reçu une notification préalable au sujet de cet arrangement et qu’elle pouvait prévoir ses conséquences exactes.

     

    1.  En outre, la Cour note que la requérante a appris la présence des étudiants en médecine lors de son accouchement le jour précédent celui-ci, entre deux sessions de sommeil sous narcotique, alors qu’elle avait déjà subi depuis un long moment un état de stress et d’épuisement extrêmes en raison de ses contractions prolongées (voy. para. 6-16 plus haut).  Il n’est pas certain que la requérante ait, à ce moment-là, reçu le choix quant à la participation des étudiants ou qu’elle ait été capable, dans ces circonstances, de prendre une décision intelligible et éclairée (voy. para 37 plus haut).

     

    1.   Au regard des analyses des juridictions nationales sur l’action civile de la requérante, la Cour note que la disposition légale applicable ne réglemente pas la matière en détail et n’exige pas que l’hôpital obtienne le consentement de la requérante (voy. para 29 plus haut).  Les juridictions internes ont estimé que, en vertu de la loi interne, le consentement écrit n’était pas obligatoire, elles considérèrent qu’un consentement implicite avait été accordé (voy. para 23-25 plus haut).  Même si cette constatation avait eu une quelconque incidence sur la procédure interne, elle reste peu fiable puisque que les juridictions se sont fondées uniquement sur les déclarations du médecin sans questionner d’autres témoins, comme les autres membres du personnel médical et les étudiants concernés (voy. para 23 plus haut).  Encore plus important, les juridictions nationales n’ont pas pris en compte d’autres éléments pertinents dans cette affaire, comme les allégations  d’informations insuffisantes dans la brochure de l’hôpital, l’état de vulnérabilité de la requérante lors la notification [de la présence des étudiants], comme pointée plus tôt par la Cour, et l’absence d’alternative au cas où la requérante avait décidé de refuser la présence des étudiants durant la naissance (voy. para 37 plus haut).

     

    1.   A la lumière de ce qui vient d’être énoncé, la Cour estime que la présence des étudiants en médecine durant la naissance de l’enfant de la requérante le 24 avril 1999 ne remplit pas les exigences de légalité de l’article 8 § 2 de la Convention, en raison de l’absence de garantie procédurale contre les ingérences arbitraires dans les droits protégés par l’article 8 de la Convention.

     

    1.   Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

     

     

    II.       Sur la violation alléguée de l’article 3 de la Convention

     

     

    1.   Se fondant sur l’article 3 de la Convention, la requérante prétend que la gestion de la naissance fut défaillante et que son accouchement fut intentionnellement retardée en vue de permettre la présence des étudiants en médecine.  Cette disposition est ainsi libellée : 

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    1.   La Cour observe que les allégations de mauvaise gestion et de retardement délibéré de l’accouchement furent soulevées par la requérante lors de son action civile contre l’hôpital.  Les juridictions ont examiné ce grief en détail, et, en s’appuyant sur le rapport d’un panel d’experts datant du 27 septembre 2002, ont jugé les allégations de la requérante comme non fondées (voy. para 18 et 22-25 plus haut).  Les éléments du dossier ne contiennent ne contient aucune indication qui permettait à la Cour de conclure autrement.

     

    1.   Dans ces circonstances, la Cour conclut que les griefs fondés sur l’article 3 sont  sans fondement.  Il s’ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l’article 35, §§  3 et 4 de la Convention.

     

    III.     Application de l’article 41 de la Convention

     

     

    1.   L’article 41 de la Convention stipule que :

     

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

     

    A.     Dommage

     

     

    1.   La requérante réclame 140.000 EUR pour préjudice matériel et 25.000 EUR pour préjudice moral.

     

    1.   Le Gouvernement estime les prétentions de la requérante dépourvues de fondement.  Il note que la fille de la requérante fut soignée de manière gracieuse.  Concernant le préjudice moral, il rejette l’existence d’un préjudice moral imputable aux autorités.

     

    1.   La Cour estime que les éléments de l’affaire ne révèlent pas de l’existence d’un préjudice matériel ; partant, la Cour rejette cette demande.  D’un autre côté, la Cour considère que la requérante a subi un stress et une frustration nés de la violation établie.  Statuant en équité, la Cour accorde 3.000 EUR à titre de préjudice moral ; plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt. 

     

    B.     Frais et dépens

     

    1.   La requérante réclame 8.000 RUB pour les frais engagés devant les juridictions nationales.  Selon elle, elle a dû payer 4.000 RUB pour couvrir les frais d’expertise.  Dans une lettre en date du 5 août 1999, elle réclamait 30 EUR Pour les frais de poste engagés pour la procédure à Strasbourg et soumit une facture datant du 23 août 2009 confirmant le payement de divers frais d’un montant de 4.400 RUB.

     

    1.   Le Gouvernement ne s’est pas exprimé sur ce point.

     

    1.   Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant n’a droit au remboursement de ses frais et dépens qu’à condition que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des pièces en sa possession et des critères exposés ci-dessus, la Cour estime raisonnable d’accorder la totalité de la somme demandée. Elle octroie donc à la requérante la somme de 200 EUR. 

     

    C.     Intérêts moratoires

     

    1.    La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage. 

     

     

    Pour ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

     

    1.   Considère recevable la requête fondée sur la violation alléguée du droit de la requérante à sa vie privée et considère le surplus de la requête irrecevable ;

     

    1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

     

    1.  Dit

     

      1. que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en devises nationales au taux applicable à la date du règlement : 

                                                                   i.      3.000 EUR (trois mille euros),  plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ; 

                                                                 ii.      200 EUR (deux cent euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour frais et dépens ; 

      1. qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; 

     

    2.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus. 

    Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 9 octobre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement. 

     

    Søren Nielsen 

    Isabelle Berro-Lefèvre 

    Greffier 

    Présidente 

     

     



     

    Attention ! 
    Ce texte est une traduction officieuse
    par endroitshumains.org

     



    [1] En réalité, il s’agit bien du point 3.8. et non 3.9. comme indiqué dans l’arrêt de la CEDH.

    [2] Voy. par exemple Von Hannover c. Allemagne (n°2) [GC], n° 40660/08 et 60641/08, § 95, 7 février 2012 

    [3] Voy. Flinkkilä et autres c.  Finlande, n° 25576/04, § 75, 6 avril 2010 ;  Saaristo et autres c. Finlande, n° 184/06, § 61, 12 octobre 2010 : et  Ageyevy c. Russie, n° 7075/10, § 193, 18 avril 2013.

    [4] Voy. Evans c. Royaume-Uni [GC], n° 6339/05, § 71, ECHR 2007-1.

    [5] Voy. Ternovszky c. Hongrie, n° 67545/09, § 22, 14 décembre 2010. 

    [6] Voy. Y.F. c. Turquie, n° 24209/94, § 33, ECHR 2003-IX ; V.C. c. Slovaquie, n° 18968/07, §§ 138-142, ECHR 2011 ; Solomakhin c. Ukraine, n° 24429/03, § 33, 15 mars 2012 ; et I.G. et autres c Slovaquie, n° 15966, §§ 135-146, 13 novembre 2012. 

    [7] Voy. par exemple, Aleksandra Dmitriyeva c. Russie, n°9390/05, §§ 104-07, 3 novembre 2011. 

    [8] Voy. Rotaru c. Roumanie [GC], n° 28341/95, § 52, ECHR 2000-V.

    [9] Voy. mutatis mutandis, X c. Finlande, n° 34806/04, § 217, ECHR 2012.

    [10] Voy. mutatis mutandis, V.C., cité plus haut, §§ 138-142.


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  • Petite mise en bouche...

     

    Sans blague? 

    Allez, si l'OMS s'y met, il y a des chances pour que certaines personnes y prêtent attention. 

    Un peu de lecture ne vous rebute pas (4 pages)?  C'est ici.

    source: http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/134589/1/WHO_RHR_14.23_fre.pdf?ua=1

     

     


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  • Aline, notre sage-femme, traverse un moment difficile.  L'occasion pour nous de lui témoigner notre gratitude infinie pour avoir sauvé notre fils, et pour nous avoir accompagnés lors de ces deux grossesses et traversées du fleuve [accouchement se dit littéralement "traversée du fleuve" en khmer).  Petit résumé des moments phares de son soutien... 

    ***********

    Bruxelles, le 2 juillet 2014

    C’est en février 2009 que nous avons fait la connaissance d’Aline Jeandenans, notre sage-femme.  Alors que nous étions encore sous le choc des résultats d’un tri-test annonçant une probabilité de 1/73 d’avoir un enfant trisomique, nous avons contacté Aline afin qu’elle assure l’accompagnement de notre grossesse et de mon accouchement en maison de naissance à Bruxelles.  Nous n’avons jamais regretté ce choix.  Et c’est donc tout naturellement que nous nous sommes de nouveau tournés vers elle lors de ma deuxième grossesse pour, pour cette fois, un accouchement à la maison.

    Aline est une sage-femme dont l’écoute est exceptionnelle.  Nous étions complètement désemparés lorsque nous sommes entrés en contact avec elle, en raison de l’annonce du tri-test.  Elle a trouvé les mots pour nous rassurer.  Elle nous a beaucoup écoutés.  Avec elle, nous avons pu explorer toutes nos craintes et nos peurs liées à l’accouchement.  Je me rappelle ainsi d’une consultation ayant duré plus de 3 heures parce que j’avais expliqué les risques de blocage qui pourraient arriver lors de l’accouchement, en raison notamment de ma peur d’accoucher d’un bébé trisomique. Je me suis sentie écoutée et soutenue, alors que jusque-là en raison de notre parcours que je vous épargne ici, nous avions été forts déçus par le manque d’écoute et d’empathie du monde médical approché lors de cette 1ère grossesse (en très résumé : une gynécologue qui me fait subir une échographie endo-vaginale sans me demander si je la souhaite, sans même me prévenir à quoi sert l’engin qu’elle enfonce dans mon vagin sans un mot d’explication, un autre gynécologue qui annonce le résultat du tri-test sur mon répondeur sans penser qu’une telle nouvelle est hyper stressante, un autre gynécologue qui annonce le sexe de l’enfant attendu lors d’une échographie alors que nous avions formulé la demande expresse de ne pas connaître le sexe de notre bébé, etc.).

    Avec un suivi médical irréprochable, Aline a toujours répondu à toutes nos questions médicales et autres.  Elle nous a toujours exposé toutes les pistes envisageables pour chaque situation.  Elle nous a expliqué l’objectif de tous les tests lors de la grossesse et lors de post-partum, et post-natal.  Elle a toujours veillé à détailler la portée de leurs résultats, les risques que nous prenions en les faisant, les risques que nous prenions en les refusant.  Ceci est indispensable pour tous les couples, mais en particulier pour nous, nous qui avions été amenés à nous soumettre au test du tri-test sans en mesurer toute la portée (laquelle consiste à se poser la question d’une interruption de grossesse). 

    Lors de mon premier accouchement qui fut particulièrement long et douloureux, j’ai eu ce luxe inouï de bénéficier à moi toute seule de deux sages-femmes aux soins pour moi.  J’ai toujours senti le soutien et l’accompagnement d’Aline qui veillait à la santé de notre bébé qui s’en venait.  J’avais besoin de temps pour me défaire de mon stress d’accoucher d’un bébé trisomique et Aline m’a accordé ce temps.  A l’hôpital, j’aurais certainement subi une césarienne.  Elle aurait été inutile puisqu’en me laissant du temps, j’ai pu accoucher d’un merveilleux petit garçon.  Lorsque notre enfant est né, il ne respirait pas.  Aline a effectué dans l’urgence les actes nécessaires pour dégager les poumons de notre bébé, obstrués par du méconium.  En une geste médical de survie, notre bébé fut sauvé grâce à la promptitude et au professionnalisme d’Aline. 

    C’est Aline qui assura le suivi post-partum, avec sa consoeur Marloes Sijbenga, également présente lors de l’accouchement.  Aline a également donné les soins et effectués les tests sur mon bébé.   

    Après l’accouchement, Aline fut présente lorsque nous avons rencontré des difficultés dans la mise en place de l’allaitement.  C’est elle que nous avons contactée à 2 heures du matin lorsque j’ai cru devenir folle en entendant des sons de tambour.  Je voulais me rendre à l'hôpital, croyant être en train de perdre la tête.  En fait, j’étais tellement exténuée que j’entendais mon pouls. 

    Comme la montée de lait tardait, Aline nous a parlé de complément au lait maternel…par du lait maternel que je devais tirer suffisamment souvent pour activer la montée de lait.  Elle nous a expliqué le DAL qui a sauvé mon allaitement une première fois.  

    C’est à Aline également que nous avons téléphoné à minuit un jour peu après mon accouchement pour demander quelle marque de lait en poudre aller acheter en pharmacie de garde, tellement nous étions désemparés par ce bébé qui exigeait sans cesse le sein.  C’est Aline qui nous a donné les pistes pour tenir cette nuit critique où nous étions prêts à lâcher l’allaitement.  Sans elle, je n’aurais pas allaité mon fils durant 25 mois, allaitement interrompu par ma deuxième grossesse.

    Lors du post-partum et pour les soins de mon bébé, outre la capacité d’écoute remarquable d’Aline, nous avons été émerveillés par l’humilité et l’esprit d’ouverture prodigieux de notre sage-femme.  Elle n’offrait pas de solutions toutes faites mais nous proposait de tester ce qu’elle connaissait, ce qu’elle pensait être des pistes sérieuses.  Nous étions déroutés pour notre garçon qui pleurait souvent, demandait tout le temps le sein et ne paraissait jamais content.  Aline nous a rassurés, a partagé les pistes qu’elle connaissait afin de soulager notre bébé et nous rassurer, nous, ses parents.  Elle s’adressait à notre fils avec la même douceur qu’avec nous.  Elle a eu un excellent contact avec notre bébé et a toujours pris le temps nécessaire pour lui et pour nous.  Avec Aline, on est très très loin des quelques minutes de consultations que certaines gynécologues et certains pédiatres pratiquent.  Il s’agit de construire une relation de confiance afin d’identifier les signes d’inquiétude et d’alarme éventuels avant que les problèmes ne surgissent. 

    Dans cette relation de confiance, Aline a toujours veillé à inclure mon mari.  Il a pleinement sa place dans la préparation à l’accouchement, lors de l’accouchement et après l’accouchement.  Il est partie prenante aux événements.  La relation de confiance s’est établie non pas seulement avec moi, qui accouchais, mais avec le couple qui allait devenir parent, et avec l’enfant à naître qu’elle a toujours considéré comme un acteur des événements (puisque après tout, c’est quand même le 1er concerné, puisque c’est lui qui naît).

    Pour ma deuxième grossesse, tout s’est passé sans incident majeur puisque je n’ai plus effectué de tri-test.  Aline nous a accompagnés dans notre accouchement à domicile.  Celui-ci s’est déroulé tout en douceur, dans l’intimité de notre foyer sans aucun stress.  Le post-partum s’est aussi écoulé sans souci.  Un incident permet de saisir l’importance de la relation de confiance qui s’est tissée entre nous.

    Lors de la deuxième pesée de notre nouvelle-né, Aline réalise qu’elle a perdu beaucoup de poids, un peu plus que les 10% de la  « norme ».  A l’hôpital, il paraît que j’aurais été enjointe de faire remonter ce poids au plus vite, quitte à donner du lait artificiel.  Aline, faisant ce constat, ne nous dit rien pourtant.  L’examen général de ma fille est parfait.  Elle est rose et se porte comme un charme.  Elle boit, dort et communique quand elle est éveillée.  Un vrai bonheur en pleine forme, qui a juste perdu plus que  la « norme ».   Aline veille à contacter sa consœur Marloes pour lui signaler de ne pas relever ce fait lors de la prochaine consultation.  Lors de la prise de poids suivante, deux jours plus tard, notre fille a grossi plus que son poids de naissance.  Elle avait juste besoin de temps.  Aline ne nous a rien dit car rien d’alarmant n’était à signaler.  Si elle nous l’avait dit, nous aurions été extrêmement stressés et angoissés, d’autant plus que le babyblues se profilait.  Et nous aurions fixé toute notre attention sur ce point.  Grâce à ce silence, qui ne signifie pas indifférence ou négligence (il ne s’agissait pas pour elle de faire comme si la perte de poids n’avait pas eu lieu), grâce à ce silence qu’elle a décidé en conscience parce qu’elle nous connait, Aline nous a permis de continuer notre nouvelle vie à 4 dans la joie qui a baigné la naissance de notre enfant, au lieu de nous focaliser sur la balance.

    Notre fille, 2 ans passés maintenant, rayonne de joie et de santé, notamment grâce aux tétées dont elle continue de bénéficier.

    Au vu de notre expérience avec Aline, il ne fait pas l’ombre d’un doute que nous ferons appel à elle pour notre troisième enfant. Car avec elle, nous nous sentons pleinement en confiance.  Et il serait impensable pour nous de nous faire accompagner par un-e autre profesionnel-le.

    *******

     

     


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  • Quiconque lit un tant soit peu sur l'accouchement hors structure hospitalière, le sait.  Sait les avantages, et surtout les risques inhérents à l'accouchement dans un lieu qui concentre les malades, maladies, virus et autres joyeusetés.  Pour ceux qui auraient besoin de ce genre d'infos.  source: Top Santé

    Accoucher à la maison moins risqué qu’un accouchement à l’hôpital ?

    Le 03 décembre 2012 à 11h50 - Mis à jour le 23 avril 2013 à 12h50 - par Catherine Cordonnier

    C’est en tous cas ce qu’affirment des chercheurs anglais, après avoir étudié le nombre d’hémorragies post-partum enregistrées chez 500 000 jeunes mamans ayant accouché pour certaines à l’hôpital et pour d’autres à la maison.

    Accoucher à la maison moins risqué qu’un accouchement à l’hôpital ?

    Les femmes qui accouchent chez elles ont moins de risques de souffrir de saignements et d’hémorragie post-partum que celle qui accouchent à l’hôpital : voilà l’étonnante conclusion d’une étude menée par les chercheurs de l'Université de Southampton, en Grande-Bretagne, qui se sont penchés sur les dossiers médicaux de 500 000 femmes. Une conclusion qui n’a rien d’anodin lorsque l’on sait que l’hémorragie post-partum est la principale cause de décès liées à l’accouchement en France.

    Hémorragie post-partum : c’est quoi ?

    L’hémorragie post-partum se définit par une perte sanguine de plus de 500 ml dans les 24 heures qui suivent la naissance. Bien que ce type de saignement ne concerne que 5 % des naissances environ, il représente la principale cause de décès maternel en France car la majorité des HPP surviennent sans qu’aucun facteur de risque n’ait pu être identifié.

    Selon les chercheurs anglais, la sur-médicalisation de l’accouchement, l’usage de médicaments pour accélérer les contractions, la pratique courante de l'épisiotomie pour faciliter la sortie du bébé par voie basse ou encore la multiplication des césariennes provoquent des saignements intempestifs et compromettent la sécurité des femmes enceintes en plein travail.

    « Toutes les femmes enceintes devraient en être informées et devraient pouvoir choisir librement le lieu où elles souhaitent accoucher » ajoute Janet Fyle, conseillère médicale au Collège royal des sages-femmes de Grande-Bretagne.


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  • Je n'en ai plus parlé bien que j'y pense souvent:  Le défi Mon Corps Mon Bébé Mon Accouchement 1000 témoignages est toujours d'actualité.  Le temps imparti pour communiquer les témoignages a été étendu à un an.  Certaines personnes ont besoin de plus de temps que des 4 semaines initialement prévues.

    ***

    Le défi 1000 témoignages en 1 mois est désormais terminé! Il est prolongé sur 1 an!

    Le 1er mars est passé – Voici l’heure des comptes!

    Le défi 1000 témoignages en 1 mois est désormais terminé!

    Il y a 336 témoignages publiés :

    - 205 accouchements non respectés

    - 131 accouchements respectés

    Vos témoignages viennent de France, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse, Espagne, Italie, Grèce, Tunisie, Israël, Canada, USA et Australie. Vous nous avez écrit en Français, Néerlandais, Anglais, Espagnol, Italien, Grec* et Catalan.

    Notre équipe est touchée de votre confiance, vous qui nous confiez vos récits si intimes. Vos témoignages nous ont bouleversées, souvent fait pleurer de rire ou de douleur, de joie ou de colère…

    Certaines mères ont témoigné de leur soulagement de ne plus se sentir seules, ce défi a réellement sa raison d’être, aussi dans ce sens-là. Ce qui nous a d’autant plus convaincues de l’importance de raconter les accouchements non-respectés!

    Notre équipe est gonflée à bloc par l’énergie insufflée par la vague de vos e-mails… C’est avec une grande émotion que nous avons pris la décision d’allonger la durée du défi : 1.000 témoignages en 1 an!!!

    Cela permettra de réunir sans doute bien plus de 1.000 témoignages et de préparer un manifeste très complet pour la SMAR** en mai 2014!

    Nous vous laissons donc le temps de diffuser pleinement le défi, afin de récolter (au moins) 1000 témoignages avant fin janvier 2014.

    Vous pensez que c’est possible? Nous en sommes persuadées!!

    - L’équipe de Mon Corps, Mon Bébé, Mon Accouchement ***

    (*) Les témoignages grecs n’ont pas encore pu être publiés, des administratrices Grecques arrivent bientôt en renfort de l’équipe!

    (**) Semaine mondiale de l’accouchement respecté : organisée par l’AFAR (agence francophone de l’accouchement respecté), elle a lieu en mai chaque année.

    (***) Nous sommes 9 femmes déterminées, mères ou pas encore (la présentation de notre équipe arrive dans quelques jours sur le blog, promis!) - Vanessa, Sarah, Angelina, Laura, Deena, Lucia, Sophinie, Hélène et Julie !

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    Le blog : http://moncorpsmonbebemonaccouchement.wordpress.com

    La page-FB : MonCorpsMonBebeMonAccouchement et l’événement-FB : events/424935410909138

    Le groupe-FB où est née l’idée (bienvenue!) : https://www.facebook.com/groups/naissanceRespectee


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